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la miséricorde autorise le relâchement, que c'est au contraire la qualité qui le combat formellement; de sorte qu'au lieu de dire: S'il n'y avait point en Dieu de miséricorde, il faudrait faire toutes sortes d'efforts pour la vertu, il faut dire, au contraire, que c'est parce qu'il y a en Dieu de la miséricorde, qu'il faut faire toutes sortes d'efforts1.

33.

Tout ce qui est au monde est concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie1 : libido sentiendi; libido sciendi, libido dominandi. Malheureuse la terre de malédiction que ces trois fleuves de feu embrasent plutôt qu'ils n'arrosent! Heureux ceux qui, étant sur ces fleuves, non pas plongés, non pas entraînés, mais immobiles tout affermis sur ces fleuves; non pas debout, mais assis dans une assiette basse et sûre, d'où ils ne se relèvent pas avant la lumière; mais, après s'y être reposés en paix, tendent la main à celui qui les doit élever, pour les faire tenir debout et fermes dans les porches de la sainte Hiérusalem, où l'orgueil ne pourra plus les combattre et les abattre; et qui cependant pleurent, non pas de voir écouler toutes les choses périssables que les torrents entraînent, mais dans le souvenir de leur chère patrie, de la Hiérusalem céleste, dont ils se souviennent sans cesse dans la longueur de leur exil *!

33 bis.

Les fleuves de Babylone coulent, et tombent, et entraînent. O sainte Sion, où tout est stable et où rien ne tombe!

Il faut s'asseoir sur les fleuves, non sous ou dedans, mais dessus; et non debout, mais assis; pour être humble étant as

1. En titre dans l'autographe, Contre ceux qui sur la confiance de la miséricorde de Dieu demeurent dans la nonchalance, sans faire de bonnes œuvres.

2. C'est la traduction exacte d'un verset de la première épître de Jean, 11, 16: Omne quod est in mundo concupiscentia carnis est et concupiscentia oculorum et superbia vitæ. Le Traité de la concupiscence de Bossuet n'est que le développement de ce texte.

3. C'est une citation de Jansénius (de statu naturæ lapsæ, II, 8, dans l'Augustinus). Il y a seulement dans le texte excellendi au lieu de dominandi: « La passion de sentir, la passion de savoir, la passion de primer. »

4. Ce fragment est tiré, comme M. Faugère en a averti, de la paraphrase de saint Augustin sur le psaume cxxxvi (Super flumina Babylonis). C'est le commentaire du premier verset: Sur les fleuves de Babylone nous sommes demeurés assis et nous avons pleuré, en nous souvenant de Sion. Babylone, c'est la terre; et Sion est le cicl. Il faut construire comme s'il y avait : Heureux ceux qui sont sur ces fleuves, non pas plongés, etc., mais assis dans une assiette basse et sûre, dont ils ne se relèvent jamais avant la lumière, mais où s'étant reposés en paix, ils tendent la main, etc.

sis, et en sûreté étant dessus. Mais nous serons debout dans les porches de Hiérusalem.

Qu'on voie si ce plaisir est stable ou coulant : s'il passe, c'est un fleuve de Babylone.

34.

Un miracle, dit-on, affermirait ma créance. On le dit quand on ne le voit pas. Les raisons qui, étant vues de loin, paraissent borner notre vue... mais quand on y est arrivé, on commence à voir encore au delà. Rien n'arrête la volubilité de notre esprit. Il n'y a point, dit-on, de règle qui n'ait quelques exceptions, ni de vérité si générale qui n'ait quelque face par où elle manque. Il suffit qu'elle ne soit pas absolument universelle, pour nous donner sujet d'appliquer l'exception au sujet présent, et de dire: Cela n'est pas toujours vrai; donc il y a des cas où cela n'est pas; il ne reste plus qu'à montrer que celui-ci en est. Et c'est à quoi on est bien maladroit ou bien malheureux si on ne trouve quelque jour '.

35.

La charité n'est pas un précepte figuratif. Dire que JésusCHRIST, qui est venu ôter les figures pour mettre la vérité, ne soit venu que mettre la figure de la charité, pour ôter la réalité qui était auparavant, cela est horrible. Si la lumière est ténèbres, que seront les ténèbres 2?

36.

Combien les lunettes nous ont-elles découvert d'êtres qui n'étaient point pour nos philosophes d'auparavant! On entreprenait franchement l'Écriture sainte sur le grand nombre des étoiles, en disant: Il n'y en a que mille vingt-deux, nous le savons 3.

1. Comparez le fragment 9 de l'article II.

2. Matthieu, VI, 22: Ton œil est la lampe de ton cœur...; si donc ton œil est malade, tout ton corps sera dans la nuit. Si ce qui est lumière en toi devient ténèbres, ce qui était ténèbres que sera-t-il donc? Pascal veut dire : Si les prêtres eux-mêmes, si les directeurs des consciences sont aveugles en ce qui regarde la charité, que sera-ce donc du monde? 3. Jérém. XXVIII, 22: Ainsi qu'on ne saurait compter les étoiles du ciel, ni les sables du rivage, ainsi je multiplierai la race de David mon serviteur. Voyez xv, 5;xxII, 17, etc. Mille vingt deux est le nombre des étoiles comprise dans le catalogue de Ptolémée, d'après les observations d'Hipparque. On lit dans le Cosmos, t. I, page 169 de la traduction de M. H. Faye: On porte par estime à 18 millions le nombre des étoiles que le

37.

L'homme est ainsi fait, qu'à force de lui dire qu'il est un sot, il le croit; et, à force de se le dire à soi-même, on se le fait croire 1. Car l'homme fait lui seul une conversation intérieure, qu'il importe de bien régler: Corrumpunt mores bonos colloquia prava 2. Il faut se tenir en silence autant qu'on peut, et ne s'entretenir que de Dieu, qu'on sait être la vérité: et ainsi on se la persuade à soi-même.

38.

Quelle différence entre un soldat et un chartreux, quant à l'obéissance? Car ils sont également obéissants et dépendants, ct dans des exercices également pénibles. Mais le soldat espère toujours devenir maître, et ne le devient jamais (car les capitaines et princes même sont toujours esclaves et dépendants); mais il l'espère toujours, et travaille toujours à y venir; au lieu que le chartreux fait vœu de n'être jamais que dépendant. Ainsi ils ne diffèrent pas dans la servitude perpétuelle, que tous deux ont toujours, mais dans l'espérance, que l'un a toujours, et l'autre jamais.

39

La volonté propre ne se satisfera jamais, quand elle aurait pouvoir de tout ce qu'elle veut; mais on est satisfait dès l'instant qu'on y renonce. Sans elle, on ne peut être malcontent; par elle, on ne peut être content.

...

39 bis.

La vraie et unique vertu est donc de se haïr, car on est haïssable par sa concupiscence, et de chercher un être véritablement aimable, pour l'aimer. Mais, comme nous ne pouvons aimer ce qui est hors de nous, il faut aimer un être qui soit en nous, et qui ne soit pas nous, et cela est vrai d'un chacun de

télescope permet de distinguer dans la voie lactée. Pour se faire une idée de la grandeur de ce nombre, ou plutôt pour s'aider d'un terme de comparaison, il suffit de se rappeler que nous ne voyons pas à l'œil nu, sur toute la surface du ciel, plus de 8000 étoiles; tel est en effet le nombre des étoiles comprises entre la première et la sixième grandeur.

1. Et c'est où Pascal veut qu'on arrive, à mépriser la sagesse naturelle et la raison. Voir l'article x.

2. Les mauvaises conversations corrompent les bonnes mœurs. I Cor. xv, 33. Colloquia mala, dans la Vulgate. Le grec porte: 0ɛipova‹v ñ0n xphs0' óμıdiaı xaxai. C'est un vers de Ménandre, d'après le témoignage de Jérôme (Lettre 83).

tous les hommes. Or il n'y a que l'Être universel qui soit tel. Le royaume de Dieu est en nous : le bien universel est en nous, est nous-mêmes, et n'est pas nous 1.

39 ter.

Il est injuste qu'on s'attache à moi, quoiqu'on le fasse avec plaisir et volontairement. Je tromperais ceux à qui j'en ferais naitre le désir; car je ne suis la fin de personne, et n'ai pas de quoi les satisfaire. Ne suis-je pas prêt à mourir? Et ainsi l'objet de leur attachement mourra Donc comme je serais coupable de faire croire une fausseté, quoique je la persuadasse doucement, et qu'on la crût avec plaisir, et qu'en cela on me fit plaisir, de même je suis coupable de me faire aimer, et si j'attire les gens à s'attacher à moi. Je dois avertir ceux qui seraient prêts à consentir au mensonge, qu'ils ne le doivent pas croire, quelque avantage qui m'en revînt; et de même, qu'ils ne doivent pas s'attacher à moi; car il faut qu'ils passent leur vie et leurs soins à plaire à Dieu, ou à le chercher 2.

40.

C'est être superstitieux, de mettre son espérance dans les formalités; mais c'est être superbe, de ne vouloir s'y soumettre.

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41.

Toutes les religions et les sectes du monde ont eu la raison naturelle pour guide. Les seuls chrétiens ont été astreints à prendre leurs règles hors d'eux-mêmes, et à s'informer de celles que JÉSUS-CHRIST a laissées aux anciens pour être transmises aux fidèles. Cette contrainte lasse ces bons pères. Ils veulent avoir, comme les autres peuples, la liberté de suivre leurs imaginations. C'est en vain que nous leur crions,

1. Luc, XVII, 20: Les Pharisiens lui demandant quand viendrait le royaume de Dieu, il répondit: Le royaume de Dieu ne vient pas d'une manière qui se fasse remarquer. Et on ne dira point, Il est ici, ou, Il est là; dès à présent le royaume de Dieu est parmi vous.

2. On a ce fragment écrit de la main de Domat avec cette note:

Madame Perier

a l'original de ce billet ». Madame Perier l'a cité dans la Vie de son frère. 3. Ce fragment commençait d'abord par les lignes suivantes, que Pascal a ensuite barrées State super vias..., et interrogate de semitis antiquis... et ambulate in eis.. E. dixerunt: Non ambulabimus, sed post cogitationem nostram ibimus. [Jérém. vi, 16. Mais les cinq derniers mots ne sont pas dans la Vulgate.] Ils ont dit aux peuples: Venez avec nous, suivons les opinions des nouveaux auteurs. La raison sera notre guide; nous serons comme les autres peuples, qui suivent chacun sa lumière naturelle. Les philosophes ont...

comme les prophètes disaient autrefois aux Juifs: Allez au milieu de l'Eglise; informez-vous des lois que les anciens lui ont laissées, et suivez ces sentiers. Ils ont répondu comme les Juifs Nous n'y marcherons pas : mais nous suivrons les pensées de notre cœur; et ils ont dit : Nous serons comme les autres peuples'.

42.

Il y a trois moyens de croire : la raison, la coutume, l'inspiration. La religion chrétienne, qui seule a la raison, n'admet pas pour ses vrais enfants ceux qui croient sans inspiration; ce n'est pas qu'elle exclue la raison et la coutume; au contraire, mais il faut ouvrir son esprit aux preuves, s'y confirmer par la coutume, mais s'offrir par les humiliations aux inspirations. qui seules peuvent faire le vrai et salutaire effet: Ne evacuetur crux Christi3.

43.

Jamais on ne fait le mal si pleinement, si gaiement, que quand on le fait par conscience.

44.

Les Juifs, qui ont été appelés à dompter les nations et les rois, ont été esclaves du péché ; et les chrétiens, dont la vocation a été à servir et à être sujets, sont les enfants libres.

45.

[Est-ce courage à un homme mourant, d'aller, dans la faiblesse et dans l'agonie, affronter un Dieu tout-puissant et éternel 5?]

Histoire de la Chine.

46.

Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger.

Il n'est pas question de voir cela en gros. Je vous dis qu'il y a de quoi aveugler et de quoi éclairer. Par ce mot seul, je

1. Et erimus nos quoque sicut omnes gentes. I Rois, vIII, 20. C'est ce que disent les Juifs quand ils persistent à vouloir un roi, malgré les avertissements de Samuel. 2. Pascal avait mis d'abord la révélation.

3. I Cor. 1, 17: Le Christ m'a envoyé pour prêcher l'Evangile, mais non par la sagesse de la parole, pour ne pas rendre vaine la croix du Chrisi.» (Il y a ul non evacuetar dans la Vulgate.)

4. Voyez Rom. vi, 20; vIII, 14, 15, etc.

3. J'enferme cette pensée entre deux crochets, parce que Pascal l'avait barrée. Oa la, dans l'article Ix: Rien n'est plus lâche que de faire le brave contre Dieu. »

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