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NOTICE

SUR L'ABBÉ LE BEUF,

TIRÉE DES MÉMoires de l'acADÉMIE DES INSCRIPTIONS, DU JOURNAL DE VERDUN, D'ODIEUVRE, ET DE QUELQUES DOCUMENS MANUSCRITS.

Jean Le Beuf naquit, à Auxerre sur la paroisse de Saint-Renobert, le 7 mars 1687, de Pierre Le Beuf, receveur des consignations, et de Marie Marie. Sa famille étoit une des plus honnêtes et des plus anciennes d'Auxerre. Dès son enfance, il montra cet amour étonnant du travail qu'il conserva toute sa vie. A sept ans, il prit l'habit ecclésiastique à huit, il commença à étudier les humanités au collége des Jésuites, à Auxerre. A la fin de 1697, âgé de dix ans, il expliqua publiquement les épîtres choisies de saint Jérôme, que ses maîtres lui avoient fait parcourir, et rendit compte des difficultés de grammaire ou d'histoire qu'elles renferment. Il allioit au goût de l'étude une dévotion qui fit naître son goût pour les antiquités ecclésiastiques. Il s'accoutuma, dès son enfance, à lire avec facilité les antiphoniers de l'église d'Auxerre, qui étaient alors. pour la plupart, des manuscrits du XIIe et du xiv* siècle, et cette occupation contribua à développer chez lui le goût des antiquités du moyen-âge. Le 29 mars 1699, il fut tonsuré par messire André Colbert, évêque d'Auxerre. Le 13 mars 1700, il fut pourvu d'une chapelle à la nomination du chapitre d'Auxerre, sous le titre de Saint Louis ad altare S. Alexandri.

En 1701, il termina ses études. Il sentit alors le besoin de venir à Paris pour satisfaire la passion qui le portoit aux recherches historiques. M. Le Beuf, secrétaire du roi, son oncle, le plaça à ses frais dans la communauté de Sainte-Barbe, où il passa deux ans, joignant à l'étude de la philosophie et de la théologie celle du grec et de l'hébreu.

En 1703, il alla prendre des leçons de théologie en Sorbonne :

il fut reçu maître ès-arts le 27 juillet 1704, et finit son quinquiennium en 1706.

En 1708, il travailla à donner un antiphonier, ou livre de chant conforme au nouveau bréviaire de Lisieux, et il passa presque un an entier chez le curé de Berthouville, doyen de Bernay, au diocèse de Lisieux, pour perfectionner cet ouvrage. Son séjour en Normandie fut, pour lui, l'occasion d'étudier les antiquités de cette province.

Le 16 mars 1709, il reçut les quatre moindres, fut ordonné sous-diacre le 21 septembre suivant, diacre le 15 avril 1710 et prêtre le 21 mars 1711. Cette même année, il mit la dernière main à l'antiphonier de Lisieux, qui fut approuvé par ordonnance de l'évêque, en date du 11 septembre 1711, rendue à la supplication des curé et prêtres de Sainte-Croix de Bernay. Pendant son séjour à Paris, Le Béuf alloit passer la plupart de ses après-dînées dans les bibliothèques publiques. Il pouvoit déjà, à la première inspection des manuscrits, déterminer leur âge avec certitude. Son assiduité dans les bibliothèques lui procura des liaisons avec plusieurs savans. C'est sans doute à cette époque que commencèrent ses rapports avec le savant père Le Brun, de l'Oratoire.

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Il retourna à Auxerre après avoir pris ses degrés dans l'université de Paris. Il fit dans sa patrie, dit Dreux du Radier, les fonctions des différens ordres ecclésiastiques auxquels il fut promu en différens temps depuis 1708. Le 28 juillet 1711, il requit, en vertu de ses grades, les canonicat et prébende vacans per obitum de feu M. Laurent Seure, décédé le 27 juillet, mois affecté aux gradués. M. de Caylus, évêque d'Auxerre, qui avoit beaucoup d'estime pour Le Beuf, lui opposa cependant un brevetaire. Comme on lui représentoit le droit qu'avoit Le Beuf, en vertu de ses grades : « J'aurai soin de lui, dit le prélat, et il n'aura pas besoin de ses grades; son mérite lui

(1) Il m'a été communiqué par mon honorable, ami M. de Lincy une liasse de notes liturgiques qui paroît avoir appartenu au père Le Brun, de l'Oratoire, et dans laquelle sont plusieurs renseignemens transmis au savant' oratorien par Le Beuf. Dans le nombre est une lettre du 25 septembre 1712,. dans laquelle Le Beuf énumère avec détail les différens missels du diocèse d'Auxerre qu'il connoissoit.

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en servira. Cependant Le Beuf, soutenant ses droits bien positifs, se pourvut devant l'archevêque de Sens, métropolitain d'Auxerre, qui lui accorda ses provisions le 11 août. Les parties étoient prêtes d'entrer en instance au Conseil où l'abbé Le Beuf fut même assigné; mais il se trouva un autre canonicat vacant, Il le demanda, et y fut nommé le 12 janvier 1712, et, le 29 septembre de cette année, il fut nommé sous-chantre de l'église Saint-Étienne d'Auxerre.

A partir de cette année, la vie de l'abbé Le Beuf, dégagée des soins qu'exige ce qu'on appelle établissement, prit une couleur uniforme et modeste, qu'elle conserva toujours (1). La piété et l'étude furent sa seule occupation. Il débuta, en 1716, par une Vie de saint Pélerin, premier évêque d'Auxerre. En 1723, il donna son histoire de la prise d'Auxerre par les huguenots, qu'il composa, en partie, sur des journaux écrits en 1,567 même, par des habitans d'Auxerre et sur beaucoup de titres originaux, dont sa qualité de chanoine lui donnoit la libre disposition. M. de Fitz-James, évêque de Soissons, ayant destiné une somme de 300 fr., qui devoit être distribuée annuellement en prix, sous forme de médaille d'or, par l'académie de cette ville, Le Beuf concourut six fois, et gagna le prix cinq fois, en 1735, 37, 38, 39-40 (il n'y eut qu'un concours pour les deux années), et 1741.

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Dans son voyage en Normandie, il avoit eu occasion d'observer combien l'histoire, perd de son exactitude, quand on n'en aperçoit les objets que de loin; il résolut de voir par lui-même les monumens, existant en France, Depuis 1727 jusqu'à la fin de sa vie, il traversa, ou plutôt mesura, pendant ses temps de loisirs, presque toutes les provinces du royaume, rapportant, presque chaque année, de ses vacances, une ample moisson d'observations faites dans l'espace de cent ou deux cents lieues.

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(1) Le Beuf ne paroît cependant pas être resté tout-à-fait étranger aux troubles du jansénisme. Le recueil de 108 lettres, dont je parlerai tout à l'heure, en contient une (la 86) de novembre 1737, dans laquelle un certain Billate, chanoine régulier de Provins (auteur d'un mémoire sur les religieux hospitaliers de Saint-Bernard de Montjoux ínséré dans le Mercure, et auquel Le Beuf a mis la main) lui demande s'il a lu l'ouvrage de M. de Montgeron, et si on pourroit vendre à Auxerre cent exemplaires de l'Épître dédicatoire au roi à 12 s. la pièce.

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Il marchoit à pied; quelques papiers, et les feuillets détachés des livres dont il vouloit vérifier le récit, formoient tout son bagage; son tempérament vigoureux ne se ressentoit ni des fatigues du voyage, ni de la mauvaise nourriture. Il préféroit aux chemins ordinaires les anciennes chaussées romaines devenues presque impraticables, comptant les pas d'un lieu à un autre, pour comparer avec le local les distances marquées dans les itinéraires ou dans la table de Peutinger. Arrivé au pied d'un monument, il en prenoit la dimension; il le considérait sous toutes ses faces. Alors, assis sur des ruines, il traçoit à la plume l'objet qu'il avoit devant les yeuxol Tren oloupskont to officit

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Simple dans son extérieur, il étoit néanmoins accueilli avee honneur partout où le savoir étoit en estime. Les cabinets, les bibliothèques les plus secrètes étoient toujours ouverts pour lui, Entroit-il dans un monastère, il n'en sortoit pas qu'il n'eût expliqué les anciens monumens, déchiffré les chartes, reconnu le temps de l'établissement, extrait les manuscrits curieux, et tiré des notes pour servir à l'histoire. Subtil ét pénétrant dans ses recherches, souvent il montroit aux habitans des abbayes des trésors qu'ils possédoient sans les connoître; toujours en garde contre l'amour du merveilleux, il les détrompoit souvent sur ceux qu'ils croyoient faussement posséder. Il est peu d'ouvrages considérables, entrepris de son temps, qui n'alent profite de ses recherches. Elles ont enrichi les Acta sanctorum des Bollandistes, la Gallia christiana, le Glossaire de Du Cange, le Recueil des Historiens de France, le Dictionnaire géographique de la Martinière, et le nouveau Traité de diplómatique. Il étoit devenu une espèce de centre de la science. Tous les gens qui s'occupoient de nos antiquités, dans quelque provinee que ce fût, lui soumettoient le fruit de leurs recherches, et lui demandoient de les aider des siennes (1).

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(1) Il ya à la Bibliothèque du Roi un recueil de lettres qui provient du indeni ubiduous président Bouhier (suppl. fr. 2440), et qui contient 108 lettres, dont 107 adressées 1 à Le Beur par divers antiquaires. La première lettre de Le Beuf lui-même, et elle est relative à Toussaint Duplessis avec qui Le Beuf n'étoit pas bien; elle est adressée au père Lemerault, bibliothécaire de Saint-Germain des Prés. Cette lettre est écrite d'un style ferme et concis. Comme Le Beuf, qui négligeoit ordinairement beaucoup le sien, n'a, je crois,

A cette époque (de 1725 à 1742), l'abbé Le Beuf faisoit insérer fréquemment, dans le Mercure de France, de curieuses dissertations sur différens sujets de littérature ou d'histoire. Plus tard, le Mercure, si intéressant sous la direction de M. de La Roque, ayant perdu, sous celle de Labruère, et surtout sous Marmontel, son caractère sérieux, les savans, qui jusque là avoient envoyé au Mercure le fruit de leurs recherches, les consignèrent dans le journal de Verdun, devenu, sous la direction de Bonamy, une espèce de supplément aux Mémoires de l'Académie des inscriptions. Le Beuf publia, dans ce journal, un grand nombre de dissertation de 1749 à 1756. En 1738, il fit paroître son Recueil de divers écrits en deux vo lumes, qui fut bientôt suivi, de 1739 à 43, des trois volumes des Dissertations sur l'Histoire de Paris, suivis d'éclaircissemens sur l'histoire de France. Ces cinq volumes forment une des lectures les plus attachantes que puissent faire ceux qui ont le goût de notre histoire. En 1740, il s'étoit fixé à Paris, par suite du choix que M. de Vintimille, archevêque de Paris, avoit fait de lui pour réformer le Bréviaire de son diocèse. Le cardinal de Fleury lui avoit fait accorder le droit de jouir dans la capitale de sa prébende d'Auxerre. Cette prébende étoit si peu considérable, qu'elle lui fournissoit à peine de quoi vivre. M. de Fleury y joignit l'expectative d'une pension de 1,200 liv. sur un ecclésiastique fort âgé, qui vécut encore dix ans ; mais Le Beuf étoit si modéré dans ses besoins, qu'il ne paroit pas s'être trouvé jamais gêné; et il est à croire, d'ailleurs, qu'il tiroit aussi (quelque mal rétribué que fussent à cette époque les travaux littéraires) des ressources de ses excellens ouvrages.

L'assemblée du clergé de 1740, ayant résolu de faire dresser un nouveau Pouillé général et des cartes géographiques ecclé siastiques de tous les diocèses du royaume, plus détaillées que celle de la Gallia Christiana, Le Beuf fut encore proposé pour remplir ces deux objets, et, en conséquence d'une délibération

presque jamais écrit, j'en extrais cette phrase qui prouvera ce que j'avance, et qui montre assez bien la place qu'il occupoit alors (1744) dans la science: • Loin donc de mes maximes toutes celles qui vont au délai. J'ai tonjours aidé et aiderai toujours les travailleurs, et surtout les travailleurs prompts. »

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