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un temps de révolution, de nos jours scrupuleusement étudiée, consacre les grandes croyances du rationalisme nouveau. — L'histoire ne nous paraît plus, comme à Voltaire, le récit des folies et des atrocités du genre humain; confiants dans une science plus vraie, plus équitable et dans la providence directrice du monde, nous croyons au progrès accompli à travers les désordres, et à la perfection, étoile de l'humanité. — La tactique de Voltaire, admirable dans son temps, n'est plus à notre usage. La liberté de la presse existe aujourd'hui; pour dire ce qu'on pense, il n'est plus besoin de se réfugier en Angleterre, en Hollande ou à Ferney; de s'envelopper de pseudonymes; la censure et la Sorbonne ne sont plus là qui nous épient; on ne meurt pas de l'index; il n'y a plus de bourreau, il y a des livres qui ne se lisent pas; s'ils meurent, c'est l'auteur qui les tue. L'audace et la ruse ont été bonnes pour conquérir la liberté une fois conquise, elle se garde par d'autres secours. Nous ne sommes ni des esclaves, ni des affranchis à qui on fait grâce de la servitude, nous sommes des hommes libres par droit de nature et rentrés dans leur droit; agissons donc en hommes libres. Prêchez-vous l'audace? contre qui? N'êtesvous pas à vous? L'astuce? quelle surprise méditez-vous donc? S'agit-il d'une intrigue de palais? La vérité est reine des esprits; qu'elle se présente en reine, on la reconnaîtra. Maintenant tout se passe en plein jour; les partis se connaissent, ils se sont éprouvés mille fois, toutes les mines sont éventées, la vieille diplomatie s'affaisse; la puissance qui fait vaincre, c'est la raison.

Notre profession de foi est très-simple. Si l'on appelle voltairien un homme épris de la raison et de la justice, nous sommes voltairien, et à peine osons-nous nous vanter de l'être; si l'on entend par là un spiritualiste plus que modéré, un théiste moins le sentiment religieux, un adversaire aveugle des révélations, nous ne sommes pas voltairien assurément; et c'est chez nous une conviction profonde, que pour faire aujourd'hui l'œuvre de Voltaire, avant toutes choses, il ne faut point être voltairien.

Puisque la philosophie actuelle défend les grandes vérités du sens commun, pourquoi ne leur apporterait-elle l'appui de Voltaire? Quelle bonne fortune pour elle de rencontrer un allié dans cet esprit d'une clarté puissante qui s'adresse à tout le monde, et

donne à la raison un visage familier et populaire! Quelle excellente école de bon sens! Il règne en ce moment dans le monde une espèce de bon sens équivoque et bâtard qui n'est que l'absence de foi et d'enthousiame; on méprise les principes, on se traîne après les faits, on proscrit la passion, comme s'il y avait quelque part de la vie sans chaleur et sans une vertu originale qui exclut et reçoit selon sa nature, et impose sa forme à tout ce qu'elle reçoit. Non, Bossuet ne reconnaîtra pas le « maître de la vie humaine » dans cette sagesse servile qui attend sa leçon des caprices du hasard; non, Voltaire ne se contiendra pas devant cette prudence engourdie. Bonnes gens qui, pour vous assurer de la raison, lui avez coupé les ailes, vivez tranquilles, elle ne s'envolera pas; elle est déjà envolée.

Avouons-le donc, nous admirons Voltaire; nous admirons ce qu'il a, à chaque page, d'esprit naturel, charmant, inépuisable; cette raison lucide, cette passion toute française de la clarté ; cette foi ardente en la justice; ce grand combat de la tolérance soutenu jour et nuit durant soixante années; enfin, cette vigueur de l'âme qui pousse un corps toujours mourant et le force de vivre.

Mais quoi! l'homme qu'on loue ici n'est-il pas celui qui a toute sa vie combattų les religions? Assurément il a attaqué la révélation, ce que nombre d'hommes considèrent comme une source de vérité; mais qu'en veut-on conclure? Qu'il faut désormais taire son nom, ou ne le citer que pour le flétrir? Mais il est une autre source de vérité, respectable sans doute, et respectée d'une bonne partie du genre humain, la raison. Assez de Pères de l'Église l'ont attaquée; l'auteur des Pensées a engagé sa vie dans cette lutte; on a argumenté contre elle, on l'a raillée, comme saint Jérôme argumente, comme Pascal raille; eh bien! chez nous, serviteurs de la raison, ne parle-t-on de ces terribles ennemis qu'à voix basse, ou ne les nomme-t-on qu'avec colère? Qui donc, si ce n'est un philosophe, a donné au public le vrai Pascal, et livré dans leur puissance originale ses réflexions énervées ? Le beau jour pour le genre humain, celui où partisans de la raison et partisans de la révélation réunis pour une paix durable, conviendraient de supprimer une bonne fois tout ce qui a jamais entretenu la guerre, et se livreraient des échanges! On donnerait Bossuet contre Spinoza, Pascal contre Voltaire, Strauss contre Joseph de Maistre; une page de Bayle

rachèterait la page voisine, et l'Esquisse d'une philosophie, l'Essai sur l'indifférence. Et alors nous jouirions des douceurs de la paix.

Parlons sérieusement de choses sérieuses. Nous ne recueillons pas tout l'héritage de Voltaire, nous lui empruntons ce qu'il a de solide philosophie, et laissons à d'autres la polémique contre les révélations. Frappé du désordre profond des esprits et des âmes dans la société présente, de l'absence de principes fermes et élevés et de passions généreuses, plus préoccupé du bien commun que de la philosophie et de sa fortune, toute doctrine qui relève les hommes vers la perfection nous est une doctrine amie; mais pour le bien commun encore, nous tenons à ce que la philosophie saisisse sa juste part d'influence. Or un grand nombre d'intelligences viennent vers elle et lui demandent la solution de certains problèmes d'un éternel intérêt. Si elle se tait par peur des interprétations perfides, si elle ne bouge pas, crainte des méchants bruits, et se dilate dans le lieu commun, alors elle fait défaut à l'humanité et se trahit elle-même : ces goûts simples et paisibles ne sont point des vertus de gouvernement. Elle est autre chose, ou Platon, Aristote, Descartes, Malebranche, Leibniz sont des aventuriers. On cherche la philosophie sur les chemins de la vérité, on la voit dévorée d'ambition, rendant d'héroïques combats pour des conquêtes lointaines. Avec une destinée si haute et une telle vertu, on n'est point pour demeurer chez soi et surveiller l'ordre public dans la république des lettres. Il n'y a que deux moyens de passer dans ce monde, se faire petit ou se faire grand. Vous pouvez prendre le premier parti, mais si par hasard on vous écrase, personne ne le saura, personne ne s'émouvra. Êtes-vous grand, on vous suit, et le jour où un ennemi porte la main sur vous, il s'élève entre vous et lui tout un peuple. Que la philosophie soit donc grande, qu'elle se présente hardiment avec son autorité antique, son cortége de vérités certaines, son ardeur et ses espérances pour de nouvelles vérités; en un mot, si elle veut être quelque chose dans le monde, qu'elle ose être ce qu'elle est.

ERNEST BERSOT.

DE LA RÉFORME ÉLECTORALE.

De la réforme parlementaire et de la réforme électorale, par M. Duvergier de Hauranne. Paris, 1847.

. Appel au bon sens sur la loi d'élection, par M. Lesseps. Paris, 1845.

II. Discussion de la proposition de M. Duvergier de Hauranne à la Chambre des députés, 22 mars 1847.

TIMBRE

M. Duvergier de Hauranne a publié, il y a un an, sur la réforme électorale, une brochure qui a eu l'éclat et le retentissement qui s'attache à toutes ses œuvres. Malgré quelques dissidences que nous ferons connaître dans le cours de cet article, nous n'hésitons pas à revenir sur cet ouvrage, déjà discuté par toute la presse. Outre qu'il n'a rien été fait de mieux depuis longtemps sur cette question fondamentale, de pareils livres, destinés à rendre la réforme plus inévitable et plus prochaine, sont de ceux que l'on doit sans cesse rappeler et recommander, parce que leur succès est inséparable de celui de la cause.

Dans son livre, M. Duvergier de Hauranne a traité également de la réforme parlementaire et de la réforme électorale, deux questions qui n'en font qu'une, car elles sont gouvernées par les mèmes principes, et ne peuvent guère, quoi qu'on fasse, aller l'une sans l'autre. Nous circonscrirons notre tâche, afin de ne traiter qu'un seul sujet à la fois, et nous ne dirons ici de la réforme parlementaire que ce qui paraîtra indispensable.

Avant tout, nous devons donner une explication préliminaire sur nos intentions. Nous venons demander la réforme électorale, mais dans quel but et par quels moyens? Dans le but, non de renverser la constitution, mais de la fortifier en la restituant à son véritable esprit; par les moyens que la constitution même nous donne, c'est-à-dire par les chambres, et par une agitation renfermée dans les limites légales. Un changement de constitution ne nous paraît ni possible ni désirable. Nous ne ferons donc rien

qui puisse nuire à la Charte et aux institutions qu'elle a fondées; au contraire, nous voudrions les appuyer, car nous ne comprenons pas ce que c'est que d'accepter une institution et de la dédaigner. Nous sommes même profondément convaincus que par une réforme prudente, successive, mais loyale, on fortifiera, loin de les affaiblir, les institutions de juillet. En attaquant pour améliorer, on a toujours à côté de soi, nous le savons, des auxiliaires qui attaquent pour détruire. Mais parce qu'il n'y a pas de progrès sans péril, faut-il renoncer au progrès? Et le péril incontestable de l'attaque doit-il nous fermer les yeux sur le péril plus incontestable encore des résistances obstinées?

La grande ressource des conservateurs pour combattre la réforme, c'est de nous menacer de la domination des partis extrêmes. C'est un moyen dont vingt années de sanglante révolution ont ariné quiconque, étant arrivé au pouvoir, prendra l'immobilité pour tactique, et la peur pour drapeau. Ceux qui partagent nos convictions ne peuvent rien faire de plus favorable à leur cause que de détruire ces vains fantômes, en cherchant toutes les occasions de déclarer et de montrer par des actes qu'ils ne veulent ni renverser, ni même affaiblir le pouvoir; qu'ils sont dévoués à tous les principes consacrés par la Charte; qu'ils ont foi entière dans les moyens que la constitution leur donne pour faire prévaloir leurs idées. Il faut mettre à nu l'étrange sophisme que font les conservateurs quand ils se représentent comme les seuls défenseurs de l'ordre. Il y a deux manières, pour un édifice, de tomber: par décrépitude ou par violence. Au fond, c'est l'opposition, l'opposition modérée, intelligente, qui est le parti de l'ordre. Entre ceux qui veulent renverser l'édifice, et ceux qui veulent le laisser crouler, soyons ceux qui le restaurent et le fortifient.

Tout promoteur d'une réforme a deux choses à faire; il faut qu'il en montre l'opportunité ou la nécessité; il faut qu'il en trace le plan.

Quel a été chez nous le promoteur de la réforme électorale? Ce n'est pas un homme, ce n'est pas même un parti. La réforme a été longtemps demandée, et demandée sans espoir, par tous ceux qui, regardant comme un droit la participation du citoyen aux affaires de l'État, n'ont pu voir dans l'établissement d'une oligarchie de cent mille électeurs, que la tyrannie

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