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ne s'aime plus que pour le corps; il plaint ses égarements passés.

Il ne pourrait pas par sa nature aimer une autre chose, sinon pour soi-même et pour se l'asservir, parce que chaque chose s'aime plus que tout. Mais en aimant le corps, il s'aime soi-même, parce qu'il n'a d'être qu'en lui, par lui et pour lui: qui adhæret Deo unus spiritus est'.

59 ter.

Le corps aime la main; et la main, si elle avait une volonté, devrait s'aimer de la même sorte que l'âme l'aime. Tout amour qui va au delà est injuste.

Adhærens Deo unus spiritus est. On s'aime, parce qu'on est membre de JÉSUS-CHRIST. On aime JÉSUS-CHRIST, parce qu'il est le corps dont on est membre. Tout est un, l'un est en l'autre, comme les trois Personnes.

60.

Pour régler l'amour qu'on se doit à soi-même, il faut s'imaginer un corps plein de membres pensants, car nous sommes membres du tout, et voir comment chaque membre devait s'aimer, etc...

Si les pieds et les mains avaient une volonté particulière, jamais ils ne seraient dans leur ordre qu'en soumettant cette volonté particulière à la volonté première qui gouverne le corps entier. Hors de là, ils sont dans le désordre et dans le malheur; mais en ne voulant que le bien du corps, ils font leur propre bien 2.

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Si le pied avait toujours ignoré qu'il appartint au corps, et qu'il y eût un corps dont il dépendît, s'il n'avait eu que la connaissance et l'amour de soi, et qu'il vînt à connaître qu'il appartient à un corps duquel il dépend, quel regret, quelle confusion de sa vie passée, d'avoir été inutile au corps qui lui a influé la vie, qui l'eût anéanti s'il l'eût rejeté et séparé de soi,

1. Qui autem adhæret domino unus spiritus est. I Cor. vi, 17: Ne savez-vous pas que celui qui s'attache à une courtisane, ne fait qu'un corps avec elle?... Et celui qui s'attaehe à Dieu, ne fait qu'un esprit avec lui.

2. En titre dans l'autographe, Membres. Commencer par là.

comme il se séparait de lui! Quelles prières d'y être conservé! et avec quelle soumission se laisserait-il gouverner à la volonté qui régit le corps, jusqu'à consentir à être retranché s'il le faut! Ou il perdrait sa qualité de membre; car il faut que tout membre veuille bien périr pour le corps, qui est le seul pour qui tout est 1.

60 ter.

Pour faire que les membres soient heureux, il faut qu'ils aient une volonté, et qu'ils la conforment au corps.

61.

La concupiscence et la force sont les sources de toutes nos actions la concupiscence fait les volontaires; la force, les involontaires ".

61 bis.

... Ils croient que Dieu est seul digne d'être aimé et admiré, et ont désiré d'être aimés et admirés des hommes, et ils ne connaissent pas leur corruption. S'ils se sentent pleins de sentiments pour l'aimer et l'adorer, et qu'ils y trouvent leur joie principale, qu'ils s'estiment bons, à la bonne heure. Mais s'ils s'y trouvent répugnants, s'ils n'ont aucune pente3 qu'à se vouloir établir dans l'estime des hommes, et que pour toute perfection ils fassent seulement que, sans forcer les hommes, ils leur fassent trouver leur bonheur à les aimer, je dirai que cette perfection est horrible. Quoi! ils ont connu Dieu, et n'ont pas désiré uniquement que les hommes l'aimassent, mais que les hommes s'arrêtassent à eux; ils ont voulu être l'objet du bonheur volontaire des hommes 4!

61 ter.

Il est vrai qu'il y a de la peine en entrant dans la piété. Mais cette peine ne vient pas de la piété qui commence d'être en

1. Épictète, II, 5 : « Si je considère le pied, je dirai que sa nature est d'être propre, mais si je le prends comme pied, et non comme détaché du reste, ce pourra être son devoir d'entrer dans la boue, ou de marcher sur des épines, ou même de se faire couper dans l'intérêt du tout. Autrement il ne serait plus le pied. On trouve dans Paul (I Cor. XII, 15) une image semblable : « Si le pied vient à dire Puisque je ne suis pas la main, je ne suis plus du corps, ne sera-t-il plus du corps pour cela? etc. > 2. En titre dans l'autographe, Raison des effets.

3. Dans le manuscrit, s'il n'a.

4. C'est à dire, l'objet donné par la volonté des hommes au désir de bonheur qui est en cux. En titre dans l'autographe, Philosophes.

nous, mais de limpiété qui y est encore. Si nos sens ne s'opposaient pas à la pénitence, et que notre corruption ne s'opposait pas à la pureté de Dieu, il n'y aurait en cela rien de pénible pour nous. Nous ne souffrons qu'à proportion que le vice, qui nous est naturel, résiste à la grâce surnaturelle. Notre cœur se sent déchiré entre des efforts contraires. Mais il serait bien injuste d'imputer cette violence à Dieu qui nous attire, au lieu de l'attribuer au monde qui nous retient. C'est comme un enfant, que sa mère arrache d'entre les bras des voleurs, doit aimer, dans la peine qu'il souffre, la violence amoureuse et légitime de celle qui procure sa liberté, et ne détester que la violence impérieuse et tyrannique de ceux qui le retiennent injustement. La plus cruelle guerre que Dieu puisse faire aux hommes en cette vie est de les laisser sans cette guerre qu'il est venu apporter : « Je suis venu apporter la guerre, » dit-il; et, pour instruire de cette guerre : « Je suis venu apporter le fer et le feu. » Avant lui, le monde vivait dans cette fausse paix1.

62.

Dieu ne regarde que l'intérieur : l'Église ne juge que par l'extérieur. Dieu absout aussitôt qu'il voit la pénitence dans le cœur; l'Église, quand elle la voit dans les œuvres. Dieu fera une Église pure au dedans, qui confonde par sa sainteté intérieure et toute spirituelle l'impiété intérieure des sages superbes et des pharisiens: et l'Église fera une assemblée d'hommes don: les mœurs extérieures soient si pures, qu'elles confondent les mœurs des païens. S'il y en a d'hypocrites, mais si bien déguisés qu'elle n'en reconnaisse pas le venin, elle les souffre; car, encore qu'ils ne sont pas reçus de Dieu, qu'ils ne peuvent tromper, ils le sont des hommes, qu'ils trompent. Et ainsi elle n'est pas déshonorée par leur conduite, qui paraît sainte. Mais vous voulez que l'Église ne juge, ni de l'intérieur, parce que cela n'appartient qu'à Dieu, ni de l'extérieur, parce que Dieu ne s'arrête qu'à l'intérieur; et ainsi, lui ôtant tout choix des hommes, vous retenez dans l'Église les plus débordés, et

1. Matth. x, 34: Nolite arbitrari quia pacem venerim mittere in terram: non veni pacem mittere sed gladium. Et Luc, xII, 49: Ignem veni miltere in terram, et quid volo nisi ut accendatur?

ceux qui la déshonorent si fort, que les synagogues des Juifs et des sectes des philosophes les auraient exilés comme indignes, et les auraient abhorrés comme impies1.

63.

La loi n'a pas détruit la nature; mais elle l'a instruite : la grâce n'a pas détruit la loi; mais elle l'a fait exercer 2. La foi reçue au baptême est la source de toute la vie des chrétiens et des convertis.

63 bis.

On se fait une idole de la vérité même; car la vérité hors de la charité n'est pas Dieu, et est son image et une idole, qu'il ne faut point aimer ni adorer, et encore moins faut-il aimer ou adorer son contraire, qui est le mensonge.

63 ter.

Je puis bien aimer l'obscurité totale; mais si Dieu m'engage dans un état à demi obscur, ce peu d'obscurité qui y est me déplaît; et, parce que je n'y vois pas le mérite d'une entière obscurité, il ne me plaît pas. C'est un défaut, et une marque que je me fais une idole de l'obscurité, séparée de l'ordre de Dieu. Or il ne faut adorer que son ordre.

64.

Tous les grands divertissements sont dangereux pour la vie chrétienne; mais, entre tous ceux que le monde a inventés, il n'y en a point qui soit plus à craindre que la comédie 3. C'est une représentation si naturelle et si délicate des passions, qu'elle les émeut et les fait naître dans notre cœur, et surtout celle de l'amour: principalement lorsqu'on le représente fort chaste et fort honnête. Car, plus il paraît innocent aux âmes innocentes, plus elles sont capables d'en être touchées. Sa violence plaît à notre amour-propre, qui forme aussitôt un désir de causer les mêmes effets que l'on voit si bien représentés; et l'on se fait en même temps une conscience fondée sur l'honnêteté des sentiments qu'on y voit, qui ôtent la crainte des

1. En titre dans l'autographe, Sur les confessions et absolutions sans marques de regret. 2. Voyez Rom. 111, 31, etc.

3. Voir le fragment 31 de l'article vi.

âmes pures, qui s'imaginent que ce n'est pas blesser la pureté, d'aimer d'un amour qui leur semble si sage. Ainsi, l'on s'en va de la comédie le cœur si rempli de toutes les beautés et de toutes les douceurs de l'amour, et l'âme et l'esprit si persuadés de son innocence, qu'on est tout préparé à recevoir ses premières impressions, ou plutôt à chercher l'occasion de les faire naître dans le cœur de quelqu'un, pour recevoir les mêmes plaisirs et les mêmes sacrifices que l'on a vus si bien dépeints dans la comédie.

65.

... Les opinions relâchées plaisent tant aux hommes, qu'il est étrange que les leurs déplaisent. C'est qu'ils ont excédé toute borne. Et, de plus, il y a bien des gens qui voient le vrai, et qui n'y peuvent atteindre. Mais il y en a peu qui ne sachent que la pureté de la religion est contraire à nos corruptions. Ridicule de dire qu'une récompense éternelle est offerte à des mœurs escobartines1.

66.

Le silence est la plus grande persécution: jamais les saints ne se sont tus. Il est vrai qu'il faut vocation, mais ce n'est pas des arrêts du Conseil qu'il faut apprendre si on est appelé, c'est de la nécessité de parler. Or, après que Rome a parlé, et qu'on pense qu'il a condamné la vérité, et qu'ils l'ont écrit, et que les livres qui ont dit le contraire sont censurés, il faut crier d'autant plus haut qu'on est censuré plus injustement, et qu'on veut étouffer la parole plus violemment, jusqu'à ce qu'il vienne un pape qui écoute les deux parties, et qui consulte l'antiquité pour faire justice. Aussi, les bons papes trouveront encore l'Église en clameurs.

... L'Inquisition et la Société, les deux fléaux de la vérité". Que ne les accusez-vous d'arianisme? Car s'ils ont dit que

...

1. Conformes aux principes équivoques d'Escobar. Sur Escobar, voir les Provinciales et particulièrement les cinquième et sixième. En titre dans l'autographe, Montalte. Voycz la note sur vi, 17 bis.

2. Qu'on pense généralement, que le gros du monde pense. Qu'il a condamné, c'est à-dire le papc.

3. Les Jésuites.

4. L'antiquité, c'est-à-dire la tradition de saint Augustin et des Pères.

5. La Société est l'abréviation usitée pour la Société de Jésus. L'Inquisition est le tribunal pontifical appelé Congrégation de l'Inquisition ou de l'Index.

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