Obrazy na stronie
PDF
ePub

23.

Les élus ignoreront leurs vertus, et les réprouvés la grandeur de leurs crimes: « Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim, soif, etc.» [Matth. xxv, 34.]

23 bis.

JÉSUS-CHRIST n'a point voulu des témoignages des démons, ni de ceux qui n'avaient pas vocation; mais de Dieu et JeanBaptiste 1.

24.

Les défauts de Montaigne sont grands. Mots lascifs. Cela ne vaut rien, malgré M11 de Gournay 2. Crédule (gens sans yeux). Ignorant (quadrature du cercle, monde plus grand). Ses sentiments sur l'homicide volontaire, sur la mort. Il inspire une nonchalance du salut, « sans crainte et sans repentir. » Son livre n'étant pas fait pour porter à la piété, il n'y était pas obligé mais on est toujours obligé de n'en point détourner. On peut excuser ses sentiments un peu libres et voluptueux en quelques rencontres de la vie (730, 231); mais on ne peut excuser ses sentiments tout païens sur la mort; car il faut renoncer à toute piété, si on ne veut au moins mourir chrétiennement; or, il ne pense qu'à mourir lâchement et mollement par tout son livre 3.

1. Voyez Marc, III, 11, etc. Matth. 1x, 30 et XII, 16; et Marc, 1, 7, 11, etc.

2. Qui tâche de justifier là-dessus son père d'alliance dans la Préface de son édition des Essais.

[ocr errors]

3. Gens sans yeux. » Apol., t. I, p. 172: « Qui en vouldra croire Pline et Herodote, il y a des especes d'hommes, en certains endroicts, qui ont fort peu de ressemblance à la nostre...; il y a des contrees où les hommes naissent sans teste, portant les yeulx et la bouche en la poictrine...; [d'autres] où ils n'ont qu'un œil au front; etc. Si ce n'est pas là précisément des gens sans yeux, c'est à peu près la même chose. Quadrature du cercle, monde plus grand. - Montaigne, II, 14 (Comme nostre esprit s'empesche soy mesme), t. III, p. 345: « Qui ioindroit encores à cecy les propositions geometriques qui concluent par la certitude de leurs démonstrations le contenu plus grand que le contenant, le centre aussi grand que sa circonference, et qui trouvent deux lignes s'approchants sans cesse l'une de l'autre, et ne se pouvants ioindre iamais; et la pierre philosophale, et quadrature du cercle, [toutes choses] où la raison et l'effect sont si opposites, en tireroit à l'adventure quelque argument pour secourir ce mot hardy de Pline solum certum nihil esse certi, et homine nihil miserius aut superbius [11, 7: La seule chose certaine est qu'il n'y a rien de certain, et que rien n'est plus misérable que l'homme ni plus superbe].. Et Apol. t. III, p. 268: Ptolemeus... qui a esté un grand personnage, avoit estably les bornes de nostre monde; touts les philosophes anciens ont pensé en tenir la mesure... : c'eust esté pyrrhoniser... que de mettre en doute la science de la cosmographie et les opinions qui en estoient receues d'un chascun... Voylà de nostre temps une grandeur infinie de terre ferme... qui vient d'estre decouverte. Les geographes de ce temps ne faillent pas d'asseurer que meshuy tout est trouvé et que tout est veu... Sçavoir mon, si Ptolemee s'y est trompé aultresfois sur les fondements de sa raison, si ce ne seroit pas

25.

Ce qui nous gâte pour comparer ce qui s'est passé autrefois dans l'Église à ce qui s'y voit maintenant, c'est qu'ordinairement on regarde saint Athanase, sainte Thérèse et les autres comme couronnés de gloire et agissant avec nous comme des dieux'. A présent que le temps a éclairci les choses, cela paraît ainsi. Mais, au temps où on le persécutait, ce grand saint

[ocr errors]

sottise de me fier maintenant à ce que ceulx cy en disent, et s'il n'est plus vraysemblable que ce grand corps que nous appelons le Monde est chose bien aultre que nous ne iugeons. Sçavoir mon, c'est-à-dire, il y aurait pour moi à savoir. C'est mon, ce fay mon, ce faudra mon, sont façons de parler harengères, »dit Antoine Oudin dans sa Grammaire françoise [1633]. Note prise dans le Molière de M. Aimé-Martin. Montaigne, II, 37, t. 4, p. 113, emploie aussi c'est mon (d'où çamon). Ses sentiments sur l'homicide volontaire. Voir tout le chapitre 3 du livre II des Essais, qui est une apologie du suicide. - Sans crainte et sans repentir. Voir en effet dans Montaigne le chapitre du Repentir, III, 2, t. iv: « Je me repens rarement (p. 180). . - Quant a moy, ie puis desirer en general estre aultre...; mais cela, ie ne le doibs nommer repentir (p. 195). » Si i'avois à revivre, ie revivrois comme i'ay vescu: ni ie ne plainds le passé, ni ie ne crainds l'advenir (p. 202). » — ◄ 730, 231. Ces chiffres paraissent un renvoi à deux pages de l'édition des Essais dont se servait Pascal; on a vu ailleurs une indication semblable (VI, 18). Mais celle-là renvoyait à l'édition in-folio de 1635, la seconde édition donnée par mademoiselle de Gournay, avec une Préface et une Dédicace à Richelieu : or les pages 730 et 231 de cette édition ne m'ont rien offert qui se rapporte à la remarque de Pascal. J'ai été plus heureux en consultant un volume des Essais in-4°, daté de 1636, mais qui n'est qu'une réimpression de la première édition de mademoiselle de Gournay. On y lit à la page 730: Les souffrances qui nous touchent simplement par l'âme m'affligent beaucoup moins qu'elles ne font la pluspart des aultres hommes...: Mais les souffrances vrayment essentielles et corporelles, ie les gouste bien vifvement... l'ay au moins ce proufit de la cholique [la gravelle], que ce que ie n'avois encores peu sur moy, pour me concilier du tout et m'accointer à la mort, elle le parfera...: et Dieu veuille qu'enfin, si son aspreté vient à surmonter mes forces, elle ne me rejecte à l'aultre extremité, non moins vicieuse, d'aimer et desirer à mourir (II, 37, t. iv, p. 91-93 de l'édition Le Clerc). » Voici maintenant ce qu'on trouve à la page 231: Ma seconde forme [de vie] ça esté d'avoir de l'argent; a quoy m'estant prins, i'en feis bientost des reserves notables..., n'estimant pas que ce feust avoir, sinon autant qu'on possede oultre sa despense ordinaire... Car quoy! disois- ie, si i'estois surprins d'un tel ou d'un tel accident? Et à la suitte de ces vaines et vicieuses imaginations, i'allois faisant l'ingenieux à pourvoir par cette superflue reserve à touts inconvenients... Cela ne se passoit pas sans penible sollicitude, etc. » (1, 40, t. II, p. 169). Ce même volume, qui satisfait ici aux renvois de Pascal, ne satisfait pas au contraire a celui du fragment vi, 18. Pascal a donc eu entre les mains deux volumes différents en ces deux occasions. Mourir lâchement et mollement. Voir particulièrement III, 9, t. iv, p. 506: Il m'advient souvent d'imaginer avecques quelque plaisir les dangiers mortels, et les attendre: ie me plonge la teste baissee stupidement dans la mort, sans la considerer et recognoistre, comme en une profondeur muette et obscure qui m'engloutit d'un sault, et m'estouffe en un instant d'un puissant sommeil, plein d'insipidité et indolence. » Et plus loin (p. 533), parlant encore de la mort : Puisque la fantaisie d'un chascun treuve du plus et du moins à son aigreur, puisque chascun a quelque chois entre les formes de mourir, essayons un peu plus avant d'en trouver quelqu'une deschargee de tout desplaisir. Pourroit-on pas la rendre encores voluptueuse, comme les Commourants d'Antonius et de Cleopatra (Plut. Ant. 72] ? » Et au chapitre 12 du même livre, p. 97, à propos des philosophes qui se donnent tant de peine pour se préparer à la mort: Un quart d'heure de passion [de souffrance], sans consequence, sans nuisance, ne mérite pas des preceptes particuliers. La Logique de Port-Royal relève avec force cette dernière phrase et la première dans le jugement sévère qu'elle porte sur Montaigne (III, xix, des Sophismes d'amour-propre, d'intérêt et de passion, no 6). En titre dans l'autographe, Montagne (Pascal écrit toujours ainsi). 1. Ici quelques mots illisibles.

[ocr errors]

était un homme qui s'appelait Athanase; et sainte Thérèse, une fille. « Élie était un homme comme nous, et sujet aux mêmes passions que nous, » dit saint Jacques, pour désabuser les chrétiens de cette fausse idée qui nous fait rejeter l'exemple des saints, comme disproportionné à notre état 1. C'étaient des saints, disons-nous, ce n'est pas comme nous. Que se passaitil donc alors? Saint Athanase était un homme appelé Athanase, accusé de plusieurs crimes, condamné en tel et tel concile, pour tel et tel crime, tous les évêques y consentaient, et le pape enfin. Que dit-on à ceux qui y résistent? Qu'ils troublent la paix, qu'ils font schisme, etc. .

Quatre sortes de personnes : zèle sans science; science sans zèle; ni science ni zèle, et zèle et science. Les trois premiers le condamnent, les derniers l'absolvent, et sont excommuniés de l'Église, et sauvent néanmoins l'Église.

26.

Les hommes ont mépris pour la religion, ils en ont haine, et peur qu'elle soit vraie. Pour guérir cela, il faut commencer par montrer que la religion n'est point contraire à la raison; vénérable, en donner respect; la rendre ensuite aimable, faire souhaiter aux bons qu'elle fût vraie; et puis, montrer qu'elle est vraie.

1. Aux mêmes passions que nous, c'est-à-dire aux mêmes infirmités, aux mêmes misères, dans le sens du grec án: Elias homo erat similis nobis, passibilis. Voici la suite du texte (v, 16): « Priez pour la guérison les uns des autres, car la prière redoublée du juste peut beaucoup. Elie était un homme, etc. Et il pria pour qu'il ne plût pas, et il ne plût pas en effet pendant trois ans et demi.» Au lieu de saint Jacques, Pascal avait écrit saint Pierre, par erreur.

2. Athanase était accusé de viol, de meurtre et de sacrilège. Il fut condamné par les conciles de Tyr en 335, d'Arles en 353, de Milan en 355. Le pape Libère, après avoir longtemps refusé de ratifier la condamnation d'Athanase, et avoir souffert pour ce refus, finit par se laisser entraîner à la souscrire en 357.

On a imprimé parmi les œuvres d'Arnau'd les opinions de plusieurs docteurs de Sorbonne qui se prononcèrent pour lui dans l'affaire de la censure. On y trouve celle du docteur Nicolas Perrault, frère de Perrault l'académicien; et voici ce qu'on lit dans ce morceau (traduit du latin par Fontaine). Perrault vient d'alléguer l'exemple de saint Jérôme et continue ainsi : Et en vain l'on me répondrait que M. Arnauld n'est pas saint Jérôme; car, lorsque saint Jérôme écrivait les ouvrages qu'il nous a laissés, il n'était pas alors saint Jérôme, mais seulement Jérôme prêtre, ce Jérôme abando né du pipe Sirice, et accablé de tant de calomnies par le clergé de Rome, que les uns disaient qu'il fallait le chasser de la ville, d'autres qu'il fallait le lapider, et d'autres qu'il fallait le jeter dans la rivière. Voilà quel était alors ce Jérôme prêtre, que nous ne connaissons plus aujourd'hui que par le nom de saint Jérôme. OEuvres d'Arnauld, t. xx, p. 491. Il sembledonc que Pascal doit une remarque si ingénieuse au docteur Perrault, dont le discours est,. d'ailleurs, fort spirituel et tout à fait digne du nom qu'il porte.

Vénérable, parce qu'elle a bien connu l'homme; aimable, parce qu'elle promet le vrai bien 1.

26 bis.

Un mot de David, ou de Moïse, comme : que Dieu circoncira les cœurs, fait juger de leur esprit 2. Que tous les autres discours soient équivoques, et douteux d'être philosophes ou chrétiens; enfin un mot de cette nature détermine tous les autres, comme un mot d'Epictète détermine tout le reste au contraire. Jusque là l'ambiguïté dure, et non pas après.

26 ter.

J'aurais bien plus de peur de me tromper, et de trouver que la religion chrétienne soit vraie, que non pas de me tromper en la croyant vraie ‘.

27.

Les conditions les plus aisées à vivre selon le monde sont les plus difficiles à vivre selon Dieu; et au contraire. Rien n'est si difficile selon le monde que la vie religieuse; rien n'est plus facile que de la passer selon Dieu. Rien n'est plus aisé que d'être dans une grande charge et dans de grands biens selon le monde; rien n'est plus difficile que d'y vivre selon Dieu, et sans y prendre de part et de goût.

28.

L'Ancien Testament contenait les figures de la joie future, et le Nouveau contient les moyens d'y arriver. Les figures étaient. de joie; les moyens, de pénitence; et néanmoins l'agneau pascal était mangé avec des laitues sauvages, cum amaritudinibus 5.

29.

Le mot de Galilée, que la foule des Juifs prononça comme par hasard, en accusant JÉSUS-CHRIST devant Pilate, donna sujet à Pilate d'envoyer JÉSUS-CHRIST à Hérode; en quoi fut ac

1. En titre dans l'autographe, Ordre.

2. Deuter. xxx, 6. Voyez le 8 alinéa de l'article xxi.

3. C'est-à-dire, et qu'il soit douteux s'ils sont philosophes ou chrétiens. Philosophes pour philosophiques, comme au fragment vi, 52.

4. En titre dans l'autographe, Ordre.

5. Exode, x11, 8; mais il y a dans la Vulgate, cum lactucis agrestibus. Les mots cum amaritudinibus sont, à ce qu'il parait, la traduction exacte de l'hébreu.

compli le mystère, qu'il devait être jugé par les Juifs et les Gentils. Le hasard en apparence fut la cause de l'accomplissement du mystère'.

30.

Une personne me disait un jour qu'il avait grande joie et confiance en sortant de confession 8 l'autre me disait qu'il restait en crainte. Je pensai sur cela que de ces deux on ferait un bon, et que chacun manquait en ce qu'il n'avait pas le sentiment de l'autre. Cela arrive de même souvent en d'autres choses.

31.

Il y a plaisir d'être dans un vaisseau battu de l'orage, lorsqu'on est assuré qu'il ne périra point. Les persécutions qui travaillent l'Église sont de cette nature.

31 bis.

L'Histoire de l'Église doit être proprement appelée l'Histoire de la vérité 3.

32.

Comme les deux sources de nos péchés sont l'orgueil et la paresse, Dieu nous a découvert deux qualités en lui pour les guérir sa miséricorde et sa justice. Le propre de la justice est d'abattre l'orgueil, quelque saintes que soient les œuvres, ct non intres in judicium, etc. *; et le propre de la miséricorde eşt de combattre la paresse en invitant aux bonnes œuvres, selon ce passage: « La miséricorde de Dieu invite à pénitence; » et cet autre des Ninivites : « Faisons pénitence, pour voir si par aventure il aura pitié de nous 6. » Et ainsi tant s'en faut que

1. Luc, xxiii, 5, et Actes des apôtres, iv, 25-28.

2. Port-Royal met: Un homme me disait. Et plus loin: Un autre me disait qu'il... 3. Bossuet, Sermon sur la divinité de la religion (prêché à la cour pour le deuxième dimanche de l'Avent), premier point : « Par où vous voyez clairement que la vérité se sert des hommes, mais qu'elle n'en dépend pas; et c'est ce qui nous parait dans toute la suite de son histoire. J'appelle ainsi l'histoire de l'Église, c'est l'histoire du règne de la vérité; etc. Bossuet prenait-il cette phrase dans les Pensées ? Il avait pu les lire, si l'Avent où il a prêché ce sermon est celui de 1669, qu'il prêcha en effet à la cour.

4. Ps. CXLII, 2: « Et n'entre point en jugement avec ton serviteur, car nul homme vivant ne sera justifié devant toi. »

5. Rom., 11, 4: Ignoras quoniam benignitas Dei ad pœnitentiam te adducit.

6. Jonas, in, 9: Quis scit si convertatur et ignoscat Deus, et revertatur a furore iræ suæ, et non peribimus?

« PoprzedniaDalej »