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AP 20 .268

V. I

v.l

T24-27746

LA

LIBERTÉ DE PENSER.

Nous inaugurons aujourd'hui un recueil dont les destinées seront sans doute modestes. Nous ne cherchons ni le succès ni l'éclat. Nous ne voulons d'influence que pour nos idées.

Notre titre dit assez ce que nous sommes; nous ne l'avons choisi ni comme une menace, ni comme l'annonce de grandes témérités, mais parce qu'étant philosophes, il nous est doux de combattre sous le drapeau même de la philosophie.

Nous savons que la philosophie n'est pas très-répandue en France; mais c'est précisément parce qu'elle est peu répandue, et qu'elle trouve difficilement accès dans la presse, qu'il nous a paru nécessaire de lui donner un organe. Notre première idée avait même été de ne fonder qu'un recueil de dissertations philosophiques, de bibliographie et d'érudition, qui eût différé du Journal des savants par l'étendue de ses articles, le nombre de ses rédacteurs et la prédominance de la philosophie. Ce plan nous plaisait surtout par sa simplicité, par sa gravité; nous y trouvions l'avantage d'établir des relations plus étroites entre tous ceux qui, en France, ont le goût des lettres sérieuses, et peutêtre de faire mieux connaître à l'étranger la direction et les progrès de nos écoles philosophiques. C'est encore là aujourd'hui le caractère principal de notre Revue; mais les circonstances sont telles qu'il ne nous était pas permis de nous renfermer en commençant dans ce rôle purement scientifique.

La philosophie est calomniée, elle doit se défendre; elle est attaquée dans son principe, elle est tenue d'en prouver la légitimité et la force.

Autour de nous, les caractères sont abaissés, la liberté est en péril. La philosophie a évidemment un rôle social et

politique à remplir. En venant nous dévouer à cette tâche, sans illusion, sans folle ardeur, mais animés d'une résolution inébranlable, nous sentons en même temps l'orgueil d'avoir une si grande cause à défendre, et le regret de ne lui apporter qu'un obscur et insuffisant soutien.

Notre Revue contiendra des articles de polémique religieuse et philosophique, de philosophie proprement dite, de politique, d'histoire, de critique littéraire et de bibliographie.

Il est très-évident qu'à nos yeux, et sans doute aux yeux des adversaires de la cause philosophique, les discussions religieuses formeront la partie capitale de notre publication. C'est en ce moment la question qui préoccupe tous les esprits et c'est aussi celle qui nous touche de plus près et sur laquelle nous devons être le plus compétents. Il va sans dire que nous sommes les défenseurs de la souveraineté absolue de la raison, que tout ce qui porte ombrage à la liberté de penser est notre ennemi. Est-il un droit plus évidemment inhérent à la nature humaine que le droit d'exprimer librement sa pensée sur Dieu, sur le monde, sur la société, sur l'avenir de l'homme en cette vie et après la mort? Estil besoin d'écrire dans les chartes un pareil droit, puisque ce n'est après tout que le droit même de vivre? Si Dieu a permis cette longue oppression de la conscience des peuples qui a fait couler tant de sang, ce sang a-t-il coulé en vain ? Cette terre de France où nous vivons est la patrie de la liberté; c'est ici que Descartes a fondé d'un seul mot l'indépendance de l'esprit humain en proclamant la souveraineté de la raison. C'est la France qui, deux siècles après Descartes, s'identifiant avec la liberté après l'avoir payée de son sang, a donné à l'Europe et au monde entier, dans la Déclaration des droits de l'homme, la charte future de tous les peuples.

Cependant est-ce une illusion? n'y a-t-il pas aujourd'hui en France, un demi-siècle après la révolution, des obstacles à la liberté de penser? Ne voyons-nous pas renaître l'intolérance religieuse au mépris des lois, et une sorte d'hypocrisie officielle se glisser peu à peu dans nos mœurs, comme pour rivaliser avec l'esprit réactionnaire de la restauration?

La restauration était dans son droit en faisant la guerre à la liberté de penser. Elle avait rapporté de l'exil le droit divin et la religion d'État, et il n'y a en effet que deux manières d'être roi : au nom de Dieu si les hommes sont des troupeaux que Dieu dis

tribue à des races privilégiées; au nom de la raison et de la liberté, si ce sont les citoyens qui se donnent un roi, pour assu̸rer la liberté en la réglant.

La dernière révolution, encore si près de nous, au moins par les dates, a emporté ce qui restait de la théorie du droit divin et de la théorie des religions d'État. En revisant la Charte le lendemain de la révolution, le législateur abolit la religion d'État, et du même coup promit la liberté d'enseignement. C'était affranchir les âmes et de la tyrannie qui violente les consciences, et de la tyrannie qui les fausse.

Qu'auraient dit les législateurs de 1830, et le peuple armé et vainqueur sous les yeux duquel ils votaient, s'ils avaient pu prévoir qu'avant quinze ans écoulés, on se servirait de la liberté d'enseignement, source et condition de la liberté de penser, pour ramener sous une autre forme le régime des religions d'État?

Pour nous, partisans sincères de la liberté d'enseignement parce que nous croyons la concurrence à la fois juste et utile, nous demandons que l'État se souvienne qu'en donnant la liberté, en abdiquant son monopole, il augmente à la fois ses droits et ses devoirs.

L'éducation et les croyances religieuses, qu'elles viennent d'une religion positive, ou de la religion naturelle, ou de la philosophie, sont les souveraines des mœurs. Donner des institutions politiques à une société, et livrer au hasard l'éducation et les croyances, c'est réglementer le chaos. Les esprits positifs, tout entiers à leur stratégie, combinent les ressorts de la loi, produisent une unité factice, et croient que le monde va marcher. Erreur! La discorde, qui n'est pas dans les lois, est dans toutes les àmes.

L'État, dans l'éducation, a un double devoir. Il doit, par l'Université, donner un enseignement normal, affranchi de la domination des familles, des caprices de l'opinion et des hasards de la concurrence. Il doit, dans les écoles libres, réprimer le charlatanisme et l'avidité, et punir tout enseignement contraire à la morale et aux lois de l'État. Le droit de punir implique le droit de surveiller. On invoque à grands cris le droit des pères de famille; il est sacré; celui de l'État ne l'est pas moins. It s'agit de faire à la fois des citoyens et des hommes.

Nous résumons en ces mots toute notre pensée sur les rapports de la religion et de l'État la révolution de 1830 a aboli, en droit et en fait, le principe des religions d'État; nous ne

politique à remplir. En venant nous dévouer à cette tâche, sans illusion, sans folle ardeur, mais animés d'une résolution inébranlable, nous sentons en même temps l'orgueil d'avoir une si grande cause à défendre, et le regret de ne lui apporter qu'un obscur et insuffisant soutien.

Notre Revue contiendra des articles de polémique religieuse et philosophique, de philosophie proprement dite, de politique, d'histoire, de critique littéraire et de bibliographie.

Il est très-évident qu'à nos yeux, et sans doute aux yeux des adversaires de la cause philosophique, les discussions religieuses formeront la partie capitale de notre publication. C'est en ce moment la question qui préoccupe tous les esprits et c'est aussi celle qui nous touche de plus près et sur laquelle nous devons être le plus compétents. Il va sans dire que nous sommes les défenseurs de la souveraineté absolue de la raison, que tout ce qui porte ombrage à la liberté de penser est notre ennemi. Est-il un droit plus évidemment inhérent à la nature humaine que le droit d'exprimer librement sa pensée sur Dieu, sur le monde, sur la société, sur l'avenir de l'homme en cette vie et après la mort? Estil besoin d'écrire dans les chartes un pareil droit, puisque ce n'est après tout que le droit même de vivre? Si Dieu a permis cette longue oppression de la conscience des peuples qui a fait couler tant de sang, ce sang a-t-il coulé en vain? Cette terre de France où nous vivons est la patrie de la liberté; c'est ici que Descartes a fondé d'un seul mot l'indépendance de l'esprit humain en proclamant la souveraineté de la raison. C'est la France qui, deux siècles après Descartes, s'identifiant avec la liberté après l'avoir payée de son sang, a donné à l'Europe et au monde entier, dans la Déclaration des droits de l'homme, la charte future de tous les peuples.

Cependant est-ce une illusion? n'y a-t-il pas aujourd'hui en France, un demi-siècle après la révolution, des obstacles à la liberté de penser? Ne voyons-nous pas renaître l'intolérance religieuse au mépris des lois, et une sorte d'hypocrisie officielle se glisser peu à peu dans nos mœurs, comme pour rivaliser avec l'esprit réactionnaire de la restauration?

La restauration était dans son droit en faisant la guerre à la liberté de penser. Elle avait rapporté de l'exil le droit divin et la religion d'État, et il n'y a en effet que deux manières d'être roi : au nom de Dieu si les hommes sont des troupeaux que Dieu dis

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