Obrazy na stronie
PDF
ePub

tel, qu'il seroit impossible de faire la police de la librairie, si la supression en étoit maintenue. D'ailleurs son institution a été provoquée par S. E. le Duc de Rovigo lui-même, qui fit inviter M. le Comte Portalis (1) à lui fournir un moyen qui le mit en état de défendre aux journalistes de parler des ouvrages dont l'annonce n'auroit pas été préalablement légitimée par une induction quelconque émanée de la Direction Générale de la Librairie.

1

Ce journal, qui se borne à l'insertion du titre des livres, ne fait l'annonce que de ceux pour lesquels les éditeurs ont fait les déclarations et rempli les formalités prescrites, soit par les décrets, soit par des décisions administratives. Aucun ouvrage imprimé, soit en fraude des droits des auteurs, soit en contravention des réglemens qui protégent les mœurs ou concernent l'ordre public, ne peut être mentionné dans ce journal; et il en résulte que la librairie sait quels livres il lui est permis de vendre, quels livres il ne peut débiter sans péril: la bonne foi d'aucun ne peut être surprise.

Que le journal de la librairie soit supprimé, les libraires débitans, ceux des départemens en particulier, n'auront aucune règle de conduite; les éditeurs s'abstiendront des déclarations, du dépôt des exemplaires prescrit par les lois; ils feront au dehors des expéditions, sans en donner connoissance à l'administration, et les livres les plus répréhensibles, les plus défendus, ceux-là même que l'Administration fait rechercher dans la capitale, se trouveront disséminés dans les départemens, sans que l'Autorité puisse avoir action contre ceux qui les auront débités; car on conçoit que les exceptions de bonne foi seront à chaque contravention invoquées par les débitans;

(1) M. le Comte Portalis, directeur général de l'Imprimerie et de la Librairie, du 12 février 1810 au 4 janvier 1811, eut pour successeur le baron de Pommereul, qui cessa ses fonctions au 30 mars 1814. Du 5 au 14 janvier 1811, jour de la nomination de M. le baron de Pommereul, l'intérim fut confié à M. La Biche, chef du secrétariat général du ministère de l'intérieur, sous le ministère de M. le comte Montalivet.

La Direction de l'imprimerie et de la librairie était à cette époque dans les attributions du Ministre de l'Intérieur; elle avoit été créée par le décret du 5 février 1810, contenant le Réglement sur l'Imprimerie et la Librairie.

on conçoit également qu'on ne pourra se dispenser d'y avoir égard, parce qu'on ne peut pas punir un citoyen pour avoir fait ce que les lois ou les réglemens ne lui ont pas défendu de faire.

Ce journal, utile sous le rapport de l'ordre public, du respect des propriétés et indispensable comme moyen de police, a encore un degré d'utilité incontestable sous le rapport du commerce. Il contient non seulement l'annonce des livres nouveaux, mais encore celle des livres que tous les libraires et imprimeurs ont la faculté d'imprimer en concurrence, et qu'il est convenu d'appeler livres du domaine public. Avant la création de ce journal les éditeurs n'avoient connoissance de leurs entreprises réciproques qu'au moment où elles étoient terminées, souvent long-temps après, quelquefois jamais. Tel livre dont une édition devoit remplir pendant dix ans les besoins des consommateurs, étoit imprimé concurremment par trois ou quatre libraires, et comme ils avoient peu d'intérêt à faire annoncer les ouvrages du domaine public, surtout lorsqu'il ne s'y étoit fait aucun changement ou addition, il en résultoit que les quatre éditions circuloient sur les différens points de la France, sans que les intéressés en eussent connoissance. Par ce moyen les éditions n'étoient plus en rapport avec les besoins des consommateurs, le prix des livres diminuoit par l'effet de la concurrence, et les spéculations causoient la ruine de ceux qui les avoient faites.

[ocr errors]

Aujourd'hui le journal annonçant les éditions du domaine public, comme celles du domaine privé, la librairie n'est plus exposée à réimprimer, comme n'existant pas, des ouvrages dont plusieurs éditions viennent d'être terminées ou sont entreprises; elle ne peut plus faire de ces spéculations aventureuses qui l'ont souvent désolée et plus d'une fois déconsidérée.

On annoncera, dit-on, les livres dans les journaux conservés! D'abord, que Votre Majesté me permette de lui faire remarquer que le Journal de la Librairie, dont l'utilité littéraire est inaperçue aujourd'hui, doit finir par former la bibliographie du grand siècle et la plus complète qu'on puisse en faire.

Ensuite l'insertion des livres imprimés pour la première fois ou réimprimés sera-t-elle obligée ou facultative? Si elle est obligée,

[ocr errors]

le sera-t-elle pour tous les journaux? le sera-t-elle pour un seul? Si elle l'est pour tous les journaux, le plus pauvre débitant de livres, s'il craint de se compromettre, sera donc obligé de s'abonner à tous les journaux? L'annonce aura-t-elle lieu, sans que l'éditeur soit obligé de contribuer par la remise d'un ou plusieurs exemplaires de son ouvrage? Le libraire déjà chargé du droit de cinq francs par rame, le sera-t-il encore par des droits à payer à tous les journalistes conservés? Si l'insertion est facultative, quelle sera la règle de conduite que l'Administration doit donner à l'égard des livres qu'il est permis ou défendu d'imprimer; et à l'égard du commerce, qui apprendra aux libraires quels sont les livres dont le besoin se fait sentir, et ceux qui sont surabondans dans les magasins, quels sont ceux qu'ils peuvent réimprimer sans péril, et ceux qu'ils doivent éviter de réimprimer.

Au reste, ce n'est pas d'aujourd'hui, Sire, qu'on a reconnu la nécessité d'assujettir les éditeurs à faire faire dans un journal spécial l'annonce de leurs ouvrages, avant qu'elle ne fût insérée dans les journaux ordinaires. L'article 12 de l'Arrêt du Conseil du 16 avril 1785, dans la vue de prévenir plus efficacement que par le passé la publicité des ouvrages prohibés ou non permis, défend à tous auteurs et éditeurs, directeurs et rédacteurs de gazettes, journaux, affiches, feuilles périodiques et autres papiers publics, tant à Paris que dans les provinces, même de ceux étrangers dont la distribution est permise dans le Royaume, d'annoncer sous tel prétexte, que ce puisse être, aucun ouvrage imprimé ou gravé, national ou étranger, si ce n'est après qu'il aura été annoncé par le Journal des Savans ou subsidiairement par celui de Paris, à peine d'amende, déchéance de privilége ou permission, ou autres peines, suivant les cas.

Le Journal de la Librairie est utile, sous plusieurs rapports, il l'est beaucoup plus que les journaux et bulletins de la Direction Générale des. Mines, de celle de l'Enregistrement dont la suppression n'a pas été provoquée, quoiqu'ils n'intéressent pás, comme celui de la librairie, la sûreté publique, celle du commerce des livres, les mœurs et la police d'une profession qui a

été et qui pourroit être encore dangereuse. Ce journal est établi; j'en sollicite la conservation. S'il n'existoit pas, je serois de l'avis que S. E. le Duc de Rovigo a exprimé il y a un an, et je demanderois qu'il fût créé.

L'Administration de la Librairie a été établie sur un système très différent de celui de la Direction du temps passé, ce sont des matériaux neufs qu'elle est chargée d'employer; mais si chaque fois qu'il arrive de poser une pierre, une autre autorité la renverse, l'édifice ne sera jamais construit.

Tous les motifs que je viens d'exposer à Votre Majesté m'ont déterminé à lui soumettre le projet de Décret ci-joint, auquel je la supplie de donner son approbation.

[ocr errors][merged small][merged small]

De Votre Majesté Impériale et Royale,

Le très humble, très obéissant et très fidèle sujet,

Signé, MONTALIVET.

L'Empereur, approuvant la proposition qui lui étoit faite par le Ministre de l'Intérieur, rendit, deux jours après, le Décret dont voici le texte :

Au palais d'Amsterdam, le 14 octobre 1811. Napoléon, Empereur des François, etc., voulant prévenir plus efficacement que par le passé la publicité des ouvrages prohibés ou non permis; donner aux libraires les moyens de distinguer les livres défendus de ceux dont le débit est autorisé, et empêcher qu'ils ne soient inquiétés pour raison de la vente des derniers ouvrages; sur le rapport de notre Ministre de l'Intérieur, nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

1° La Direction Générale de l'Imprimerie et de la Librairie est autorisée à publier, à dater du 1er novembre prochain, un Journal dans lequel seront annoncées toutes les éditions d'ouvrages imprimés ou gravés qui seront faites à l'avenir, avec le nom des éditeurs et des auteurs, si ces derniers sont connus; le nombre d'exemplaires de chaque édition, et le prix de l'ouvrage.

Elle y fera aussi insérer, avant la publication des ouvrages, les déclarations qui auront été faites par les libraires pour la réimpression des livres du domaine public.

2o Les fonds provenant des abonnemens au Journal de la Librairie seront affectés aux dépenses de la Direction Générale. 3o Conformément aux dispositions de l'art. 12 de l'Arrêt du Conseil, du 16 avril 1785, il est défendu à tous auteurs, éditeurs, directeurs et rédacteurs de gazettes, journaux, affiches, feuilles périodiques et autres papiers publics, tant à Paris que dans les Départemens, même de ceux étrangers, dont la distribution est permise dans l'Empire, d'annoncer, sous tel prétexte que ce puisse être, aucun ouvrage imprimé ou gravé, national ou étranger, si ce n'est après qu'il aura été annoncé par le Journal de la Librairie, en se conformant, pour le prix de l'ouvrage, à celui qui aura été indiqué dans ce Journal, à peine de 200 fr. d'amende pour la première contravention, et d'amende arbitraire, ainsi que de déchéance de leurs permissions en cas de récidive, même de telle autre peine qu'il appartiendra, s'il s'agissait d'ouvrages non permis ou prohibés. Notre Ministre de l'Intérieur est chargé de l'exécution du présent décret.

Par l'Empereur :

NAPOLÉON.

Le Ministre Secrétaire d'État,

Pour ampliation :

Le Comte DARU.

Le Minisre de l'Intérieur,
MONTALIVET.

Comme le Décret que nous venons de reproduire renfermoit diverses dispositions pénales, il fut inséré au Bulletin des Lois (1va série, no 404, 3 décembre 1811). Quant au Décret rendu à Compiègne le 17 septembre de la même année, il n'a jamais été et ne sera jamais publié; la minute de ce dernier Décret a été brûlée, en 1814, par ordre de Talleyrand, avec d'autres pièces qu'il crut devoir supprimer à cette époque.

Au moment où fut rendu le décret du 17 septembre 1811,

« PoprzedniaDalej »