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IV.

MILLERAN (René). Les deux grammaires franşaizes l'ordinaire d'aprezant et la plus nouvelle qu'on puise faire sans alterer ni changer les mots, par le moyen d'une nouvelle ortographe si juste et si facile qu'on peut aprandre la bôté et la pureté de la prononciacion en moins de tans qu'il ne fôt pour lire cet ouvrage, par la diférance des karacteres qui sont osi bien dans le cors des Regles que dans leurs exanples, ce qui est d'otant plus particulier qu'elles sont tres faciles et incontestables, la prononciacion étant la partie la plus esancielle de toutes les langues. Marseille, Brebion, 1694, 2 part. en un in-12, avec un portrait de l'auteur tiré à la sanguine, mar. citron, janséniste. Duru.

Fransaize, entendez-vous? voilà comme il faut réformer l'orthographe, quand on comprend quelque chose à l'orthographe et aux réformes, car le c à cédille qui se prononce comme une s, et I's mignarde qui se prononce comme un z, ne sont ni plus ni moins répréhensibles que l'o de notre vieille diphthongue.

Mais, me direz-vous, ce n'est donc pas M. de Voltaire qui a supprimé l'o de cette diphthongue, et qui a mis savamment un a à sa place? Hélas, non! ce n'est pas même M. René Milleran, qui ne fait que rajeunir une innovation en cheveux blancs, vieille d'un siècle et demi, en fournissant à ses hôtes de Marseille et de Montpellier le moyen d'écrire le françois comme ils le prononcent chez eux, ce qui ne laisseroit pas que de produire une bigarrure assez piquante en typographie. Ce n'est pas plus M. René Milleran que Voltaire; mais la providence toujours favorable à ce grand esprit qu'elle avoit comblé de tant de dons précieux (il est bien entendu que c'est de Voltaire que je parle et non pas de M. René Milleran), la providence, dis-je, a permis que M. René Milleran crut inventer la substitution de

l'a à l'o dans cette malheureuse diphthongue, l'année même où Voltaire venoit au monde, afin de justifier d'avance, par une bonne excuse d'alibi, de la plus subtile et de la plus sotte des absurdités anti-grammaticales, un admirable génie qu'elle protégeoit (c'est toujours de Voltaire qu'il est question). A la vérité, si ce n'est pas Voltaire qui a inventé l'orthographe de Voltaire (et les admirateurs les plus passionnés de Voltaire conviendront peut-être qu'il est difficile que Voltaire, né en 1694, ait inventé l'orthographe que M. René Milleran inventoit, enseignoit, imprimoit et publioit en 1694), il faut donc que Voltaire n'ait pas dédaigné de voler M. René Milleran. Il y a donc de la part de Voltaire larcin ou plagiat patent, et très capable d'échauffer la bile processive de messieurs de l'association des gens de lettres. Il y a donc méprise insigne de la part de messieurs de l'Académie françoise, qui composent aussi une association de gens de lettres, à ce que j'imagine, et qui se font honneur d'avoir adopté l'orthographe de Voltaire, mais qui seroient probablement fort peu jaloux de prêter l'autorité de leur docte compagnie à l'orthographe de M. René Milleran; tout cela est fort embarrassant, et je me garderois bien de me mêler dans cette ténébreuse affaire, si le livre de René Milleran n'étoit pas devenu assez rare pour mériter les honneurs d'une reliure en maroquin citron.

En dernière analyse, Voltaire, qui se soucioit fort peu de l'orthographe, qui s'en rapportoit de son orthographe ellemême au caprice de sa plume, et qui n'a peut-être jamais ouvert d'autre livre sur l'orthographe que celui de René Milleran, trouva l'orthographe de Milleran assez bonne pour prendre la peine de l'inventer. Cette orthographe a en effet l'incontestable. avantage de vieillir notablement les anciennes éditions de Racine. et de Corneille, et de frapper d'avance leurs éditions à venir, si l'on ose en faire, du ridicule d'une orthographe surannée. On voit que l'orthographe de Milleran alloit fort bien à Voltaire, mais il faut rendre à Milleran ce qui appartient à Milleran.

NOTICE

D'UN MANUSCRIT De la Bibliothèque Royale, coté no 7183, comPRENANT LES PLus anciennes gestes de Maugis d'Aigremont, DE BEUVE D'AIGREMONT, DES QUATRE FILS AIMON et de ReNAUT DE MONTAUBAN (1). Vol. in-fo, pap. vélin, à deux colonnes; avec trois miniatures, vignettes et initiales; 180 feuillets, fin du xin siècle. Relié en veau marbré, à l'aigle de l'empire sur les plats, au chiffre de Napoléon sur le dos.

Ce précieux manuscrit contient trois Chansons de gestes. La première est unique, les deux autres rares dans la Bibliothèque Royale. Avant de nous arrêter sur chacune d'elles, nous soumettrons à nos lecteurs quelques considérations générales sur la branche poétique dont elles offrent plusieurs rameaux (2).

La plus ancienne de nos épopées nationales se recommande par le nom de Girart de Roussillon. Il en est parlé dans tous les poëmes primitifs, et entre les autres, on voit dans la geste des Lorrains de fréquentes allusions à la journée meurtrière de Val-Beton, et aux longues rancunes de Charles-Martel contre le duc Girart. Bernart de Naisil, voulant exhorter Pepin à la clémence, lui parle en ces termes :

Drois empereres, entens un pou à mi:
Charles Martiaus qui maint estour vainqui,
Envers le duc Girart guerroia il.

Par celle guerre, bon roi, que je te di

Furent oci li prodome gentil,

Pauvre remaindrent li parent et li fil.

Adoncques vindrent li Wandre en cest païs...

Charles Martiaus, vos pères li gentis,

Vit sa contrée de gens aescheri,

A poine pot son regne maintenir...

(1) Extrait du sixième voulume encore inédit de l'ouvrage intitulé : Les Manuscrits françois de la Bibliothèque du roi. L'auteur recevroit avec une vive reconnoissance les observations auxquelles pourroit donner lieu la lecture de cette notice.

(2) Voyez d'abord ce que j'ai dit sur le même sujet, tome III, pages 114 et suivantes.

As chevaliers dona fours et moulins,,
Dona les dîmes et rentes à tenir
De coi li moine estoient lors saisi.
Frans chevaliers, ne faites pas ensi,
Qui son nez coupe, il deserte son vis.

(Tom. I, p. 279.)

Adenès, dans le début de Berte aus grans piés, rattachoit encore la même tradition au règne de Charles-Martel. Mais dans le pieux roman en prose imprimé vers le commencement du xvIe siècle (1), d'après les textes manuscrits en vers et en prose arrangés durant le xve, Girart de Roussillon est ramené au règne de Charles-le-Chauve, et des critiques plus sévères n'ont même accordé à ce héros que le x1° siècle, en dépit des réclamations judicieuses de Mabillon. Ce qu'il y a de plus vraisemblable, c'est que la Chanson de geste dont nous allons parler fut composée sous l'influence des événemens du règne de Charles-le-Chauve; mais il n'en faut pas moins avouer que dans tous les ouvrages antérieurs au XIe siècle, où il est question de Girart de Roussillon, de ses exploits, de ses malheurs et de sa pénitence, on l'y présente comme le contemporain, l'adversaire et la victime de Charles-Martel. Sur ce point, Philippe Mouskes, Guillaume de Nangis et Sigebert s'accordent avec les vieilles poésies.

On a plus malheureusement encore essayé de fixer la position et l'étendue des domaines féodaux possédés par Girart. Etoit-il comte de Roussillon, comme sembleroit l'indiquer son surnom? ou bien duc d'Aquitaine ou de Bourgogne, comte de Provence ou de Paris? On á tour à tour soutenu ces opinions. Mais le Girart des poètes, comte sous un prince françois du nom de Charles, étoit simplement bénéficiaire d'un château sur les frontières de Champagne et de Bourgogne, au dessus de Châtillonsur-Seine. Cette forteresse construite à la cime d'une haute montagne, voyoit à ses pieds la rivière de Seine, et l'abbaye de Pothieres ou Poutières. Il ne reste rien aujourd'hui de cette forteresse de Roussillon, bàtie sur le mont Lascous; mais, en

(1) L'histoire de monseigneur Gevard de Roussillon, jadis duc de Bourgogne et d'Acquitaine. Lyon, Olivier Arnoullet, in-4o, goth. sans date.

1716, les deux bénédictins Martene et Durand avoient encore vu dans l'abbaye de Poutières plusieurs tombeaux de grande ancienneté taillés dans le marbre, et soutenus par des colonnettes d'un fort bon style; ces tombeaux désignés par eux comme renfermant les corps de Girart, de Berthe sa femme et de leur jeune enfant Thierry, avoient été déjà, long-temps auparavant, c'est-à-dire vers le milieu du XIIIe siècle, décrits par un prédicateur bourguignon, et l'on ne sera pas fâché peutêtre de comparer le vieux sermon aux lignes du Voyage littéraire des savans bénédictins.

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« L'abbaie de Pouteres, dit le bon prêtre, est assise sus « le fluve de Saingne, selonc lou mont Lascons, louquel lí pueples apele corrumpement Mont Lascous; en la soveraine hautesce douquel li tres nobles chasteaux Rossillons fu jadis, et fu destruis des Wandres. Et iciz mons est dit, ou « de l'aigue des fontaines qui essordent dessoz, ou de atapir (1), ⚫ quar aucunes simples gens dient secretes choses atapir en ⚫ cele montaingne, et afferment aucuns signes aparoir enqui,

et dient que maint tresor i hont esté trové, et qu'il en i a « anquor plusors... Içiz mons est haus de regart, et est quarrez « par merveillouse assise, en partie par nature et en partie fait « par œuvre humaine. Les apparissances des murs et des tran

chies demonstrent anquor apertement le grant et le fort ha« bitement des hommes qui fu enqui.....» (Ici, description de la guerre des Wandres, de la prise du château de Roussillon par Charles-Martel et de la victoire remportée sur lui par Girart). Pour ce que Girars l'avoit vaincu, li rois fist anoncier ⚫ bataille à toute sa force c'est assavoir en Val-Beton, qui est ⚫ entre le mons de Verzelai (Vezelay) et le chastel que l'on << nomme Pierre Pertusie (2) (Pierre-Pertuis). Adonc envoya ⚫ Girarz à Drogon son père, qui se combatoit adonc as Sarra<sins en Espagne... et fu iciz Drogons filz Dangobert qui fu

(1) Se couvrir, se cacher.

(2) Remarquez ici qu'entre Pierre-Pertuis et Vezelay se trouve aujourd'hui le petit village de Fontenay, et tirez-en des inductions pour le véritable lieu de la grande bataille gagnée par Charles-le-Chauve.

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