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n'a que des erreurs à enseigner, l'expérience des siècles ne prouve rien, soit. Il faut organiser le travail, sans parler du culte; d'accord. Mais faitesnous part au moins de votre mode d'organisation, à nous qui ne vous interrompons pas.

M. Audiganne est moins ambitieux. Il ne rêve nullement de morale ni de nouveaux offices. Il n'a même rien en réserve, à nous dire plus tard, sur les lois du travail. Seulement, il y a deux ans, il a écrit un long article, dans la Revue des Deux-Mondes, sur plusieurs livres d'économie politique, et a cru devoir au public de le publier de nouveau, sous forme de brochure. On découvre bien qu'il n'est pas satisfait de ce qui existe et les théories économiques n'ont pas sa faveur, mais celles du socialisme ne lui plaisent pas davantage. Il se tient entre elles dans un parfait équilibre, pas plus à gauche qu'à droite, juste au milieu, sans plus de décision qu'un personnage des fables. C'est un nouvel éclectisme Nulle doctrine n'est absolument bonne, ni pourtant absolument mauvaise; il y a un choix à faire; mais ce choix reste à deviner. M. Audiganne ne se compromettra pas. Il était déjà chef de bureau sous l'ancien gouvernement, il sera b entôt sans doute directeur.

La mince brochure de M. Schmit. fils d'ouvrier, longtemps ouvrier luimême, est toute différente des précédentes. Rien de hasardé, point de promesses ambitieuses, une très-grande connaissance des faits, un bon sens qui ne se dément jamais, des preuves à l'appui de toutes les idées, des principes excellents, des conclusions irréprochables, voilà cette brochure de 16 pages, pour laquelle je donnerais beaucoup de gros volumes. M. Schmit commence par montrer aux ouvriers combien l'agitation, le trouble des rues leur nuit. Il n'y aura point d'ouvrage dans la plupart des ateliers, leur dit-il, tant que vous resterez sur la place publique. Cela effraye les étrangers, éloigne les consommateurs, et la grève, volontaire d'abord, devient bientôt ainsi forcée. Faut il alors se fier à l'ouvrage que procurera l'État? M. Schmit appelle cet ouvrage-là de son vrai nom : l'aumône, l'aumône donnée à l'oisiveté, avilissante pour les travailleurs, et toujours restreinte dans d'étroites limites.

M. Schmit montre ensuite, et toujours dans un langage où l'on sent comme respirer la sincérité, la probité, l'importance des riches dans la société. Dans cette partie de sa brochure, il réfute parfaitement les idées si erronées, si funestes, qui ont dicté déjà plus d'un décret. «Ne nous endormons pas, dit-il, sur l'espoir que nous allons, vous et moi, vivre dans un pays de cocagne, comme pourrait en rêver un travailleur, un pays où chacun sera toujours sûr d'avoir de l'ouvrage et des journées bien payées.

» Il y a et il y aura dans tous temps, pour l'industrie comme pour l'agriculture, de mauvais jours et de mauvaises saisons : la nature est ainsi faite, et toutes les forces humaines se réuniraient vainement pour la changer.

» Il y a eu et il y aura dans tous les temps des ouvriers moins habiles et moins expéditifs que d'autres, et moins en état, dès lors, que leurs camarades de profiter des bénéfices du travail lorsqu'il donne, plus près de cesser d'y participer dès qu'il se ralentit... Il n'y a point d'organisation possible capable de prévoir ces calamités... »

Et plus loin: « Il ne faut pas seulement considérer le prix de la journée; il faut s'assurer que la journée elle-même pourra se répéter » Or, si le prix de revient est trop élevé, « le prix de vente le sera aussi; et si le prix de vente est exagéré, les acheteurs ne se présenteront pas; et si le maître ne trouve pas d'acheteurs pour vendre ses produits à si haut prix, il fermera ses ateliers, et les ouvriers, pour avoir voulu trop gagner, ne gagneront plus rien du tout. >>

N'y a-t-il pas dans ces paroles plus de raison, de savoir, d'utiles enseigne→ ments, que dans toutes ces diatribes, tous ces discours si prônés, où l'harmonie et la sonorité des mots ne servent qu'à cacher le vide des idées, et dont la conclusion change à chaque édition ou à chaque séance?

C'est encore avec la même justesse de pensée que M. Schmit combat les flatteries, les prétentions, qu'il appelle des mensonges, qu'on s'empresse tant en ce moment d'adresser ou d'inspirer au peuple. Mensonge, dit-il, que le désir qu'on suggère aux ouvriers de faire la loi aux maîtres! Mensonge, que celui de s'attribuer une trop forte part dans leurs bénéfices! Mensonge encore que cet autre de prendre aux riches de leur fortune pour se reposer à son tour! L'oppression, en effet, finit toujours par retomber de tout son poids sur celui qui l'exerce. Et quelle est donc la fortune parmi vous que le travail n'a pas fait naître? Quelle nouvelle perturbation n'arrêterait tout ouvrage, c'est à-dire tout moyen de bien être, d'aisance?

M. Schmit termine par des remarques fort justes sur les bienfaits des machines.

Sa brochure, à sa troisième édition, vient d'être tirée à 60,000 exemplaires; il en faudrait un pour chaque onvrier français.

Dans la Lettre aux ouvriers de M. Gratiot, on trouve une plume plus exercée, un esprit non plus profond, mais plus accoutumé à l'étude, à la réflexion, et tout ensemble la même connaissance de l'industrie et de l'ouvrier que dans l'écrit de M. Schmit.

M. Gratiot examine trois questions: le droit au travail, sous la garantie du gouvernement; la diminution des heures d'ouvrage; le sacrifice de la concurrence au monopole de l'État.

L'État garantira du travail ! et comment cela? Où sont donc ses capitaux pour monter des ateliers? S'il n'a pas la baguette du roi Midas ou l'urne de Cana, c'est seulement la société qui lui fournit ses ressources; quels impôts alors il faudra ! quelles perturbations aussi dans le mouvement des fortunes! Et l'État produira-t-il pour produire ? Sinon, comment assurera-t-il la consommation des objets qu'il fera fabriquer? Vous élèverez des filatures et achèterez des cotons en ruinant les contribuables; mais qui vous fera des demandes et qui prendra vos filés? Les organisateurs du travail ont toujours oublié ces deux choses : les moyens de mettre leur système en pratique et les débouchés. A part cela, ils ont tout prévu. Déjà, le gouvernement, qui proclamait si imprudemment, sous sa garantie, le 26 février, le droit au travail, se reconnaît impuissant à maintenir, sur le pied où ils sont en ce moment, les ateliers nationaux, qu'on devrait nommer des ateliers d'oisiveté et d'aumône. On a réduit la journée d'ouvrage à dix heures à Paris, à onze heures en province, parce que le soleil se couche apparemment plus tard ici que là; mais quel pouvoir saura jamais quand tel travail doit commencer et cesser? Est-ce donc le chef d'industrie qui règle toujours le temps de l'ouvrage ? Demandez aux ouvriers décatisseurs, aux verriers, aux mouleurs des objets en fonte. Et le travail ainsi réduit, sera-t-il encore possible en face de la concurrence étrangère, avec les engagements pris, les marchés passés ? Vous vouliez servir les ouvriers, vous ne les avez que flattés en les trompant. Ils gagnaient noblement leur vie et s'amassaient des épargnes, en travaillant ouze ou douze heures, quelquefois deux jours de suite, sauf à se reposer durant les trois qui suivaient; ils sont sur le pavé aujourd'hui, et les chefs d'industrie sont ruinés, et la France, par l'amoindrissement de sa fortune, de son industrie, déchoit chaque jour du rang qu'elle tient dans le monde. Vous parliez d'améliorer la condition des masses; voilà deux mois que vous êtes au pouvoir, et déjà la France a perdu, grâce à vous, plus du revenu de deux

années. Qu'y a-t-il de possible maintenant, sinon de longues souffrances.... de longues souffrances avec beaucoup d'excitation, un défaut absolu d'autorité? Ah! arrêtez-vous, il en est temps.

La concurrence enfin paraît funeste, et l'on veut la remplacer par le monopole de l'État; mais qu'est-ce que ce monopole? c'est la tyrannie et l'impôt. D'ailleurs, qu'a jamais produit l'intervention de l'État dans l'industrie? M. Gratiot montre, à cette occasion, ce que sont l'adininistration des tabacs et celle de la poste, faisant payer au quadruple leurs services, on l'avouera, passablement mauvais. Il aurait pu tout aussi bien parler de nos routes, de nos canaux, de nos ports, et que sais-je? Rien ne remplace, dans la sphère des intérêts matériels, le stimulant de l'intérêt personnel, la responsabilité. Et la concurrence, c'est la liberté dans le travail, c'est à dire dans la vie de chacun et de chaque heure. Hors de la concurrence, il n'y aurait que tyrannie, avilissement, apathie et misère. Au chène, la secousse des vents; à l'homme, les chances de la vie. Il est libre, il est responsable; dans tous ses emplois, dans toutes les directions qu'il choisit, sa nature doit être satisfaite.

Chose bizarre! on veut détruire la liberté de l'industrie au moment où l'on proclame d'une facon absolue les libertés de la pensée, de la presse, de la tribune. L'émulation, la lutte détestable là, sont excellentes ici! Au moins Méhémet-Ali est conséquent : il dirige, dans toutes les branches du travail, l'activité de ses sujets, et l'on sait ce qu'il a fait de l'Égypte et ce qu'est le sort des fellahs; mais il ne laisse aucune autre franchise.

Ce qui me plait surtout dans l'écrit de M Gratiot, c'est la dignité que, à l'exemple de M. Schmit, il y conserve en parlant aux ouvriers. Je ne sache rien de plus méprisable, de plus odieux que ces viles flatteries qu'on leur adresse en ce moment de toute part, les croyant apparemment assez corrompus déjà pour s'en réjouir ou assez insensés pour y croire. Que le peuple dédaigne assez ses nouveaux courtisans pour ne pas trop s'irriter contre eux, quand il s'apercevra de toute leur bassesse et de toute leur impuissance.

M. Gratiot ne se recommande pas seulement comme publiciste, il se recommande encore comme véritable philanthrope. Directeur de la papeterie d'Essonne, après avoir été imprimeur, il s'est dévoué au bien-être de ses ouvriers. Chacun d'eux aujourd'hui a un logement et un jardin. Une salle d'asile ainsi qu'une école est entretenue, près de l'usine, pour leurs enfants, auxquels, en outre, une sœur fait le catéchisme, quand vient le moment de leur première communion. Les jeunes filles et les femmes sans ménage ont un dortoir commun, où elles trouvent, saus rien payer, un lit, des matelas, des draps et du feu en hiver. Un réfectoire, également chauffé, reçoit les ouvrières du dehors aux heures de repas. Si quelques-uns des gens employés dans la fabrique tombent malade, le premier médecin de la ville vient les soigner; s'il en meurt, aucun des frais d'enterrement n'est supporté par leur famille. Enfin, dans cette belle papeterie, une caisse de secours existe; on en organise une autre sur de plus larges bases, et l'on se propose d'y assurer prochainement une retraite aux vieillards.

Cela ne vaut-il pas mieux que tous les plans plus ou moins chimériques d'organisation du travail? Seulement, par de tels moyens, on fait le bien, on rend d'immenses services sans faire beaucoup parler de soi.

FIN DU TOME PREMIER.

A. JACQUES.

TABLE DES MATIERES

DU TOME PREMIER.

PREMIÈRE LIVRAISON

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DEUXIÈME LIVRAISON.

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TROISIÈME LIVRAISON.

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De l'origine et de la formation du christianisme à l'occasion du livre de
M. Newman, par Emile Saisset. . . .
Laromiguière, seconde partie, par Paul Janet.

Pages.

305

309

337

358

371

391

De la colonie agricole et pénitentiaire de Mettray, par Gustave Vapereau.
Un mot sur la philosophie et la révolution française, par A. Vera.
BULLETIN: Édition de 1816 de l'histoire de France du P. Loriquet.... 398

CINQUIÈME LIVRAISON.

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Observations sur la constitution des États-Unis, par Francis de Castelnau. 401

De l'organisation du travail, par H. Baudrillart.

L'Europe et la révolution, par E. Marguerin.

Les politiques et les philosophes, par J. Brisbarre.
De la neutralité, par Teyssier-Desfarges.

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BULLETIN: De l'enseignement de la philosophie dans les lycées natio-

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Constitution de la France, depuis 1789, par P. Janet.

426

452

465

474

482

493

497

510

532

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De l'abus du mot de Providence dans la langue politique et religieuse,
par Bouillier..

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BULLETIN: Histoire de l'administration de la Gaule sous la domination
romaine, de M. Amédée Thierry. . .

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