même fource un foule d'autres crimes, tels que font les faux témoignages, les testamens & autres actes fuppofés, les dénonciations des innocens, les empoifonnemens, & enfin les meurtres executés fi fecrettement qu'on ne trouvoit pas même les corps des malheureux pour leur donner la fépulture. Plufieurs de ces forfaits fe commettoient par la rufe, & un plus grand nombre encore par la violence. Ceux de la derniere efpece étoient couverts les hurlemens affectés des coupables, & par le bruit des cymbales & des tambours qui empêchoient qu'on n'entendit les cris de ceux ou de celles à qui on ôtoit ou l'honneur ou la vie.

par

*

Ces abominations pafferent de la Toscanne à Rome comme une maladie qui fe communique de proche en proche. La grandeur de la Ville les tint quelque-tems cachées, comme il arrive d'ordinaire. Mais enfin le Conful Poftumius en eût connoiffance de la maniere qui fuit. Pub. Ebutius fils.

* Qui croiroit les hommes capables de ces de fordres, fi de tems en tems, de nouvelles Sectes de même nature ne rendoient les anciennes vrai-femblables?

,

Ces defor

couvrent à

Romain

d'un Officier de Cavalerie ayant perdu fon pere, étoit refté, après la mort des tuteurs qu'on lui avoit nommés, fous la direction de fa mere Duronia, & de fon beau-pere T. Sempronius Rutilus, qui l'avoient fait élever. Cette Dame fe laiffoit gouverner par fon mari qu'elle aimoit : & ce beau-pere, qui avoit adminiftré les biens de fon dres fe dépupille de façon à ne pouvoir en ren- l'occafion dre compte, fongeoit ou à fe défaire d'un jeune de lui ou au moins à le mettre dans nommé Pub. une telle dépendance de fa volonté, Ebutius. qu'il ne pût jamais le troubler. Le moyen qui lui parût le plus propre pour le conduire à fon but, fut de faire initier Ebutius dans cette confrairie. -Sa femme à qui il avoit fait part de fon deffein, fit venir ce jeune homme, & lui dit que pendant qu'il avoit été malade, elle avoit promis aux Dieux qu'elle l'initieroit parmi les * Bacchantes, auffi-tôt qu'il auroit recouvré la fanté. Que puifque les Dieux avoient eu la bonté d'exaucer ses prie-res elle vouloit s'acquitter de fon

* Comme il n'y avoit d'abord que des femmes dans cette confrairie, on fe fert ici du mot de Bacchantes. Bacchus étoit apparemment le Dieu, dont le Grec se difoit Prêtre.

cenia,

vou, Qu'il falloit qu'il passât dix jours dans l'abstinence des femmes ; & qu'après ce terme elle le laveroit dans de l'eau pure, & le conduiroit dans le Sanctuaire du Dieu à qui elle l'avoit engagé. Il y avoit dans le voisinage de Duronia une courtisanne célébre, con- Hifpala Fe- nuë fous le nom d'Hifpala Fecenia. Elle étoit née avec des fentimens affez nobles: mais telle eft la force de l'habitude, que pour se foûtenir, elle continuoit depuis qu'elle avoit reçû la liberté, l'indigne métier qu'on lui avoit appris dès l'enfance & pendant son esclavage. Ebutius s'étoit engagé avec elle dans un commerce qui ne faifojt tort ni à fa réputation, ni à sa fortune. Car c'étoit elle qui l'avoit aimé la premiere, & qui avoit cherché à s'en faire aimer & par fa libéralité, elle le mettoit en état de faire une dépenfe que lui refufoit l'avarice de fon beau-pere & de fa mère même. Enfin la tendreffe qu'elle avoit pour ce jeune hom-me alla fi loin, que depuis la mort de fon Patron, n'ayant personne sous l'autorité de qui elle pût contracter légitimement, elle fe fit nommer un * tuteur

* Les femmes & les filles étoient toûjours mineures & ne pouvoient contracter que par l'autorité de leurs peres, freres, ou maris; ou à ce défaut, d'un tuteur nommé par le Préteur.

par le Préteur & les Tribuns, & par fon teftament inftitua Ebutius pour fon unique héritier.

Étant donc unis de maniere qu'ils n'avoient rien de fecret l'un pour l'autre, Ebutius dit en riant à Hifpala qu'elle ne fut pas étonnée, s'il paffoit quelques nuits fans coucher avec elle: que par une fuite du vou que fa mere avoit fait pour sa santé fa fanté, il vouloit fe faire initier dans les myfteres de Bacchus. Les Dieux vous en préfervent, s'écria Hifpala effrayée de ce difcours; & qu'ils nous envoyent plûtôt la mort à vous & à moi, que de permettre que vous executiés un deffein fi funefte. Et auffi-tôt elle commença à les conjurer de faire retomber fur ceux qui lui fa maîtreffe avoient donné ce confeil, les malheurs de fe faire dans lefquels ils avoient voulu le précipiter, Ebutius furpris du difcours, facrifices. & encore plus du trouble de fa maî treffe, lui dit pour l'appaifer, qu'il n'étoit pas befoin de faire des imprécations que c'étoit fa mere qui, dụ confentement de fon beau-pere, lui avoit ordonné de fe préparer à cette cérémonie. Votre beau-pere a donc deffein, lui repliqua-t'elle, (car je ne veux pas en foupçonner votre mere,)

Ebutius eft détourné par

initier dans

ces nouveaux

de vous faire perdre votre honneur, votre réputation, votre fortune & votre vie. Ebutius plus étonné qu'auparavant, lui ayant demandé de quoi il étoit donc question, elle commença à prier les Dieux & les Déeffes de lui pardonner, fi la tendreffe qu'elle avoit pour lui la forçoit à réveler des fecrets qu'elle auroit dû taire: » puis elle lui » avoüa qu'étant esclave elle avoit "accompagné fa maîtreffe à ces Myf» teres où elle ne s'étoit jamais trouvée » depuis qu'elle étoit libre: mais qu'el»le en avoit affez vû pour affûrer qu'il » n'y avoit forte d'infamies à laquelle » on ne fe livrât dans ces Affemblées » nocturnes; & qu'il étoit conftant » que depuis deux ans on n'y avoit » affocié perfonne qui ne fut au-def» fous de vingt ans. Que dès que quel» qu'un y avoit été introduit, on le » mettoit comme une victime entre les » mains des Prêtres, qui le condui» foient auffi-tôt dans un lieu à l'écart, » où les hurlemens, le chant des Mu»ficiens, & le bruit des Cymballes » des Tambours & autres Inftrumens » de Mufique, empêchoient qu'on ne » pût entendre les cris plaintifs de ceux ou de celles à qui on faifoit violence. » Qu'elle