" » les uns & les autres autant de raisons » de craindre que d'efperer, nous vous » proposâmes des conditions que vous » refusâtes d'accepter ; & aujourd'hui » que nous fommes vainqueurs, pou»vant profiter de nos avantages, nous » nous en tenons cependant à ces mê> mes conditions. Abandonnez ce que » vous avez en Europe, & tout ce que » vous poffedez dans l'Afie en deça du » Mont Taurus; & pour les dépenfes "que vous nous avez occafionnées » dans cette Guerre, vous nous don» nerez quinze mille talens * Euboï"ques, cinq cens comptant, & deux » mille cinq cens quand le Sénat & le Peuple Romain auront ratifié la paix. » Vous payerez les douze mille autres » en douze payemens égaux d'année en » année. Il est jufte que vous rendiez » auffi à Eumenes quatre cens talens, » & le refte du bled qui étoit dû à fon » pere. Quand vous aurez accepté ces » conditions, afin que nous puiffions » compter fur leur execution * Le talent Euboïque valoit moins que le talent Attique. Celui-ci eft évalué à trois mille livres de notre argent. Le premier valoit un tiers moins, fc , vous lon quelques-uns ; & fuivant d'autres, il n'étoit au-deffous que d'environ quatre mines qu'on peut eftimer deux cens livres. , nous donnerez vingt ôtages à notre <<< choix. Mais le Peuple Romain ne « fera jamais affûré d'être en paix avec «<< un Prince qui garderoit Annibal à sa « Cour. Il faut que vous commenciez «< par nous le livrer auffi-bien que « Thoas l'auteur de cette Guerre, ce « broüillon qui vous a fait prendre les « armes, en vous exagérant la puissan- « ce des Etoliens, & qui a foulevé con- « tre nous les Etoliens, à force de leur «< vanter les armées & les Flottes que « vous deviez amener à leur fecours. <<< Vous nous remettrez encore entre <<< les mains Mnafilochus d'Acarnanie, « & Philon & Eubulidas de Chalcis. « Le Roi, pour avoir trop attendu, « conclura la paix à des conditions « moins avantageufes qu'il n'auroit «<< fait, s'il s'y étoit pris plûtôt. S'il « n'accepte pas celles-ci, il faut qu'il « fçache qu'il eft plus difficile d'ame- «< ner la Majefté des Rois du faîte au « milieu, que de la précipiter du mi- « lieu jufqu'en bas. » Les Ambassadeurs d'Antiochus avoient ordre d'en passer par tout ce qu'il plairoit aux Romains. Ainfi il ne fut plus queftion pour le Roi que d'envoyer des Ambaffadeurs à Rome. Le Conful diftribua fes trou pes dans les Villes de Magnefie fur le Méandre, de Tralles & d'Ephefe pour y paffer l'hyver. Quelques jours après on lui amena dans cette derniere les ôtages qu'il avoit demandés au Roi. Eumenes partit pour Rome en mêmetems que les Ambaffadeurs de ce Prince; & ils y furent fuivis par tous ceux - des differens peuples de l'Afie. Pendant que ces chofes fe paffoient en Afie, les deux Proconfuls Q. Minu cius, & Manius Acilius revinrent à Rome à peu près dans le même-tems, tous deux dans l'efperance de triompher, le premier des Liguriens, & l'autre des Etoliens, qu'ils avoient vaincus, Minucius fut refufé. Mais Acilius triompha d'Antiochus & des Etoliens, avec beaucoup de pompe & de magnificence, du confentement gé, néral du Sénat & du peuple. Il fit porter devant fon char deux cens trente étendards, quatre mille cinq cens marcs d'argent en maffe, près de huit mille marcs d'argent monnoyé, deux cens quarante-huit mille Ciftophores, & * On appelloit ainfi chez les Grecs certaines piéces de monnoye, fur lefquelles étoit empreinte la figure des Prêtres ou Mininres qui portoient fur leurs têtes les coffres * ou boëtes, où l'on renfermoit les chofes facrées qui fervoient aux facrifices de Cybele, de Bacchus & de Cerès; des mots Grecs κίςις, & φέρω. & une grande quantité de vafes d'argent * C'eft ce fameux Paul Emile qui défit dans la fuite Perfée fils de Philippe, & réduifit la Macédoine en Province du Peuple Romain, Ky Espagne, niens, avoit laiffé fix mille hommes fur la place, & ramené les autres tout tremblans dans leur camp qu'ils avoient eu beaucoup de peine à défendre, & dont ils s'étoient enfuis, en marchant à grandes journées, dans le païs de leurs Alliés. Il vint en mêmetems à Rome des députés de Plaifance & de Cremone, Colonies de Gaule qui ayant été introduits dans le Sénat, fe plaignirent du petit nombre de leurs habitans, dont les uns avoient été tués à la Guerre, les autres emportés par les maladies & quelques-uns même avoient abandonné le païs pour éviter les hoftilités des Gaulois de leur voifinage. Là-deffus le Sénat ordonna que le Conful C. Lelius leveroit, s'il le trouvoit bon, fix mille familles pour repeupler ces deux Colonies; & que le Préteur L. Auronculeius créeroit des Triomvirs qui feroient chargés d'aller les établir. Il choisit pour cette commiffion M. Atilius Serranus, L. Valerius Flaccus, & L. Valerius Tappus. Peu de tems après, comme on étoit à la veille de tenir les affemblées Confulaires, le Conful C. Lelius revint de Gaule, & non-feulement leva le nombre des citoyens que le Sénat, pendant |