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soin qu'il devait prendre à le conduire, il ne fût jamais permis de douter qu'il n'aimât à gouverner ce qu'il avait tant aimé à faire, et ce qu'il avait lui-même jugé si digne de sa sagesse.

Ainsi nous devons entendre que cet univers, et particulièrement le genre humain, est le royaume de Dieu, que lui-même règle et gouverne selon des lois immuables; et nous nous appliquerons aujourd'hui à méditer les secrets de cette céleste politique qui régit toute la nature, et qui, enfermant dans son ordre l'instabilité des choses humaines, ne dispose pas avec moins d'égards les accidents inégaux qui mêlent la vie des particuliers, que ces grands et mémorables événements qui décident de la fortune des empires.

Grand et admirable sujet, et digne de l'attention de la cour la plus auguste du monde! Prêtez l'oreille, ô mortels! et apprenez de votre Dieu même les secrets par lesquels il vous gouverne; car c'est lui qui vous enseignera dans cette chaire; et je n'entreprends aujourd'hui d'expliquer ses conseils profonds, qu'autant que je serai éclairé par ses oracles infaillibles.

Mais il nous importe peu, chrétiens, de connaître par quelle sagesse nous sommes régis, si nous n'apprenons aussi à nous conformer à l'ordre de ses conseils. S'il y a de l'art à bien gouverner, il y en a aussi à bien obéir. Dieu donne son esprit de sagesse aux princes pour savoir conduire les peuples, et il donne aux peuples l'intelligence pour être capables d'être dirigés par ordre; c'est-à-dire qu'outre la science maîtresse par laquelle le prince commande, il y a une autre science subalterne qui enseigne aussi aux sujets à se rendre dignes instruments de la conduite supérieure ; et c'est le rapport de ces deux sciences qui entretient le corps d'un État par la correspondance du chef et des membres.

Pour établir ce rapport dans l'empire de notre Dieu, tâchons de faire aujourd'hui deux choses. Premièrement, chré tiens, quelque étrange confusion, quelque désordre même, ou quelque injustice qui paraisse dans les affaires humaines,

Deui., XXXIV, 9.

quoique tout y semble emporté par l'aveugle rapidité de la fortune; mettons bien avant dans notre esprit que tout s'y gouverne par maximes, et qu'un conseil éternel et immuable se cache parmi tous ces événements que le temps semble déployer avec une si prodigieuse incertitude. Secondement, venons à nous-mêmes, et, après avoir bien compris quelle puissance nous meut et quelle sagesse nous gouverne, voyons quels sont les sentiments qui nous rendent dignes d'une conduite si relevée. Ainsi nous découvrirons, suivant la médiocrité de l'esprit humain, en premier lieu les ressorts et les mouvements, et ensuite l'usage et l'applition de cette sublime politique qui régit le monde; et c'est tout le sujet de ce discours.

PREMIER POINT.

Quand je considère en moi-même la disposition des choses humaines, confuse, inégale, irrégulière, je la compare souvent à certains tableaux que l'on montre assez ordinairement dans les bibliothèques des curieux, comme un jeu de la perspective. La première vue ne nous montre que des traits informes, et un mélange confus de couleurs qui semble être, ou l'essai de quelque apprentif, ou le jeu de quelque enfant, plutôt que l'ouvrage d'une main savante. Mais aussitôt que celui qui sait le secret vous les fait regarder par un certain endroit, aussitôt toutes les lignes inégales venant à se ramasser d'une certaine façon dans votre vue, toute la confusion se démêle, et vous voyez paraître un visage avec ses linéaments et ses proportions, où il n'y avait auparavant aucune apparence de forme humaine. C'est, ce me semble, messieurs, une image assez naturelle du monde, de sa confusion apparente et de sa justesse cachée, que nous ne pouvons jamais remarquer qu'en le regardant par un certain point que la foi en Jésus-Christ nous découvre.

ང་

J'ai vu, dit l'Ecclésiaste, un désordre étrange sous le soleil : j'ai vu que l'on ne commet pas ordinairement, ni la course

« aux plus vites, ni les affaires aux plus sages, ni la guerre aux

* plus courageux; mais que c'est le hasard et l'occasion qui << donne tous les emplois, qui règle tous les prétendants: » Nec relocium esse cursum, nec fortium bellum... sed tempus casumque in omnibus 1. J'ai vu, dit le même Ecclésiaste, que toutes choses arrivent également à l'homme de bien «<et au méchant, à celui qui sacrifie et à celui qui blasphème : » Quod universa æque eveniant justo et impio... eadem immolanti victimas et sacrificia contemnenti... eadem cunctis eveniunt. Presque tous les siècles se sont plaints d'avoir vu l'iniquité triomphante et l'innocence affligée; mais, de peur qu'il n'y ait rien d'assuré, quelquefois on voit au contraire l'innocence dans le trône et l'iniquité dans le supplice. Quelle est la confusion de ce tableau? et ne semble-t-il pas que ces couleurs aient été jetées au hasard, seulement pour brouiller la toile ou le papier, si je puis parler de la sorte?

Le libertin inconsidéré s'écrie aussitôt qu'il n'y a point d'ordre. (( Il dit en son cœur : Il n'y a point de Dieu, » ou Ce Dieu abandonne la vie humaine aux caprices de la fortune : Dixit insipiens in corde suo: Non est Deus 3. Mais arrêtez, malheureux, et ne précipitez pas votre jugement dans une affaire si importante. Peut-être que vous trouverez que ce qui semble confusion est un art caché; et si vous savez rencontrer les choses, toutes les inégalités se rectifieront, et vous ne verrez que sagesse où vous n'imaginiez que désordre.

Oui, oui, ce tableau a son point, n'en doutez pas; et le même Ecclésiaste qui nous a découvert la confusion, nous mènera aussi à l'endroit par où nous contemplerons l'ordre du monde. « J'ai vu, dit-il, sous le soleil l'impiété en la place « du jugement, et l'iniquité dans le rang que devait tenir la justice : » Vidi sub sole in loco judicii impietatem, et in loco justitiæ iniquitatem 4, c'est-à-dire, si nous l'entendons, l'iniquité sur le tribunal, ou même l'iniquité dans le trône, où la seule justice doit être placée. Elle ne pouvait pas monter plus haut, ni occuper une place qui lui fût moins due. Que

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pouvait penser Salomon en considérant un si grand désordre? Quoi? que Dieu abandonnait les choses humaines sans conduite et sans jugement! Au contraire, dit ce sage prince, en voyant ce renversement: Aussitôt j'ai dit en mon cœur : Dieu jugera juste et l'impie, et alors ce sera le temps de toutes choses :>> Et dixi in corde meo: Justum et impium judicabil Deus, et tempus omnis rei tunc erit 1.

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Voici, messieurs, un raisonnement digne du plus sage des hommes: il découvre dans le genre humain une extrême confusion, il voit dans le reste du monde un ordre qui le ravit: il voit bien qu'il n'est pas possible que notre nature, qui est la seule que Dieu a faite à sa ressemblance, soit la seule qu'il abandonne au hasard; ainsi convaincu par raison qu'il doit y avoir de l'ordre parmi les hommes, et voyant par expérience qu'il n'est pas encore établi, il conclut nécessairement que l'homme a quelque chose à attendre ; et c'est ici, chrétiens, tout le mystère du conseil de Dieu; c'est la grande maxime d'État de la politique du ciel. Dieu veut que nous vivions au milieu du temps dans une attente perpétuelle de l'éternité; il nous introduit dans le monde, où il nous fait paraître un ordre admirable, pour montrer que son ouvrage est conduit avec sagesse ; où il laisse de dessein formé quelque désordre apparent, pour montrer qu'il n'y a pas mis encore la dernière main. Pourquoi? pour nous tenir toujours en attente du grand jour de l'éternité, où toutes choses seront démêlées par une décision dernière et irrévocable, où Dieu séparant, encore une fois la lumière d'avec les ténèbres, mettra par un dernier jugement la justice et l'impiété dans les places qui leur sont dues; « et alors, dit Salomon, ce « sera le temps de chaque chose : » Et tempus omnis rei tunc erit.

Ouvrez donc les yeux, ô mortels! c'est Jésus-Christ qui Vous y exhorte dans cet admirable discours qu'il a fait en S. Matthieu, chapitre sixième, et en S. Luc, chapitre douzième, dont je vais vous donner une paraphrase. Contemplez le ciel

'Ecel., III, 17.

et la terre, et la sage économie de cet univers. Est-il rien de mieux entendu que cet édifice? est-il rien de mieux pourvu que cette famille? est-il rien de mieux gouverné que cet empire? Cette puissance suprême qui a construit le monde, et qui n'y a rien fait qui ne soit très-bon, a fait néanmoins des créatures meilleures les unes que les autres. Elle a fait les corps célestes, qui sont immortels; elle a fait les terrestres, qui sont périssables; elle a fait des animaux admirables par leur grandeur; elle a fait les insectes et les oiseaux, qui semblent méprisables par leur petitesse; elle a fait ces grands arbres des forêts, qui subsistent des siècles entiers; elle a fait les fleurs des champs, qui se passent du matin au soir. Il y a de l'inégalité dans ses créatures, parce que cette même bonté qui a donné l'être aux plus nobles, ne l'a pas voulu envier aux moindres. Mais depuis les plus grandes jusqu'aux plus petites, sa providence se répand partout. Elle nourrit les petits oiseaux, qui l'invoquent dès le matin par la mélodie de leurs chants; et ces fleurs dont la beauté est sitôt flétrie, elle les habille si superbement durant ce petit moment de leur être, que Salomon, dans toute sa gloire, n'a rien de comparable à cet ornement. Vous, hommes qu'il a faits à son image, qu'il a éclairés de sa connaissance, qu'il a appelés à sou royaume, pouvezvous croire qu'il vous oublie, et que vous soyez les seules de ses créatures sur lesquelles les yeux toujours vigilants de sa providence paternelle ne soient pas ouverts? Nonne vos magis pluris estis illis'? « N'êtes-vous pas beaucoup plus qu'eux? » Que s'il vous paraît quelque désordre, s'il vous semble que la récompense court trop lentement à la vertu, et que la peine ne poursuive pas d'assez près le vice, songez à l'éternité de ce premier être : ses desseins, formés et conçus dans le sein immense de cette immuable éternité, ne dépendent ni des années ni des siècles, qu'il voit passer devant lui comme des moments, et il faut la durée entière du monde pour développer tout à fait les ordres d'une sagesse si profonde; et nous, mortels misérables, nous voudrions, en nos jours Mat., VI, 26.

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