Voyait fuir loin de lui la triste vérité; Et peut-être le ciel, que ce grand crime irrite, OE DIPE. Madame, qu'a-t-on fait de ce sujet fidèle? JOCASTE. Seigneur, on paya mal son service et son zèle. pour Il était trop puissant pour n'être point haï; Là, depuis quatre hivers, ce vieillard vénérable, CE DIPE. (à sa suite.) Madame, c'est assez. Courez; que l'on s'empresse; Qu'on ouvre sa prison, qu'il vienne, qu'il paraisse. Moi-même devant vous je veux l'interroger. soi. J'ai tout mon peuple ensemble et Laius à venger. Et vous, dieux des Thébains, dieux qui nous exaucez, Punissez l'assassin, vous qui le connaissez. Soleil, cache à ses yeux le jour qui nous éclaire! Qu'en horreur à ses fils, exécrable à sa mère, Errant, abandonné, proscrit dans l'univers, Il rassemble sur lui tous les maux des enfers; Et que son corps sanglant, privé de sépulture, Des vautours dévorants devienne la pâture! LE GRAND-PRÊTRE. A ces serments affreux nous nous unissons tous. CE DIPE. Dieux, que le crime seul éprouve enfin vos coups! Abandonne à mon bras le soin de son supplice, Que vos vœux parmi nous les forcent à descendre : Ils marqueront la place où mon bràs doit frapper. FIN DU PREMIER ACTE. Voltaire. Théâtre I SCÈNE I. JOCASTE, EGINE, ARASPE, LE CH OE UR ARASPE. Oui, ce peuple expirant, dont je suis l'interprète, D'une commune voix accuse Philoctète, Madame ; et les destins, dans ce triste séjour, Pour nous sauver, sans doute, ont permis son retour. Oui, madame, lui-même. A quel autre en effet pourraient-ils imputer Un meurtre qu'à nos yeux il sembla méditer? Il haïssait Laïus, on le sait; et sa haine Aux yeux de votre époux ne se cachait qu'à peine : Son front mal déguisé découvrait son dépit. J'ignore quel sujet animait sa colère ; Mais au seul nom du roi, trop prompt et trop sincère, Esclave d'un courroux qu'il ne pouvait domter, Jusques à la menace il osa s'emporter : Il partit; et, depuis, sa destinée errante Rafrena sur nos bords sa fortune flottante. Même il était dans Thèbe en ces temps malheureux Que dis-je ? Assez long-temps les soupçons des Thébains Ce respect qu'aux héros nous portons malgré nous, En vain sa gloire parle à ces cœurs agités, PREMIER PERSONNAGE DU CHOEUR. O reine! ayez pitié d'un peuple qui vous aime ; Livrez-nous leur victime; adressez-leur nos vœux : JOCASTE. Pour fléchir leur courroux s'il ne faut que ma vie, Hélas! c'est sans regret que je la sacrifie. Thébains, qui me croyez encor quelques vertus, Je vous offre mon sang: n'exigez rien de plus. SCÈNE II. JOCASTE, ÈGINE. ÉGINE. QUE je vous plains! JOCASTE. Hélas, je porte envie A ceux qui dans ces murs ont terminé leur vie. Quel état, quel tourment pour un cœur vertueux! ÉGINE. Il n'en faut point douter, votre sort est affreux! Ces peuples qu'un faux zèle aveuglément anime Vont bientôt à grands cris demander leur victime. Je n'ose l'accuser: mais quelle horreur pour vous Si vous trouvez en lui l'assassin d'un époux! JOCASTE. Et l'on ose à tous deux faire un pareil outrage! Cet amour si constant... JOCASTE. Ne crois pas que mon cœur De cet amour funeste ait pu nourrir l'ardeur; |