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(au grand-prétre.)

Voilà donc des autels quel est le privilège !
Grâce à l'impunité, ta bouche sacrilège,
Pour accuser ton roi d'un forfait odieux,
Abuse insolemment du commerce des dieux!
Tu crois que mon courroux doit respecter encore
Le ministère saint que ta main déshonore.
Traître, au pied des autels il faudrait t'immoler,
A l'aspect de tes dieux que ta voix fait parler.
LE GRAND-PRÊTRE.

Ma vie est en vos mains, vous en êtes le maître:
Profitez des moments que vous avez à l'être ;
Aujourd'hui votre arrêt vous sera prononcé.
Tremblez, malheureux roi, votre règne est passé;
Une invisible main suspend sur votre tête
Le glaive menaçant que la vengeance apprête;
Bientôt, de vos forfaits vous-même épouvanté,
Fuyant loin de ce trône où vous êtes monté,
Privé des feux sacrés et des eaux salutaires,
Remplissant de vos cris les antres solitaires,
Partout d'un dieu vengeur vous sentirez les coups:
Vous chercherez la mort; la mort fuira de vous.
Le ciel, ce ciel témoin de tant d'objets funèbres,
N'aura plus pour vos yeux que d'horribles ténèbres:
Au crime, au châtiment malgré vous destiné,
Vous seriez trop heureux de n'être jamais né.

OE DIPE.

J'ai forcé jusqu'ici ma colère à t'entendre;
Si ton sang méritait qu'on daignât le répandre,
De ton juste trépas mes regards satisfaits
De ta prédiction préviendraient les effets.

Voltaire. Théâtre. I.

6

Va, fuis, n'excite plus le transport qui m'agite,
Et respecte un courroux que ta présence irrite;
Fuis, d'un mensonge indigne abominable auteur.
LE GRAND-PRÊTRE.

Vous me traitez toujours de traître et d'imposteur:
Votre père autrefois me croyait plus sincère.

OE DIPE.

Arrête que dis-tu? qui? Polybe mon père...
LE GRAND-PRÊTRE.

Vous apprendrez trop tôt votre funeste sort;
Ce jour va vous donner la naissance et la mort.
Vos destins sont comblés, vous allez vous connaître.
Malheureux! savez-vous quel sang vous donna l'être ?
Entouré de forfaits à vous seul réservés,

Savez-vous seulement avec qui vous vivez?
O Corinthe! ô Phocide! exécrable hyménée!
Je vois naître une race impie, infortunée,
Digne de sa naissance, et de qui la fureur
Remplira l'univers d'épouvante et d'horreur.
Sortons,

SCÈNE V.

OEDIPE, PHILOCTÈTE, JOCASTE.

OE DIPE.

CES derniers mots me rendent immobile:

Je ne sais où je suis; ma fureur est tranquille :
Il me semble qu'un dieu descendu parmi nous,
Maître de mes transports, enchaîne mon courroux,
Et, prêtant au pontife une force divine,
Par sa terrible voix m'annonce ma ruine.

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PHILOCTÈTE.

Si vous n'aviez, seigneur, à craindre que des rois,
Philoctete avec vous combattrait sous vos lois;
Mais un prêtre est ici d'autant plus redoutable
Qu'il vous perce à nos yeux par un trait respectable.
Fortement appuyé sur des oracles vains,

Un pontife est souvent terrible aux souverains;
Et, dans son zèle aveugle, un peuple opiniâtre,
De ses liens sacrés imbécille idolâtre,

Foulant par piété les plus saintes des lois,
Croit honorer les dieux en trahissant ses rois;
Surtout quand l'intérêt, père de la licence,
Vient de leur zèle impie enhardir l'insolence.

OEDIPE.

Ah! seigneur, vos vertus redoublent mes douleurs :
La grandeur de votre ame égale mes malheurs;
Accablé sous le poids du soin qui me dévore,
Vouloir me soulager, c'est m'accabler encore.
Quelle plaintive voix crie au fond de mon cœur?
Quel crime ai-je commis? Est-il vrai, dieu vengeur?

JOCASTE.

Seigneur, c'en est assez, ne parlons plus de crime;
A ce peuple expirant, il faut une victime:
Il faut sauver l'état, et c'est trop différer.
Épouse de Laïus, c'est à moi d'expirer;
C'est à moi de chercher sur l'infernale rive

D'un malheureux époux l'ombre errante et plaintive;
De ses månes sanglants j'apaiserai les cris;
J'irai... Puissent les dieux, satisfaits à ce prix,
Contents de mon trépas, n'en point exiger d'autre,
Et que mon sang versé puisse épargner le vôtre !

OEDIPE.

Vous mourir! vous, madame! ah! n'est-ce point assez,
De tant de maux affreux sur ma tête amassés?
Quittez, reine, quittez ce langage terrible;
Le sort de votre époux est déja trop horrible,
Sans que, de nouveaux traits venant me déchirer,
Vous me donniez encor votre mort à pleurer.
Suivez mes pas, rentrons; il faut que j'éclaircisse
Un soupçon que je forme avec trop de justice.
Venez.

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SCÈNE I.

OEDIPE, JOCASTE.

CE DIPE.

Nos, quoi que vous disïez, mon ame inquiétée"
De soupçons importuns n'est pas moins agitée.
Le grand-prêtre me géne, et, prêt à l'excuser,
Je commence en secret moi-même à m'accuser.
Sur tout ce qu'il m'a dit, plein d'une horreur extrême,
Je me suis en secret interrogé moi-même ;›

Et mille événements de mon ame effacés
Se sont offerts en foule à mes esprits glacés.
Le passé m'interdit, et le présent m'accable;
Je lis dans l'avenir un sort épouvantable,
Et le crime partout semble suivre mes pas.

JOCASTE.

Et quoi! votre vertu ne vous rassure pas?
N'êtes-vous pas enfin sûr de votre innocence?

T ŒE DIPE.

On est plus criminel quelquefois qu'on ne pense.

JOCASTE.

Ah! d'un prêtre indiscret dédaignant les fureurs,
Cessez de l'excuser par ces lâches terreurs.

CEDIPE.

Au nom du grand Laïus et du courroux céleste,
Quand Laius entreprit ce voyage funeste,
Avait-il près de lui des gardes, des soldats?

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