Obrazy na stronie
PDF
ePub

de relever la nationalité athénienne. Il combat les sophistes et démasque leur fausse sagesse, il s'applique à réformer l'État par l'éducation, il veut retremper les mœurs dans les grands principes de la justice et de la loi morale, il enseigne, au nom de la raison, l'unité de Dieu et l'existence d'une Providence; et cet homme n'est, aux yeux des politiques d'Athènes, qu'un ennemi de l'ordre et du pays, un innovateur dangereux, un corrupteur de la jeunesse, et il est condamné.

Plus tard, lorsque les sociétés antiques s'affaissent sous le poids de la vieillesse et de la corruption romaine, une doctrine nouvelle luit sur le monde et vient réparer les forces de l'humanité. Elle prêche l'amour, la fraternité des peuples, la liberté et l'unité du genre humain. Et cette doctrine, son fondateur et ses disciples sont également proscrits et condamnés.

Et cependant, ce sont ces doctrines subversives et funestes qui ont fini par s'emparer des âmes et par conquérir le monde. C'est la philosophie ancienne, agrandie et popularisée par le christianisme, qui a fondé les sociétés modernes. C'est aussi, nous n'en doutons pas, la révolution française et le christianisme épurés et vivifiés par la libre pensée, qui portent dans leur sein les destinées et l'avenir de l'humanité.

Ainsi, loin que la philosophie et la liberté soient un élément de désordre et de subversion, elles sont la source de l'ordre véritable et de la vraie stabilité des États. Elles ne sont redoutables qu'à leurs ennemis; et elles ne font explosion que lorsqu'on les comprime. Sans doute le mouvement, le progrès, la transformation lente, mais continue des sociétés sont leur essence et leur vie; mais c'est là, à cette source profonde et toujours nouvelle, que les gouvernements doivent puiser les éléments réels de leur force et de leur durée. Car la force n'est pas dans le passé et la vieillesse, mais dans l'avenir, et dans un présent qui se renouvelle et se rajeunit sans cesse. Or il n'y a que la liberté, et surtout la liberté philosophique, qui puisse entretenir dans les sociétés et la vigueur de la jeunesse et la maturité de la raison, deux conditions essentielles de l'ordre et de la prospérité des États.

C'est donc en s'associant sincèrement à elles, en les protégeant et en les encourageant, que les gouvernements assureront la stabilité des sociétés, et, par là, leur propre stabilité. Si cela est vrai à l'égard de tous les gouvernements, cela est plus vrai encore à l'égard d'un gouvernement issu directement de la révolution française et de la philosophie. Et les hommes auxquels sont confiées les destinées de notre pays devraient toujours avoir présents à la pensée ce mot de Machiavel « que les établissements politiques ne se conservent qu'en remontant sans cesse vers leur origine» et cet autre mot de Spinoza, « qu'un Etat ne saurait se maintenir sans la liberté philosophique (1); » deux mots d'un philosophe et d'un politique qui ici se prêtent un mutuel appui.

A. VÉRA.

(1) Respublica, nisi salva philosophandi libertate, stare non potest.

[ocr errors]

BULLETIN.

SUPPLEMENT à l'histoire de France, depuis la mort de Louis XVI jusqu'à l'an 1816; par A. M. D. G***. Paris, à la Société typographique, place Saint-Sulpice, no 6. 1816.

Nous avons trouvé le livre introuvable, un exemplaire, unique peut-être, d'une édition princeps, qu'on se flattait d'avoir entièrement détruite. Nous avons entre les mains le type primitif de ces calomnies, odieuses et célèbres, contre toutes les gloires de notre révolution et de l'empire: enfin, on nous a confié l'édition de 1816 de l'histoire de France du R. P. Loriquet. C'est de Montmorillon même, du sanctuaire où l'auteur a trouvé ces heureuses inspirations, que nous vient notre précieux exemplaire. Il y a mieux : il sort de la bibliothèque des jésuites, qui se trouvent ainsi avoir détruit (Dieu sait avec combien de peines et par quels sacrifices) tous les exemplaires qui étaient dans des mains étrangères, et ont laissé échapper celui qui était dans leurs propres mains. Notre exemplaire porte en effet, sur sa première page, une étiquette encadrée, enjolivée, avec ces mots imprimés en majuscules: Ex Bibliotheca S. I. Montis-Maurilionis. Sur la page suivante, au-dessous du titre, se trouve cette indication, écrite à la main: Au petit séminaire de Montmorillon. Ce livre nous est transmis par un homme d'esprit et de goût, qui a renoncé naguère aux plaisirs du bibliophile pour les devoirs onéreux de l'administration municipale d'une grande ville.

Cette édition de 1816 n'est pas une histoire de France complète. C'est simplement, comme nous l'avons annoncé, un supplément. Il reprend la France à la mort de Louis XVI, où s'était arrêtée l'édition de 1814. Il embrasse le gouvernement républicain, l'empire et les deux premières années de la restauration. Dans les éditions suivantes de l'histoire de France, ce supplément a pris sa place dans la suite du récit, sans que rien indique que ce fût une addition de la première édition.

Disons d'abord au public, avec une entière franchise, que notre édition de 1816 ne contient pas la fameuse phrase sur le marquis de Bonaparte. L'auteur de l'article consacré au père Loriquet, dans la seconde livraison de la Revue, voit ainsi se confirmer ses heureuses conjectures. Il n'avait pas l'édition princeps, mais il concluait que cette phrase ridicule, inconciliable avec l'ensemble du récit, ne pouvait guère y trouver place. Un seul doute pourrait rester encore. Cette édition de 1816 n'est qu'un supplément, publié à part et à Paris, tandis que les éditions de l'histoire de France complète se publiaient à Lyon. Une seconde édition de 1816 se serait-elle publiée dans cette dernière ville? Il n'en reste aucune trace. Tout ce qui pourrait porter

à le supposer, c'est que l'édition imprimée à Lyon en 1817 est donnée comme une troisième édition. Or, antérieurement à celle-là, nous ne connaissons d'édition de l'histoire de France que l'édition de 1814, antidatée de 1810. La publication à part du supplément à l'histoire de France, faite à Paris en 1816, a-t-elle été considérée comme une seconde édition de l'histoire de France elle-même ? C'est donc dans une seconde édition problématique de 1816 que devait se retrouver cette phrase invraisemblable que le supplément, en 1816, ne contenait pas.

Ce supplément donne lieu cependant à des remarques intéressantes. Il est, comme tous les livres de la Société de Jésus, revêtu des majuscules sacramentelles A. M. D. G., et offert au public pour la plus grande gloire de Dieu. Mais ce n'est pas l'usage de ces messieurs de se montrer d'abord à visage découvert; ils n'arrivent au grand jour, quand ils y arrivent, que par des chemins détournés, et marchent longtemps sous terre avant de paraître à la lumière. Quatre lettres majuscules pour enseigne : c'était pourtant déjà une énigme que bien des gens n'auraient pas devinée. Ne croyez pas qu'ils vous en facilitent l'interprétation. Loin de là: ils sauront vous donner le change. Vous n'aurez pas même le soupçon qu'il y ait là une devise. On vous fera croire au nom et aux prénoms d'un auteur inconnu Les quatre grandes lettres sont précédées de par, et suivies de trois étoiles: Supplément....... jusqu'à l'an 1816; par A. M. D. G***. Le public familiarisé avec ces indications anonymes, on fera un petit progrès : on supprimera par, mais on laissera les trois étoiles. Il ne faut pas trop de lumière d'un coup: on éblouirait. Enfin les trois étoiles disparaîtront aussi, et Dieu sera glorifié, du moins aux yeux des adeptes. Les amis seront édifiés, sans alarmer les ennemis. On ne saurait trop, ne fût-ce que pour égayer le public, lui dévoiler ces petites ruses. En comparant avec le supplément de 1816 l'édition de 1817, à laquelle notre collaborateur a emprunté ses citations, nous n'avons pas trouvé, dans cette dernière, beaucoup de corrections importantes. L'orthographe de quelques noms de personnages secondaires est çà et là modifiée. Mais une seule addition de quelques lignes nous a frappé. Le supplément de 1816, à propos du retour de Napoléon parle simplement en ces termes du soulèvement de la Vendée (p. 158):

«La Vendée se déclara contre l'usurpateur et fit entendre le cri de guerre. Plusieurs villes du Midi, etc., etc.... »

L'histoire de France de 1817 est plus explicite; elle couronne d'une auréole de gloire l'un des noms vendéens les plus chers aux royalistes (p. 355):

«La Vendée se déclara contre l'usurpateur et fit entendre le cri de guerre: Le chef des fidèles Vendéens était le marquis Louis de la Rochejaquelein, héritier du nom et des vertus de celui que nous avons vu soutenir, en 1795, avec tant de gloire, la cause de la religion et de la monarchie: comme son frère, il paya de la vie l'honneur d'avoir contribué au salut de la France. Plusieurs villes du Midi, etc..... »

Mais voici le plus curieux. Une seule suppression a été faite, en 1817, au texte du supplément de 1816. Il s'agit du dernier alinéa de celui-ci : In cauda venenum. On connaît la dernière phrase des éditions les plus répandues:

« Les régicides ne purent trouver grâce devant la chambre des députés des départements; ils furent condamnés à quitter pour jamais la France, et à porter, comme de nouveaux Caïns, leur opprobre et leurs remords dans toutes les contrées de l'univers. >>

Mais vraiment, pouvait-on fermer le livre sans payer un juste tribut d'éloges à cette chambre des députés qui, plus royaliste que le roi, vengeait

si noblement la monarchie? En voyant tant de dévouement à la cause de la religion et des rois, les entrailles de l'historien jésuite s'émeuvent. La liberté individuelle suspendue, la presse tuée, les cours prévôtales rappelant les tribunaux révolutionnaires, la proscription de tous les amis de la liberté, la terreur ramenée sous le drapeau des Bourbons, la charte à la veille d'ètre abolie tous ces titres de gloire de la chambre introuvable lui méritaient bien, comme compensation de tant d'impopularité, l'admiration de la Société de Jésus.

« Les travaux de la chambre des députés font tout espérer pour le rétablissement de la religion, pour la réforme de l'éducation publique, pour le retour aux maximes et aux mœurs de nos pères, en un mot pour la régénération de la France. Les esprits senses conviennent que, si nos plaies ne sont pas incurables, et si un gouvernement représentatif peut en espérer la guérison, ce sera surtout au zèle, à l'énergie, au dévouement de la chambre des députés que nous devrons ce bienfait. »

Ainsi soit-il. Le père Loriquet se faisant le panégyriste de la chambre des députés Le trait est piquant; mais aussi c'était la chambre introuvable. Or, le 5 décembre de la même année 1816, quelques semaines peut-être après l'apparition de ce bel éloge, Louis XVIII, effrayé de la marche des ultra-royalistes, dissout la chambre qui régénérait si bien la France. Qui fut attrapé? le père Loriquet, qui, dans sa seconde édition (1817), dut rengaîner son compliment, et laisser ses élèves se reposer l'esprit et le cœur sur la malédiction des nouveaux Caïns. - Parlons sérieusement. En voyant à quelles conditions le gouvernement représentatif se faisait absoudre par de tels hommes, ses partisans aurait dû souhaiter de les avoir toujours pour ennemis. Malheur aux peuples dont les gouvernements recueillent de telles sympathies et de tels applaudissements!

A. JACQUES.

OBSERVATIONS SUR LA CONSTITUTION

DES ÉTATS-UNIS.

Lorsque de toutes parts s'échappent les couronnes, et que les fondements de la vieille civilisation européenne, ébranlée jusque dans ses bases les plus profondes, semblent menacer de ruine l'édifice social tout entier, le philosophe doit s'élever au-dessus de la stupeur générale et se bien garder de croire qu'avec ces constitutions éphémères, doit aussi s'ensevelir la marche de la vraie civilisation.

De même qu'aux hommes et aux nations, celui qui gouverne toutes choses semble n'avoir accordé aux pactes sociaux qu'une vie passagère, et les meilleures institutions politiques, après avoir régi le monde pendant un certain nombre de séries de siècles, vont dans cet abîme sans fond, véritable tonneau des Danaïdes, l'oubli, en un mot, expier ce qu'elles ont, elles aussi, causé de maux et de misère aux générations soumises à leur influence.

Au milieu du bruit qui nous entoure, de ce cliquetis d'armes, de ce brisement de couronnes et d'écussons, de ces cris de victoire, de ces pleurs de regrets, de cette commotion universelle des esprits, véritable tremblement de terre intellectuel, faut-il croire que l'ange exterminateur va annoncer au monde une dissolution prochaine? Mais non; si je ne me trompe, aux yeux de la Providence, ce qui nous paraît trouble et confusion n'est que la marche régulière et progressive de l'esprit humain, que le développement nécessaire de cette noble faculté de penser que Dieu a accordée libéralement à l'être privilégié de sa création. Infiniment chétifs nous-mêmes, et habitués à ne juger les faits que dans les mesquines proportions de notre vie journalière et bourgeoise, nous croyons que le monde touche à sa fin, parce que des principes surannés sont morts de vieillesse, et que quelques blasons ont été s'ajouter au monceau des débris de la féodalité.

« PoprzedniaDalej »