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sacre à retracer les douleurs de la Vierge-mère en présence des tourmens et au pied de la croix de son divin fils, nous voyons douze anges se présenter successivement devant cette mère éplorée avec quelques uns des instrumens de la passion et lui adresser des paroles de consolation. C'est là tout l'ouvrage, et pour en donner une idée plus exacte encore, nous demandons la permission d'en citer un fragment qui fera connoître le style et la manière de l'auteur inconnu des vers françois :

PARAPHRASE DE LANGE QUINT, PORTANT LA couronne.

Fille du ciel pour quoy sont larmes
Abundantes sur votre face?

Pour quoy soubstient le cueur allarmes?
Vous ne voiez de paix la trace?

Juifz maulxdictz leur roy promis
Ont en la loy heu et receu
Ne l'ont ne Messias admis.
Leur fol espoir les a deceu.

Myeulx ont volu de Cesar estre
Que du Crist la foi soubstenir.
Barrabas prins ont pour leur maistre
Et linnocent ont fait mourir.

Esce bien faict, aussi bon iugie,
Que linnocent soit mys en croix.
Et le larron absoulx destre
Qui a tuhe et prins a faulx poix?

Qui bien iuge, linnocent tost deliure.
Et les mauluais par directe equite
Punist. en ce et remect au deliure
Le mal mesle iuste bonte.

De Pilate faulse sentence
On a ouy. car trop mal instruict
Estoit du cas. dont ignorance
Ne les remect ains la loy le detruict.

Laissez Vierge ces longues larmes.
Rendez graces à nostre Seigneur
Quil vous a fait sur toutes dames

De Dieu mère, et de Virginité fleur.

(F. 14, recto.)

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Ou nous nous trompons, ou ces vers, sans offrir un grand mérite sous le rapport poétique, portent avec eux un certain

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caractère de naïveté qui n'est pas tout-à-fait dépourvu d'agrément. Cela suffit au moins pour recommander ce curieux opuscule aux amateurs de notre ancienne poésie, et les vignettes en bois dont il est décoré n'en diminueront certainement. pas la valeur à leurs yeux. Ces vignettes, à l'exception de la première, qui ne donne qu'une représentation assez grossière du Christ mort sur les genoux de la Vierge, se font toutes remarquer, sinon par une grande correction de dessin, du moins par une véritable hardiesse d'exécution qui accuse déjà cette pureté et cette fermeté de lignes propre à l'école italienne plutôt que les essais généralement incorrects de la vieille école germanique. Le caractère des figures dont ce livre est orné nous porteroit donc à voir dans l'opuscule que nous venons de décrire une production des presses italiennes dans les premières années du XVIe siècle, et le caractère italique employé par l'imprimeur fortifieroit encore cette conjecture. Mais, nous le répétons, c'est là seulement une conjecture et nous nous garderons bien de la donner comme une certitude; ce que nous voulions établir seulement, c'est que ce petit livre est digne à tous égards de l'attention et de la curiosité des amateurs. Si nous ajoutons enfin que l'exemplaire que nous avons sous les yeux est dans un état de conservation parfait et qu'il a été revêtu par M. Bauzonnet d'un habit simple mais de bon goût, nous en aurons dit assez pour communiquer notre conviction aux lecteurs habituels du Bulletin. C'était là tout ce que nous voulions, et nous ne craignons pas qu'on nous reproche à cet égard ou trop de présomption ou trop de confiance dans leur amour sincère pour les beaux livres. G. D.

II

ALIVIO DE CAMINANTES COMPUESTO POR IUAN TIMONEDA. EN ESTA ULTIMA IMPRESSION VAN QUITADAS MUCHAS COSAS SUPERFLUAS, DESHONESTAS, Y MAL-SONANTES, QUE EN LAS OTRAS IMPRESSIONES ESTAVAN. En Anberes, en casa de Antonio Tylenio, 1577, petit in-16 de 64 feuillets non chiffrés, le dernier

blanc, signat. A.-H. LE DÉLASSEMENT DES VOYAGEURS, composé par J. TIMONEDA, etc.

Ce petit livre n'est pas tout-à-fait aussi inconnu que l'opuscule dont nous parlons dans la notice précédente : M. Brunet, dont le coup d'œil pénétrant et vraiment bibliographique, a tour vu ou du moins presque tout vu, M. Brunet en parle dans ses Nouvelles Recherches (3. 343), et il cite même une édition antérieure, de format petit in-8°, imprimée à Saragosse en 1563, avec des figures; mais il indique seulement celle d'Anvers, 1577, comme très rare, sans la décrire. Celle-ci nous paroît au moins aussi rare que la première, et comme elle forme un très joli petit volume, imprimé avec soin, elle nous semble tout aussi digne que son aînée de la recherche des amateurs.

Jean de Timoneda appartenoit à cette famille de joyeux conteurs si nombreuse en Italie et en Espagne, et il peut être considéré comme l'un des plus anciens faiseurs de contes de ce dernier pays. Il se borne du reste à des récits fort courts, ordinairement simples, présentés en bon style, mais il ne s'élève jamais jusqu'à la Nouvelle, au moins dans l'ouvrage que nous avons sous les yeux. Ce petit volume est divisé en quatre parties : la première se compose, ainsi que l'indique son titre particulier, de contes inventés par un auteur différent : Siguense los Cuentos, los quales son de otro autor llamado Joan Aragones, que sancta gloria aya; la seconde partie, bien autrement curieuse que la première, offre, il est vrai, une suite de petits récits du même genre, mais présentés comme explication ou commentaire d'un nombre égal de dictons populaires ou proverbes en usage en Espagne; cette partie se compose de cinquante et un contes; la troisième partie en contient quarante-six; la quatrième partie, toute différente des trois autres, est un simple mémorial rédigé par J. Timoneda, et destiné à rappeler un certain nombre d'événemens mémorables qui se rapportent presque tous à l'histoire d'Espagne. Timoneda, au reste, se contente d'être un chroniqueur ou pour mieux dire un annotateur exact, sans se permettre jamais les plus petites réflexions, Nous donnerons ici quelques extraits de ce mémorial:

En l'an 1459, l'art d'imprimer fut inventé par un allemand à Mayence, en Allemagne.

En l'an 1481, le roi don Ferdinand établit la sainte Inquisition en Espagne.

En l'an 1492, les Indes furent découvertes aux frais et sous la direction du roi don Ferdinand.

En l'an 1523, le 24 février, le roi de France François fut pris dans une bataille à Pavie, par l'empereur don Carlos V (CharlesQuint), et conduit en Espagne.

En l'an 1533, les Espagnols, dans leurs courses maritimes, découvrirent la terre du Pérou, Pierre Piçarro étant capitaine de la flotte.

On voit avec quelle froideur et quelle indifférente exactitude le bon Timoneda consignoit dans ses notes les événemens les plus curieux et les plus importans: l'imprimerie a été inventée par un allemand; le Nouveau-Monde a été découvert sous le règne de Ferdinand; le roi de France est pris dans une bataille; rien de tout cela ne l'émeut, rien de tout cela ne lui cause ni étonnement, ni admiration; ce sont des faits et voilà tout. Hâtonsnous de dire que dans ses contes, Timoneda fait un peu plus de frais pour ses lecteurs, et comme son petit livre est très rare, nous essaierons de traduire en françois quelques uns des récits du second livre, destinés, ainsi que nous l'avons dit, à donner l'éclaircissement de quelques dictons populaires. L'un de ces contes étant fort court, nous le donnons en note en espagnol pour les amateurs de cette langue :

Pourquoi l'on dit: Mon père me recommande de manger
des perdrix (1).

« Un père envoya son fils étudier à Salamanque, et lui recommanda de mettre une rigoureuse économie dans le choix

(1) Por que se dixo, perdizes me manda mi padre que coma.

. Un padre embio a su hijo a Salamanca a estudiar y mando le que comiesse de las cosas mas baratas. Y el moço en llegando, preguntò quanto valia una vaca: dixeron le, que diez ducados, y que una perdiz valia un real. Dixo el entonces segun esso Perdizes manda mi padre que coma. »

de ses alimens; le jeune homme donc, dès son arrivée, s'informe de quel prix est une vache:'on lui répond qu'une vache coûte dix ducats et qu'une perdrix vaut un réal. Alors, dit-il, il est clair que mon père me recommande de manger des perdrix. ›

Pourquoi l'on dit: Chaque coq chante en son poulailler.

« Un Portugais et un Castillan se trouvant un jour à Séville, eurent une discussion pour établir quel étoit le plus grand et le meilleur roi, celui de Castille ou celui de Portugal. Le Portugais à cette occasion, ayant donné un démenti au Castillan, celui-ci lui fit un légère blessure. Quelque temps après, le même Castillan fît le voyage de Lisbonne : dès qu'il le sut arrivé, le Portugais alla trouver un de ses amis, et lui demanda s'il ne conviendroit pas qu'à son tour il rendit au Castillan la blessure qu'il en avoit reçue. L'ami lui répondit que cela n'étoit nullement nécessaire, mais qu'il suffisoit qu'il allât trouver l'étranger et qu'il lui demandât lequel des deux rois il regardoit comme le meilleur, celui d'Espagne ou de Portugal: que si l'espagnol donnoit la préférence au roi d'Espagne, il pourroit alors accomplir sa vengeance; mais que s'il se prononçoit en faveur du roi de Portugal, il seroit tout naturel de le laisser tranquille. Le Portugais suivit ce conseil : il alla trouver l'Espagnol, lui fit la question, et celui-ci lui répondit que le roi de Portugal étoit certainement le plus grand roi des deux. Mais comment, lui dit l'autre, ne donnez-vous donc pas la préférence à votre propre roi? C'est, répondit l'Espagnol, que chaque coq chante dans son poulailler. ›

C'est par des récits de ce genre que sont expliqués et commentés un assez grand nombre de propos vulgaires en Espagne, ce qui donne à ce petit livre un caractère spécial qui lui assure une place dans la classe des livres de proverbes, en même temps que parmi les écrits des conteurs.

L'exemplaire que nous décrivons, et qui est le seul que nous ayons jamais vu, a été décoré, par les soins de M. Bauzonnet, d'un extérieur charmant, plus gracieux que splendide, et tout-àfait convenable pour un livre rare et curieux qui ne peut

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