Obrazy na stronie
PDF
ePub

16 bis.

Pourquoi ma connaissance est-elle bornée ? ma taille? ma durée, à cent ans plutôt qu'à mille? Quelle raison a eue la nature de me la donner telle, et de choisir ce nombre plutôt qu'un autre, dans l'infinité desquels il n'y a pas plus de raison de choisir l'un que l'autre, rien ne tentant plus que l'autre.

17.

Combien de royaumes nous ignorent!

17 bis.

Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie.

18.

Je porte envie à ceux que je vois dans la foi vivre avec tant de négligence, et qui usent si mal d'un don duquel il me semble que je ferais un usage si différent1.

19.

Chacun est un tout à soi-même; car lui mort, le tout est mort pour soi. Et de là vient que chacun croit être tout à tous. Il ne iaut pas juger de la nature selon nous, mais selon elle.

20.

Le monde ordinaire a le pouvoir de ne pas songer à ce qu'il ne veut pas songer. Ne pensez pas aux passages du Messie, disait le Juif à son fils2. Ainsi font les nôtres souvent. Ainsi se conservent les fausses religions; et la vraie même, à l'égard de beaucoup de gens. Mais il y en a qui n'ont pas le pouvoir de s'empêcher ainsi de songer, et qui songent d'autant plus qu'on l'aura défendu. Ceux-là se défont des fausses religions, et de la vraie même, s'ils ne trouvent des discours solides.

21.

Qu'il y a loin de la connaissance de Dieu à l'aimer !

...

22.

Quand la force attaque la grimace, quand un simple sol

1. Il parle au nom de celui qui ne croit pas encore; il se suppose dans cette situation d'esprit.

2. C'est-à-dire, aux passages de l'Écriture qui prouvent, selon Pascal, que le Messie est

dat prend le bonnet carré d'un premier président, et le fait voter par la fenêtre 1.

23.

Es-tu moins esclave, pour être aimé et flatté de ton maître? Tu as bien du bien, esclave: ton maître te flatte. Il te battra tantôt 2.

24.

Ce n'est pas dans Montaigne, mais dans moi, que je trouve tout ce que j'y vois.

25.

Deviner. La part que je prends à votre déplaisir. M. le Cardinal ne voulait point être deviné 3.

25 bis.

« J'ai l'esprit plein d'inquiétude. » Je suis plein d'inquiétude, vaut mieux.

25 ter.

« Éteindre le flambeau de sédition. » Trop luxuriant. « L'inquiétude de son génie. » Trop de deux mots hardis.

26.

Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Inconti

1. Cela avait dû se voir au temps des Seize, et peut-être au temps de la Fronde. Voyez 11, 3, page 33.

2. A qui s'adresse cette apostrophe originale? quel est cet esclave? J'imagine que c'est le mondain, esclave des sens, et qui dit qu'il ne s'aperçoit pas de sa servitude, qu'il se trouve bien de son état, que la vie lui est douce; Pascal répond: Ton maître te flatte (ce maître, c'est la créature, c'est l'objet sensible), il te battra tantôt. Pour avoir été l'esclave volontaire et satisfait du plaisir, tu seras l'esclave contraint et désespéré de la douleur. Car on n'a pas de force pour supporter si on n'en a pas eu pour s'abstenir. Au contraire, la souffrance est sans pouvoir sur celui sur qui la volupté n'a pu rien; celuilà est un homme libre.

3. Ce fragment a été expliqué par M. Fr. Collet dans l'écrit intitulé, Fait inédit de la vie de Pascal, par le rapprochement d'un passage du chevalier de Méré (Discours de la conversation, p. 72). Les choses qui n'ont rien de remarquable ne laissent pas de plaire quand elles sont du monde... Il ne faut pourtant pas qu'elles soient si communes que celle-ci, que tout le monde sait par cœur, la part que je prends à votre déplaisir. J'ai vu parier, en ouvrant une lettre de consolation, que cela s'y trouverait; et une dame fort triste qui l'avait reçue ne put s'empêcher d'en rire. Pascal veut donc dire qu'il ne faut pas écrire de ces banalités qu'on peut deviner. - M. le Cardinal est Mazarin.

nent il sortira du fond de son âme l'ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir 1.

26 bis.

Quand un soldat se plaint de la peine qu'il a, ou un laboureur, etc., qu'on les mette sans rien faire *.

27.

L'homme n'agit point par la raison, qui fait son être 3.

28.

Bassesse de l'homme, jusques à se soumettre aux bêtes, jusques à les adorer.

...

29.

Tous leurs principes sont vrais, des pyrrhoniens, des stoïques, des athées, etc. Mais leurs conclusions sont fausses, parce que les principes opposés sont vrais aussi.

30.

Les philosophes ont consacré les vices, en les mettant en Dieu même; les chrétiens ont consacré les vertus,

31.

Immatérialité de l'âme. Les philosophes qui ont dompté leurs passions, quelle matière l'a pu faire?

32.

La belle chose, de crier à un homme qui ne se connaît pas, qu'il aille de lui-même à Dieu! Et la belle chose de le dire à un homme qui se connaît 4 !

32 bis.

Le commun des hommes met le bien dans la fortune et dans les biens du dehors, ou au moins dans le divertissement. Les

1. Montaigne, Apol., t. 1, p. 42: « Car de là naist la source principale des maux qui lo pressent: peché, maladie, irresolution, trouble, desespoir. Surgit amari aliquid, dans Lucrèce, IV, 1130. En titre dans l'autographe, Ennui.

2. En titre dans l'autographe, Agitation.

3. Son essence, ce par quoi il est homme. En titre dans l'autographe, Nature corrom

Due.

4. S'il ne se connaît pas, il est à plus forte raison incapable de connaître Dieu. Et s'il se connaît, il connaît donc combien il est faible et misérable, et par conséquent incapable encore d'aller à Dieu de lui-même, et sans le secours de la grâce. Ainsi la religion seule, et non aucune philosophie, peut nous conduire jusqu'à Dieu. En titre dans l'autographe, Philosophes.

philosopnes ont montré la vanité de tout cela, et l'ont mis où ils ont pu1.

32 ter.

Pour les philosophes, 288 souverains biens ".

33.

Ut sis contentus temetipso et ex te nascentibus bonis3. Il y a contradiction, car ils conseillent enfin de se tuer. Oh! quelle vie heureuse, dont on se délivre comme de la peste 4 !

33 bis.

Il est bon d'être lassé et fatigué par l'inutile recherche du vrai bien, afin de tendre les bras au libérateur,

34.

Mon Dieu, que ce sont de sots discours! Dieu aurait-il fait le monde pour le damner? demanderait-il tant, de gens si faibles? etc.- Pyrrhonisme est le remède à ce mal, et rabattra cette vanité.

34 bis.

Le pyrrhonisme sert à la religion.

35.

Dira-t-on que pour avoir dit que la justice est partie de la terre, les hommes aient connu le péché originel? - Nemo ante obitum beatus est. C'est-à-dire, qu'ils aient connu qu'à la mort la béatitude éternelle et essentielle commence "?

36.

Ils sont contraints de dire: Vous n'agissez pas de bonne foi;

1. En titre dans l'autographe, Recherche du vrai bien.

2. Montaigne, Apol., t. I, page 280: Il n'est point de combat si violent entre les philosophes, et si aspre, que celuy qui se dresse sur la question du souverain bien de homme; duquel, par le calcul de Varro [dans saint Augustin, de Civ. Dei, XIX, 2], nasquirent deux cents quatre vingts huict sectes.

3. Je ne sais d'où est prise cette citation.

4. Voyez Montaigne, II, 3, t. II, page 332, d'après Sénèque, Lettre LXX. Les mêmes idées sont dans Epictète, IV, 10, et ailleurs. En titre dans l'autographe, Le souverain bien: dispute du souverain bien.

5. VIRGILE, Géory., II, 474; Hésiode, Travaux, 195, Aratos, Phenom., 100.

6. Nul n'est heureux avant la mort. Il fallait mettre: Nul ne doit être dit heureux avant sa mort, car c'est ce que disent les vers d'Ovide, cités par Montaigne (I, 18, t. I p. 97), que Pascal n'a fait que mettre en prose :

dicique beatus

Ante obitum nemo supremaque funera debet.

La pensée est prise du discours de Solon à Crésus dans Hérodote, I, 23. Voir Montaigne à l'endroit cité, et I, 3, page 22. Si Pascal avait reproduit la pensée exactement, il n'au rait pas eu besoin d'avertir de ne pas y attacher le sens qu'il va indiquer.

nous ne dormons pas, etc. Que j'aime à voir cette superbe raison humiliée et suppliante! Car ce n'est pas là le langage d'un homme à qui on dispute son droit, et qui le défend les armes et la force à la main. Il ne s'amuse pas à dire qu'on n'agit pas de bonne foi, mais il punit cette mauvaise foi par la force1.

37.

L'Ecclésiaste montre que l'homme sans Dieu est dans l'ignorance de tout, et dans un malheur inévitable. Car c'est être malheureux que de vouloir et ne pouvoir. Or il veut être heureux, et assuré de quelque vérité, et cependant il ne peut ni savoir, ni ne désirer point de savoir. Il ne peut même douter2.

38.

On a bien de l'obligation à ceux qui avertissent des défauts, car ils mortifient. Ils apprennent qu'on a été méprisé, ils n'empêchent pas qu'on ne le soit à l'avenir, car on a bien d'autres défauts pour l'être. Ils préparent l'exercice de la correction et l'exemption d'un défaut.

39.

Nulle secte ni religion n'a toujours été sur la terre, que la religion chrétienne.

39 bis.

Il n'y a que la religion chrétienne qui rende l'homme aimable et heureux tout ensemble. Dans l'honnêteté, on ne peut être aimable et heureux ensemble 3.

3

1. En titre dans l'autographe, Le bon sens. Cette étrange invective contre le bon sens s'adresse à une certaine justesse d'esprit commune, par laquelle la plupart des hommes se refusent à suivre jusque dans leurs conséquences paradoxales et troublantes des raisonnements philosophiques qu'ils ne sauraient pourtant réfuter. Ainsi quand les pyrrhoniens, et après eux Descartes et Pascal (voir vIII, 1), soutiennent qu'on ne peut établir aucune distinction fondée entre la veille et le sommeil, ceux à qui on tient ce langage se bornent à répondre qu'on ne parle pas de bonne foi, qu'on ne devrait pas faire de telles suppositions, etc. Ainsi la raison ne résiste qu'en reculant, elle demande grâce; et c'est alors que Pascal la prend en pitié. Il s'écrie qu'elle ne gouverne l'esprit humain que par tolérance, qu'elle n'a ni droit, ni force à l'appui. La force ici, où il s'agit de raison, c'est une argumentation rigoureuse; les armes sont des syllogismes.

2. Voy. l'Ecclésiaste, passim, et particulièrement vIII, 17. L'Ecclésiaste s'étend sur les vanités et les misères de la vie; mais ce raisonnement qui conclut de l'ignorance au malheur est de Pascal seul, comme ce qui suit : « Il ne peut même douter. Cf. vi, 1 (t. I, p. 114).

3. Car, pour être aimable, il faut se sacrifier aux autres, et pour être heureux, sacrifier es autres à soi. Le chrétien, suivant Pascal, met le bonheur dans le sacrifice. L'honnêteté est l'ensemble des qualités qui font l'honnête homme. C'est en ce sens que Méré disait que l'esprit et l'honnêteté sont au-dessus de tout. (Lettre à Pascal.)

Х

« PoprzedniaDalej »