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chrétiens ne se montraient pas non plus éloignés d'y croire, par exemple Grotius, De Verit. religionis, IV, 8. Et, en effet, si on s'en rapporte aux témoins, ils sont mieux attestés que bien d'autres.

Fragment 100 bis. « Nous n'estimons pas que toute la philosophie vaille une heure de peine. »>

Il est clair que cela s'applique à la philosophie physique de Descartes, et surtout au livre De principiis philosophiæ, auquel s'attaque déjà un des fragments les plus célèbres et les plus considérables de Pascal. Mais il n'estimait guère plus sa métaphysique, comme on l'a vu par les fragments dont se compose l'article xxII.

On lit dans les Mémoires de Marguerite Perier (Lettres, opuscules, etc., p. 458): « M. Pascal parlait peu de sciences; cependant, quand l'occasion s'en présentait, il disait son sentiment sur les choses dont on lui parlait. Par exemple, sur la philosophie de M. Lescartes, il disait assez ce qu'il pensait. Il était de son sentiment sur l'automate, et n'en était point sur la matière subtile, dont il se moquait fort. Mais il ne pouvait souffrir sa manière d'expliquer la formation de toutes choses; et il disait très-souvent : Je ne puis pardonner à Descartes ; il aurait bien voulu, dans toute sa philosophie, pouvoir se passer de Dieu, mais il n'a pu s'empêcher de lui faire donner une chiquenaude, pour mettre le monde en mouvement: après cela, il n'a plus que faire de Dieu. >>

Mais est-ce donc peu de chose, que ce que Pascal accorde à Descartes, qu'il est vrai que tout se fait par figure et par mouvement? Une pareille conclusion ne vaut-elle pas qu'on prenne la peine de faire une philosophie ? Et si Descartes, au risque de se tromper souvent, n'avait pas essayé de composer, avec telles figures et tels mouvements particuliers, une machine que lui-même ne donne que pour une hypothèse, aurait-il aussi bien convaincu de son principe et le monde et Pascal? Il n'y a que les détails qui rendent les généralités sensibles, et qui les font pénétrer dans l'esprit

Au reste, Pascal n'avait pas toujours dédaigné Descartes. Méré lui dit dans sa Lettre : « Descartes, que vous estimez tant. » Voir M. Sainte-Beuve, Port- Royal, 1re édition, t. 1, p. 339.

Fragment 101.

« Athéisme, marque de force d'esprit, mais jusqu'à un certain degré seulement. » On a vu que cela est pris de Montaigne, mais on peut douter que Montaigne, qui se range lui-même parmi les gens d'entre-deux, soit aussi sincère que Pascal dans l'hommage qu'il rend aux esprits arrivés au dernier estage. Du moins, son disciple Charron, dans un passage du chapitre 3 du premier de ses

Trois livres pour la religion catholique (cité ici par M. Faugère), dit que l'athéisme absolu ne peut loger qu'en une âme extrêmement forte et hardie, et qu'il faut autant et peut-être plus de force pour se jeter dans une incrédulité entière que pour se tenir toujours bien ferme dans la foi que ce sont là les deux extrémités opposées, toutes deux trèsrares et très-difficiles, mais la première encore plus. Pascal ne pouvait accepter l'orgueil de ce langage; celui de Montaigne lui convenait mieux.

ARTICLE XXV

1.

Quand notre passion nous porte à faire quelque chose, nous oublions notre devoir. Comme on aime un livre, on le lit, lorsqu'on devrait faire autre chose. Mais, pour s'en souvenir, il faut se proposer de faire quelque chose qu'on hait; et lors on s'excuse sur ce qu'on a autre chose à faire, et on se souvient de son devoir par ce moyen.

2.

Quel déréglement de jugement, par lequel il n'y a personne qui ne se mette au-dessus de tout le reste du monde, et qui n'aime mieux son propre bien que celui..., et la durée de son bonheur, et de sa vie, que celle de tout le reste du monde!

3.

Il y a des herbes sur la terre; nous les voyons; de la lune on ne les verrait pas. Et sur ces herbes, des poils; et dans ces poils, de petits animaux; mais après cela, plus rien. - O présomptueux! Les mixtes sont composés d'éléments; et les éléments, non. O présomptueux! Voici un trait délicat. Il ne faut pas dire qu'il y a ce qu'on ne voit pas. Il faut donc dire comme les autres, mais ne pas penser comme eux.

4.

... Non-seulement nous regardons les choses par d'autres côtés, mais avec d'autres yeux; nous n'avons garde de les trouver pareilles.

5.

L'éternuement absorbe toutes les facultés de l'âme, aussi bien que la besogne. Mais on n'en tire pas les mêmes conséquences contre la grandeur de l'homme, parce que c'est contre son gré. Et quoiqu'on se le procure, néanmoins c'est contre son gré qu'on se le procure. Ce n'est pas en vue de la chose même, c'est pour une autre fin; et ainsi ce n'est pas une marque de la faiblesse de l'homme, et de sa servitude sous cette action. Il n'est pas honteux à l'homme de succomber sous la douleur, et il lui est honteux de succomber sous le plaisir. Ce qui ne vient pas de ce que la douleur nous vient d'ailleurs, et que nous recherchons le plaisir; car on peut rechercher la douleur, et y succomber à dessein, sans ce genre de bassesse. D'où vient donc qu'il est glorieux à la raison de succomber sous l'effort de la douleur, et qu'il lui est honteux de succomber sous l'effort du plaisir? C'est que ce n'est pas la douleur qui nous tente et nous attire. C'est nous-mêmes qui volontairement la choisissons et voulons la faire dominer sur nous; de sorte que nous sommes maîtres de la chose, et en cela c'est l'homme qui succombe à soi-même; mais dans le plaisir, c'est l'homme qui succombe au plaisir. Or, il n'y a que la maîtrise et l'empire qui fasse la gloire, et que la servitude qui fasse la honte 1.

6.

Ceux qui, dans de fâcheuses affaires, ont toujours bonne espérance, et se réjouissent des aventures heureuses, s'ils ne s'affligent également des mauvaises, sont suspects d'être bien aises de la perte de l'affaire, et sont ravis de trouver ces prétextes d'espérance pour montrer qu'ils s'y intéressent et couvrir, par la joie qu'ils feignent d'en concevoir, celle qu'ils ont de voir l'affaire perdue.

7.

Notre nature est dans le mouvement; le repos entier est la mort.

1. Voyez Montaigne, liv. III. chap. 5. (Note de M. Faugère.) La besogne est l'acte obscène, qui est le sujet de tout ce long chapitre des Essais. Alexandre disoit, qu'il se cognoissoit principalement mortel par cette action, et par le dormir. Le sommeil suffoque et supprime les facultez de nostre ame; la besongne les absorbe et dissipe de mesme certes c'est une remarque, non-seulement de nostre corruption originelle, mais aussi de nostre vanité et desformité (t. iv, p. 325). ►

8.

Nous nous connaissons si peu, que plusieurs pensent aller mourir quand ils se portent bien, et plusieurs pensent se porter bien quand ils sont proche de mourir, ne sentant pas la fièvre prochaine, ou l'abcès prêt à se former.

9.

La nature recommence toujours les mêmes choses, les ans, les jours, les heures; les espaces de même et les nombres sont bout à bout à la suite l'un de l'autre. Ainsi se fait une espèce d'infini et d'éternel. Ce n'est pas qu'il y ait rien de tout cela qui soit infini et éternel, mais ces êtres terminés se multiplient infiniment; ainsi il n'y a, ce me semble, que le nombre qui les multiplie qui soit infini1.

10.

Quand on dit que le chaud n'est que le mouvement de quelques globules, et la lumière le conatus recedendi que nous sentons, cela nous étonne. Quoi ? que le plaisir ne soit autre chose que le ballet des esprits1? Nous en avons conçu une si différente idée ! et ces sentiments-là nous semblent si éloignés de ces autres, que nous disons être les mêmes que ceux que nous leur comparons! Le sentiment du feu, cette chaleur qui nous affecte d'une manière tout autre que l'attouchement, la réception du son et de la lumière, tout cela nous semble mystérieux, et cependant cela est grossier comme un coup de pierre. Il est vrai que la petitesse des esprits qui entrent dans les pores touche d'autres nerfs, mais ce sont toujours des nerfs touchés 3.

11.

Si un animal faisait par esprit ce qu'il fait par instinct, et s'il parlait par esprit ce qu'il parle par instinct, pour la chasse, et

1. Voir plus loin le fragment 65.

2. Ce tour est un latinisme : Quid quod..? C'est comme si l'on disait: Et ceci, que le plaisir ne soit... qu'en penserons-nous?

3. Toute cette physique est prise de Descartes. Voyez les Principia philosophiæ aux endroits suivants : III, 55, etc.; IV, 29, 80, 194; et aussi le premier chapitre de la Dioptrique, et le Traité des Passions, II, 94.

Le conatus recedendi (a centro) est ce que nous appelons force centrifuge. Descartes établit que la force centrifuge qui anime toute masse en rotation, et par conséquent celle du soleil, agissant de tous les points de la surface de cet astre sur la matière répandue dans l'espace entre le soleil et nous, produit sur cette matière une pression qui se continue jusqu'au nerf optique, et dont le sentiment n'est autre chose que la sensation de la lumière.

pour avertir ses camarades que la proie est trouvée ou perdue, il parlerait bien aussi pour des choses où il a plus d'affection, comme pour dire : Rongez cette corde qui me blesse, et où je ne puis atteindre.

11 bis.

L'histoire du brochet et de la grenouille de Liancourt. Ils le font toujours, et jamais autrement, ni autre chose d'esprit1. 12.

Nous ne nous soutenons pas dans la vertu par notre propre force; mais, par le contre-poids de deux vices opposés, nous demeurons debout, comme entre deux vents contraires : ôtez un de ces vices, nous tombons dans l'autre.

13.

Ils disent que les éclipses présagent malheur, parce que les malheurs sont ordinaires; de sorte qu'il arrive si souvent du mal, qu'ils devinent souvent; au lieu que s'ils disaient qu'elles présagent bonheur, ils mentiraient souvent. Ils ne donnent le bonheur qu'à des rencontres du ciel rares; ainsi ils manquent peu souvent à deviner.

14.

La mémoire est nécessaire pour toutes les opérations de la raison.

15.

Instinct et raison, marques de deux natures.

16.

Quand je considère la petite durée de ma vie, absorbée dans l'éternité précédente et suivante; le petit espace que je remplis, et même que je vois, abîmé dans l'infinie immensité des espaces que j'ignore et qui m'ignorent; je m'effraye et m'étonne de me voir ici plutôt que là; car il n y a point de raison pourquoi ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors. Qui m'y a mis? par l'ordre et la conduite de qui ce lieu et ce temps a-t-il été destiné à moi? Memoria hospitis unius diei prætereuntis.

1. J'ignore l'histoire de ce brochet et de cette grenouille.

2. Sagesse, v, 15: L'espoir de l'impie est comme le duvet qui s'envole au vent comme l'écume..., comme la fumée..., comme le souvenir d'un hôle d'un jour qui ne fait que passer. - Voyez les mêmes pensées dans l'article Ix.

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