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teuse (1) qui offense la religion en s'en faisant un instrument, et les hommes en les prenant pour dupes. Là est en effet le mal et la faute. Mais voir dans nos gouvernants actuels des ennemis de la religion, c'est se contredire d'abord, et en vérité c'est nier l'évidence. Monseigneur a beau vouloir être modéré, son amour pour la religion le rend cruel pour ses ennemis. Tous les philosophes sont à ses yeux des impies, comme tous les conventionnels sont des monstres. Il n'accuse pas l'État d'enseigner directement le communisme; mais il soutient qu'à son insu, la société nouvelle, par son gouvernement et par son université, conduit les esprits au communisme. On peut tout citer d'un évêque; et d'ailleurs serait-on cru sur parole en affirmant qu'un évêque accuse le gouvernement et les chambres de complicité avec les doctrines communistes; qu'il rend l'Université responsable des scandales du monde officiel, comme si la génération qui est aux affaires n'avait pas grandi sous la restauration, dans un temps où le clergé avait ses coudées franches; qu'il impute aux professeurs de l'Université d'enseigner, par leurs paroles et par leurs exemples, le mépris des lois de la conscience! « Ce monde officiel qui s'agite dans vos colléges électoraux, qui fourmille dans vos administrations et dont l'élite siége dans vos chambres législatives, fait du communisme tant qu'il le peut par la mise en commun de certaines fractions du trésor, que l'on se fait partager comme une proie; ce monde officiel dont l'exemple doit être, sous tous les rapports, le plus irrésistible agent du communisme dans les masses, qui est-ce qui l'a primitivement formé, si ce n'est vous, par le monopole? Et qui est-ce qui l'affermit, qui le développe et le complète dans l'exercice de cette effrayante morale, si ce n'est vous encore par votre système de gouvernement?» (Page 181.) « La seule morale véritablement protégée par un gouvernement comme le nôtre se résume à deux points : l'adoration du pouvoir et le maintien de la tranquillité matérielle.» (P. 140.) « Entrons dans un établissement universitaire. Qu'y voyons-nous? D'un côté, des maîtres dont toute l'influence et de parole et d'exemple, se réduit à dire à leurs élèves : il faut parvenir, c'est là le bien suprême, ce doit

(1)« Nous savons, à n'en pouvoir douter, que le pouvoir qui nous gouverne tend de toutes ses forces et par tous les moyens, à faire de la religion, non plus un libre et généreux auxiliaire, mais un serviteur enchaîné, ne fonctionnant plus que pour le profit et selon le caprice d'un maître sans Dieu. » P. 136.

être là le but unique de tous vos travaux; de l'autre, un aumônier.......... » — « La jeunesse est placée entre deux sortes de précepteurs, dont les uns présentent les succès humains comme ce qui mérite d'être acheté à tout prix, et dont les autres mettent les lois invisibles de la conscience bien au-dessus des succès les plus éclatants.» (P. 184.) De telles déclamations, qui ne s'appuient que sur elles-mêmes, et qui choquent le bon sens autant que la justice, n'ont pas besoin d'être commentées. Elles finiront tôt ou tard par déconsidérer ceux qui s'y livrent, si l'Université sort de sa torpeur, et comprend enfin la nécessité de répondre, même à des injures, et de relever mème des calomnies.

Le clergé avait jusqu'ici deux cordes à son arc.

Il avait ce rôle bizarre de défenseur exclusif de la liberté. II vient de le perdre, par la loyale intervention de monseigneur l'évêque de Langres.

Il avait les attaques contre l'Etat et les calomnies contre les

personnes.

C'est tout ce qui lui reste.

Nous l'attendons à la prochaine campagne.

SARPI

DE L'IMAGINATION

EN MATIÈRE PHILOSOPHIQUE.

Dans le premier livre de la Métaphysique, (1) Aristote examinant les théories de son maître Platon, lui adresse cette critique entre beaucoup d'autres : « Dire que les idées sont des exemplaires et que les autres choses en participent, c'est prononcer de vains mots et faire des métaphores poétiques (2). » Le reproche est dur; je le crois mérité. J'ajoute qu'il n'y a peut-être pas un seul philosophe, ancien ou moderne, qui n'y donne lieu, autant ou plus que Platon; je ne crois pas même qu'Aristote, qui démêle avec tant de sagacité ce vice dans la doctrine d'autrui, ait eu la vertu singulière d'y échapper toujours. Qu'est-ce à dire? Est-ce là, pour la science humaine, une infirmité incurable? Ce que nous appelons comprendre et expliquer, cela se réduit-il toujours à imaginer, et notre science n'est-elle jamais qu'une pompeuse ignorance, déguisée sous des métaphores? Sans peut-être aller jusque-là, du moins faut-il reconnaître qu'un mal si répandu et commun à tant de grands esprits, doit avoir son principe dans la constitution de notre intelligence; et quand même on désespérerait de le guérir, il ne serait pas inutile encore d'en rechercher la cause, ne fût-ce que pour prévenir ou dissiper les illusions qui en naissent.

C'est assurément une philosophie étroite et fausse que celle qui borne à la sensation et à ce qui en dérive l'intelligence humaine tout entière. Outre les corps qui l'entourent et le sien, l'homme se connaît lui-même comme une force pure, comme un être simple et un. Au-dessus de lui-même et du monde, il entrevoit une puis

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(1) Métaph., liv. I, chap. 8. — (2) Κενολόγειν ἔστι καὶ μεταφορὰς λέγειν ποιητικάς.

sance invisible, cause immatérielle de la matière, raison éternelle de ce qui passe, principe nécessaire de tout cet assemblage de choses contingentes. Cette aperception intime de nous-mêmes, cette conception d'un dieu, c'est ce qu'on nomme la conscience et la raison, qui se joignent en nous à la sensation, dont elles demeurent, en s'y ajoutant, profondément distinctes.

Distinctes, dis-je, mais non pas indépendantes; telle est en effet l'unité de notre nature, telle est la complication des éléments dont elle est formée, qu'aucun ne se montre jamais seul, que sans se confondre ils se mêlent continuellement, et que toutes les puissances de notre esprit s'unissent forcément dans l'acte le plus simple de la vie intellectuelle. De là, l'étrange complexité de ces produits de l'entendement, dont l'analyse psychologique a tant de peine à débrouiller la confusion. C'est que des causes trèsdiverses ont concouru à les former, y apportant chacune sa part. En vain vous voudriez isoler leur action, et consulter chacune de vos facultés séparément, pour la mieux entendre; elles parlent toutes ensemble, en dépit de vous. Je veux m'étudier moimême, et, pour cela, m'arracher au tumulte des sens; je cherche le repos, l'obscurité, la solitude; mais où trouverai-je un lieu si calme et si désert que mon esprit n'y soit encore attiré au dehors? La solitude elle-même et les ténèbres ont leurs charmes ou leurs mystères qui vont me distraire ou m'effrayer. Et quand j'aurais réussi à m'y dérober entièrement, n'emporterai-je pas partout avec moi cet hôte turbulent que je loge en moimême, cette folle qui se plaît à faire la folle, selon l'expression de Malebranche, l'imagination enfin, qui est comme un écho de la sensation, mais un écho qui double le son en le renvoyant. C'est sur elle en effet que se vérifie le mieux cette loi de simultanéité que je pose. Sans cesse éveillée, même dans le sommeil des sens, où elle paraît prendre un surcroît d'activité, elle poursuit l'homme méditatif jusque dans le travail de la réflexion intérieure, et vient l'y importuner de ses mobiles lueurs. Nous ne pouvons penser à rien, qu'elle ne se mette de la partie. La raison elle-même, cette puissance supérieure qui nous rapproche quelque peu des purs esprits, en nous révélant l'éternel et l'invisible, la raison subit tout comme une autre cette indiscrète intervention. On la nomme raison pure; mais elle n'est pure qu'en théorie; à ses conceptions les plus relevées, l'imagination apporte un alliage qui les souille; elle obsède et offusque de ses inévitables fan

tômes les plus hautes méditations de l'esprit métaphysique. En sorte qu'on pourrait accepter comme l'expression d'une loi vraie de notre constitution pensante, la maxime sensualiste, ainsi modifiée : Nihil est in intellectu quin sit cum sensu.

Et de fait, essayez de former une seule idée qui soit parfaitement pure de toute représentation sensible. Soit, par exemple, la notion de Dieu, c'est-à-dire de l'objet à la fois le plus immense et le plus simple que nous puissions penser. Nous n'en sommes plus, grâce à la philosophie, à nous le représenter comme un vénérable vieillard, assis sur un trône d'or, dans un palais d'azur. Mais êtes-vous bien sûr, en y pensant, de ne pas le situer quelque part, en un point vaguement conçu des espaces imaginaires, d'où sa puissance infinie rayonne en tous sens sur l'univers entier ? à moins, peut-être, que vous n'aimiez mieux le voir partout, ce qui est encore l'imaginer, et de la pire façon, puisque c'est lui prêter de l'étendue. On a beau se dire que de pareilles conceptions sont incompatibles avec l'infinie simplicité de la nature divine; l'imagination, sans cesse battue, revient obstinément à la charge, et tout le progrès que nous y faisons, est de substituer à une image une autre image un peu moins choquante. Le Temps n'a plus sa faux ni ses ailes; nous ne pouvons cependant y songer, sans nous représenter une ligne que la pensée trace et prolonge à l'infini (1). S'il en est ainsi, même de nos conceptions métaphysiques les plus sublimes, que sera-ce quand notre esprit s'abaissera de la contemplation des choses sans matière à la pensée de nous-mêmes, êtres composés, spirituels par un côté, matériels par un autre? Après bien des hypothèses reconnues vaines, on a renoncé à chercher sérieusement le siége de l'âme. La question est absurde et la raison la réprouve, nous disant assez que les esprits n'ont point de lieu. N'importe; l'imagination nous oblige à nous la poser, en sorte que les plus décidés spiritualistes ne parlent guère de l'âme sans se la figurer située en quelque endroit du corps, dans la tête ou dans le cœur. Quant aux modifications et aux actes de cette âme, la nature fournit elle-même, pour la plupart d'entre eux, l'image sensible qui s'y attache. Le souvenir ou la conception d'un sentiment de l'âme, fût-ce le plus élevé, est inséparable pour nous du souvenir ou de la conception des mouvements organiques qui, dans

(1) Voyez Kant, Critique de la Raison pure, t. I, p. 194 de la trad. Tissot.

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