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ans, sa première station du carême à Paris, dans l'église des Minimes de la place Royale, et la seconde, l'année suivante, aux Carmélites de la rue Saint-Jacques; prêcha depuis en 1661, avec un succès extraordinaire, devant Louis XIV, l'avent au Louvre; en 1662, carême au Louvre; en 1665, le carême à Saint-Thomas du Louvre, où il était suivi par toute la cour; en 1666, le carème à SaintGermain-en-Laye, dans la chapelle du château; en 1668, le panégyrique de saint André, dans l'église des Carmélites de Paris, après la conversion de Turenne; en 1669, l'avent au Louvre, pour constater en présence de toute la cour ce même événement, si glorieux à l'ora teur et à la religion; enfin en 1681, le jour de Pâques, un sermon devant le roi, indépendamment des deux carêmes de 1663 à l'abbaye du Val-de-Grâce, et de 1668 dans la même église des Carmélites de la rue Saint-Jacques. Je garantis la certitude de toutes ces dates.

Ce grand orateur, dont le génie était si fécond qu'il débitait rarement les mêmes sermons deux fois dans les églises de Paris, n'en répéta jamais aucun dans ses fréquentes stations en présence du roi. Il obtint un si brillant succès à la cour, qu'après avoir entendu son premier carême, Louis XIV fit écrire au père du jeune, apôtre dont le génie opérait une révolution dans l'éloquence de la chaire, pour le féliciter de l'honneur que ce fils, déjà célèbre, ferait un jour à la France et à son siècle. Mais le bonheur d'admirer tant de chefs-d'œuvre avait été réservé aux seuls contemporains de Louis le Grand; et Bossuet, prédicateur, manquait presque entièrement à la religion comme à la littérature, puisqu'il ne nous restait de lui que deux discours de morale et ses oraisons funèbres, sans qu'on eût conservé la moindre trace de ses carêmes et de ses avents, auxquels il fut redevable de sa réputation et de sa fortune.

L'évêque de Meaux ne prononça et ne revit plus aucune de ses premières compositions, pendant les trente-cinq dernières années de sa vie. On ne l'entendit même plus prêcher à Paris que dans quelques occasions éclatantes et rares : il ne daigna jamais mettre ses sermons au net, et il avait coutume de dire qu'il ne les avait point écrits. Estce écrire en effet, que de jeter rapidement ses idées sur des feuilles volantes qu'on remplit ensuite de ratures, de renvois, de corrections et d'interlignes? Or, c'est dans cet état informe que les sermons de Bossuet, dont son neveu, évêque de Troyes, et M. le président de Chazot, ont été successivement dépositaires, sont enfin parvenus aux rédacteurs de la nouvelle édition.

A la mort de M. de Chazot, on trouva la plupart de ces feuilles confondues pêle-mêle sous un amas énorme de papiers de toute espèce, sans que personne s'y attendit, et vraisemblablement sans que le dernier héritier de la famille des Bossuet eût jamais soupçonné qu'il possédait un trésor si précieux, ou du moins sans qu'il eût ni le courage ni la curiosité de débrouiller ce chaos. Il fallait sans doute beaucoup de travail et de patience pour faire sortir de ces décombres des discours entiers, pleins, suivis, et qui avaient besoin, pour ainsi dire, d'être créés une seconde fois. Les originaux autographes en sont déposés à la Bibliothèque royale; mais je ne présume point qu'on y ait recours pour s'assurer de leur authenticité. Il n'est aucun écrivain supérieur dont on ne reconnaisse le style dans une page : souvent une seule phrase suffit pour déceler Bossuet.

C'est une opinion assez généralement reçue, sur la parole de Voltaire dans son troisième volume du Siècle de Louis XIV, que Bossuet, effrayé de la réputation de Bourdaloue, n'osa pas, malgré toute sa renommée, lutter contre ce jésuite célèbre, et que, ne pas sant plus alors pour le premier prédicateur de la nation, il aima mieux être le premier dans la controverse que le second dans la chaire. Je ne prononce pas encore entre les titres de ces deux immortels orateurs, mais j'examine un fait, et je vois que précisément à la même époque où l'évêque de Meaux prêcha son dernier avent à la cour en 1669, le P. Bourdaloue vint exercer pour la première fois à Paris le ministère de la parole, qu'il y remplit avec le plus grand éclat pendant trente-cinq années consécutives.

Bossuet et Bourdaloue, entre lesquels Voltaire suppose une pareille concurrence oratoire, n'ont donc jamais couru ensemble la carrière des grandes stations dans les chaires de la capitale. L'orateur jésuite était plus jeune de cinq années que l'évêque de Meaux, né en 1627; et ils moururent tous les deux à un mois de distance l'un de l'autre, en 1704. Mais quoiqu'il n'ait existé aucune rivalité, durant les épreuves des avents et des carêmes, entre ces deux illustres prédicateurs, le grand siècle eut souvent l'occasion de comparer leurs succès. Bourdaloue, arrivé à Paris en 1669, parut pour la première fois à la cour, où il prêcha l'avent de l'année 1670. Or, Bossuet était déjà nommé à l'évêché de Condom en 1669, lorsqu'il remplit, comme je l'ai déjà observé, sa dernière station de l'avent, en présence de Louis XIV, qui prenait sous le bras Turenne converti, en allant à l'église, vers la fin de la même année, pour y entendre ensemble Bossuet confirmer ou plutôt célébrer l'abjuration de son illustre néophyte, abjuration qui

avait été le résultat de ses écrits et de ses conférences avec ce grand homme.

Bossuet avait par conséquent renoncé aux stations de la chaire, avant que Bourdaloue en eût encore prêché aucune à Paris. Voltaire ne devait donc pas attribuer aux inquiétudes de la vanité, et bien moins encore à la prétendue humiliation de ce prélat, qui, selon lui, ne passait plus alors pour le premier prédicateur de la nation, la retraite forcée d'un orateur élevé dès lors à l'épiscopat vers la fin de sa quarante-deuxième année, et auquel les convenances ne permettaient même plus désormais d'exercer dans la capitale ce ministère sacré, qu'il était obligé de réserver à ses diocésains; car on n'a jamais vu aucun évêque titulaire prêcher habituellement des avents et des carêmes hors de son église.

Mais outre une raison d'un si grand poids, qui venait d'enlever Bossuet aux chaires de Paris, avant que le plus éloquent des orateurs jésuites y obtînt sa juste célébrité, d'autres fonctions de la plus haute importance absorbaient dès lors ses loisirs et son génie. En effet, dès cette même année 1670, qui fit connaitre pour la première fois Bourdaloue à la cour, son prétendu rival, Bossuet, avait été nommé précepteur du Dauphin, dont l'éducation, consacrée par le chef-d'œuvre de son instituteur, s'est liée depuis cette époque à l'instruction de tous les princes. Cette place importante, à laquelle il se consacra tout entier, était encore plus incompatible que l'épiscopat avec les stations ordinaires du ministère évangélique. Pourquoi donc Voltaire a-t-il l'injustice ou la légèreté de chercher dans l'amour-propre de Bossuet les motifs de son éloignement de la chaire, que des devoirs sacrés et publics l'avaient obligé d'abandonner, avant l'arrivée du prédicateur à jamais illustre qui se montra bientôt si digne de lui succéder dans cette carrière, où aucun grand talent n'avait précédé Bossuet en France, et, j'oserai le dire, où nul orateur n'a pu encore égaler son génie?

En discutant cette assertion hasardée par Voltaire, je me plais à rappeler en son honneur l'hommage mémorable qu'il avait rendu dans toute la maturité de son talent, et qu'il renouvela dans sa vieillesse, au génie oratoire de Bossuet, le seul homme éloquent, dit-il, parmi tant d'écrivains élégants.

Cependant, sans s'inquiéter jamais d'aucune concurrence ou d'aucune supériorité dans cette carrière, le grand Bossuet ne se refusait à aucune occasion de reparaître dans la tribune sacrée, depuis sa consécration épiscopale et son établissement à la cour, après s'être

démis, dès 1671, de son évêché de Condom. Mais il rappelait alors à ses auditeurs qu'il s'était rendu en quelque sorte étranger à ce saint ministère, après l'avoir, pour ainsi dire, créé auparavant avec tant de gloire. Ainsi, quand prêcha dans l'église des Carmélites de la rue Saint-Jacques, en 1675, pour la profession de madame de la Vallière, quoique sa dernière station à la cour ne fût encore éloignée que de six ans, il saisit l'à-propos pour dire : « Et moi, pour célébrer <«< ces nouveautés saintes, je romps un silence de tant d'années, je fais << entendre une voix que les chaires ne connaissent plus. » Le même souvenir et le même regret se présentèrent à son esprit six ans plus tard, lorsque, pour suppléer le prédicateur de la cour, qu'une maladie violente empêchait de finir son carême, Bossuet fut invité par Louis XIV à reparaître dans la chaire de Versailles, le jour de Pâques, en 1681. Reprendre la parole, dit-il dans son exorde, après tant d'années d'un perpétuel silence, etc.

Ce fut néanmoins au milieu de la vogue la plus éclatante de Bourdaloue, et en traitant quelquefois les mêmes sujets, comme, par exemple, l'éloge du grand Condé, que Bossuet, ne pouvant plus se charger des grandes stations, composa et prononça presque tous ses chefs-d'œuvre oratoires, l'oraison funèbre de madame Henriette, duchesse d'Orléans, en 1670; celle de la reine Marie-Thérèse en 1683; celle de la princesse Palatine en 1684; celle du chancelier le Tellier en 1685; celle du grand Condé en 1687; enfin en 1691, le 9 novembre, devant la plus illustre de nos assemblées du clergé, son magnifique sermon sur l'unité de l'Église.

Le dernier éditeur de Bossuet, dom Deforis, bénédictin, a supprimé, on ne sait pourquoi, le texte si heureusement adapté au sujet, et développé avec la plus sublime éloquence dans l'exorde de ce dernier discours : Quam pulchra tabernacula tua, Jacob, et tentoria tua, Israel! Cette étrange omission, que je n'ose caractériser comme elle le mériterait, se fait remarquer page 1, dans le 7o vol. in-4° de l'édition de Bossuet par ce religieux, imprimée chez Boudet, à Paris, en 1778. Le texte de la vision de Balaam y est suppri mé, et le discours commence par ces mots, qui en amènent le com. mentaire le plus oratoire : MESSEIGNEURS, c'est sans doute, etc. Je suis surpris que, depuis plus de trente ans qu'a paru ce volume, personne n'ait encore reproché à dom Deforis une pareille licence, dans laquelle on ne saurait voir peut-être une simple distraction.

La suppression d'un texte si frappant, si bien lié à la circonstance et à l'exorde qu'il inspire, me surprend d'autant plus, que le même

dom Deforis a porté la superstition d'éditeur, comme on le lui a crûment reproché, au point de ramasser, dans sa collection beaucoup trop volumineuse, jusqu'au linge sale de Bossuet, en publiant, sans aucun choix, des discours entièrement oubliés par l'auteur lui-même pendant la seconde moitié de sa vie, et totalement inconnus ensuite depuis sa mort. Cependant,cet excédant même, qu'un goût plus sûr et plus officieux aurait mis à l'écart, peut éclairer encore les jeunes orateurs sur la marche, les progrès, le secret de l'art oratoire, en suivant pas à pas le développement d'un si grand talent.

Ces sermons ont été les véritables esquisses de Bossuet, ses premières études oratoires, et forment, pour ainsi dire, un cours domestique de ses essais et de son goût. On voit d'où est parti et par où a passé ce grand génie, pour atteindre à la perfection. De même qu'un arbre vigoureux jette ses premiers rameaux avec surabondance, et, conservant toujours un égal principe de vie, quand sa séve se règle sans s'appauvrir, ne se couvre plus ensuite de feuilles et de fleurs que pour donner de plus beaux fruits, il a fallu que le talént sublime de Bossuet, trop fécond pour avoir d'abord toute sa mesure, c'est-à-dire toute sa force, toute sa véritable richesse et une beauté continue, fût ainsi exercé et épuré jusque vers sa quarantième année, pour parvenir à sa maturité et se montrer dans tout son éclat. Après ces premiers essais, Bossuet s'est toujours soutenu à la même bauteur, et n'a plus écrit que des chefs-d'œuvre. Les jeunes prédicateurs doivent donc étudier avec soin les premières productions de ce grand homme, comme les artistes vont suivre à Rome, par des comparaisons graduées, dans la série des dessins de Raphaël ou de Michel-Ange, la route de leur génie et le développement de leur goût.

Un autre genre d'intérêt attache à la lecture de ces sermons quand on connaît la vie de Bossuet. Ce fut uniquement à ses succès dans la chaire qu'il dut son élévation. Les deux reines Anne et MarieThérèse d'Autriche venaient l'entendre dans toutes les églises de Paris où il prêchait des stations, des vêtures religieuses, ou des panégyriques. Nous trouvons dans plusieurs de ses péroraisons les compliments toujours apostoliques et souvent éloquents qu'il adressait en même temps à ces deux princesses. Outre la grande vogue que leur présence attirait a l'orateur, elles ne cessaient de parler de lui avec la plus haute admiration à Louis XIV, qui, après l'avoir entendu à sa cour pendant cinq stations entières, le nomma évêque de Con

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