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de & avoit paffé fa vie dans une trop grande élevation, pour s'abaiffer à la qualité de Suppliant, & foutenir le perfonnage d'accufé. Quand le jour où devoit fe continuer la procedure fut venu, & qu'on eût cité l'accufé, L. Scipion fon frere dit que la maladie l'avoit empêché de comparoître. Mais les Tribuns regarderent cette excufe comme une défaite. Ils prétendoient qu'il s'étoit abfenté pour ne pas plaider fa caufe par un effet du même orgueil qui l'avoit porté à laiffer-là le jugement, les Tribuns & l'Affemblée, pour entraîner par une espece de retraite,comme des prifonniers attachés à fon char de triomphe, ceux-là mêmes qui s'étoient affemblés pour le juger, en leur ôtant le droit & la liberté de donner leurs fuffrages. Puis s'adreffant à la multitude: Vous avez reçû, conti

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nuoient-ils, la jufte récompenfe de votre facilité. Vous nous avez aban» donnés pour le fuivre ; & voilà qu'il vous abandonne aujourd'hui vous» même. Comme votre courage s'affoiblit tous les jours avec votre li »berté ! Il y a dix-fept ans que vous envoyâtes en Sicile des Tribuns du Peuple accompagnés d'un Edile. pour fe faifir de Scipion & le rame

Gracchus prend le parti.

»ner à Rome, quoiqu'il fut actuelle, »ment à la tête de l'armée & de la » Flotte; & aujourd'hui qu'il n'eft » qu'un fimple particulier, vous n'o» fez l'envoyer prendre à fa maifon de » campagne, pour l'obliger à fubir le jugement qu'on doit rendre ici con»tre lui. » L. Scipion ayant imploré le fecours des autres Tribuns, ils rendirent un decret par lequel acceptant l'excufe de maladie qu'on alleguoit, ils ordonnoient à leurs Collégues de donner du tems à l'accufé, & de differer le jugement,"

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Tiberius Sempronius Gracchus en de Scipion nemi particulier de Scipion, étoit alors quoique fon au nombre des Tribuns du Peuple.

ennemi.

Ce Magiftrat ayant défendu qu'on mît fon nom dans le decret de fes Collégues, fembloit devoit être d'un fentiment plus trifte qu'aucun d'entre eux. Mais voici comme il opina contre l'opinion de tout le monde. » Puif» que L. Scipion apporte la maladie de fon frere pour excufe de fon abfence, je fuis content. Je ne fouffrirai pas qu'on procéde contre lui » avant fon retour; & alors même s'il "a recours à moi, je le défendrai contre fes accufateurs, Scipion, par la

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grandeur de fes exploits, & par les « honneurs où vous l'avez tant de fois « élevé,eft parvenu de l'aveu des hom- « mes & des Dieux, à un fi haut degré « de gloire, qu'il eft plus honteux pour «< le Peuple Romain que pour lui,qu'on «< le voye au bas de la Tribune aux Ha-«< rangues, en butte aux accufations «< & aux invectives d'une jeuneffe in- <<< difcrette. Quoi, Tribuns, continua- « t'il, pouvez-vous voir fous vos pieds « ce Scipion qui a dompté l'Afrique? « N'a-t'il donc défait & mis en fuite <<< les quatre Généraux les plus célébres « des Carthaginois & leurs quatre ar- « mées en Espagne; n'a-t'il fait Syphax prifonnier, n'a-t'il vaincu An- « nibal, n'a-t'il rendu Carthage tribu- « taire de Rome, n'a-t-il enfin forcé Antiochus, par une victoire que L. « Scipion fon frere n'a point refusé de « partager avec lui, à fe retirer au-de- «< là du Mont Taurus, que pour fuc- « comber à l'animofité des deux Peti- « lius & les voir triompher de lui ? « Quoi ! jamais la vertu ne trouvera- « t'elle ni dans fon propre mérite, ni « dans les honneurs où vous l'élevés, « une fortereffe, & pour ainfi dire, un « Sanctuaire, qui la mette au moins à « Tom. II. S

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»couvert de l'outrage & de l'injufti→ » ce fi elle n'y reçoit pas dans fa » vieilleffe, les hommages qui lui font » dûs? » Le decret de Gracchus, & le difcours qu'il y ajoûta fit impreffion fur toute l'Affemblée & fur les accufateurs mêmes. Ils repliquerent qu'ils feroient leurs réflexions fur cette affaire, & verroient ce qui conviendroit à leur devoir & à leur autorité; mais ils en demeurerent-là pour lors. Dès que le Peuple fe fut retiré, les Senateurs s'affemblerent; & tout l'ordre entier, furtout les Anciens & les Confulaires ren dirent à Gracchus de grandes actions de graces, de ce qu'il avoit fait céder. fes intérêts particuliers à l'honneur de la Republique. Les Petiliens au contraire furent accablés d'injures. On leur reprochoit d'avoir voulu opprimer la vertu pour rendre leur nom célébre, & d'avoir efperé triompher de Scipion l'Africain, & s'enrichir de fes dépouilles. Enfin cette affaire fut affoupie, & l'on n'en parla plus. Scipion paffa le refte de fa vie à Literne fans regretter Rome. On dit qu'étant prêt de mourir, pour priver une patrie incorps à Ro- grate de l'honneur de fes funerailles me, & or- il ordonna qu'on l'enterrât, & qu'on

Scipion dé

fend qu'on

porte fon

on lui éleve

lui élevât un tombeau dans ce lieu-la donne qu'amême. Quoique ce grand homme fe pres fa mort foit rendu recommandable dans toutes un tombeau à les parties qui font les héros, cepen- Literne. dant il excella dans la Guerre encore plus que dans la paix. La premiere Réflexions partie de fa vie fut plus mémorable fur la vie de que Scipion la derniere, parce qu'il paffa tout le tems de fa jeuneffe dans les camps & dans les armées; au lieu que dans fa vieilleffe il eût peu d'occafions de met. tre en œuvre les rares talens qu'il avoit reçûs de la nature. Qu'est-ce que fon fecond Confulat, en y joignant même fa cenfure, ajoûta à la gloire qu'il avoit acquife dans le premier ? Qu'ajoûta à l'éclat de fes premiers exploits fa Lieutenance d'Afie, renduë inutile par fa maladie, & défigurée par la pri fon de fon fils, & par la neceffité où il fut à fon retour ou de fubir un juge ment injufte, ou de l'éviter en abandonnant pour jamais des Citoyens ingrats? Au refte ce fut lui à qui demeu ra la gloire d'avoir terminé la Guerre de Carthage, la plus grande, la plus dangereufe & la plus célébré que les Romains ayent jamais eûë fur les bras.

La mort de l'Africain releva le courage de fes ennemis, dont le plus con

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