morts qu'ils avoient accumulés, furtout au centre, ou les plus braves gens de l'armée ennemie avoient été arrêtés & par leur valeur & par la pefanteur de leurs armes, coururent dans le camp des vaincus pour le piller. Les cavaliers d'Eumenes les premiers, & enfuite tous ceux du Conful, fe mirent à poursuivre les ennemis dans la plaine, tuant tous ceux qui tomboient fous leurs mains. Mais ce qu'il y eut de plus pernicieux pour les fuyards, ce fut la rencontre des chars des éléphans & des chameaux. Car étant épars de tous côtés, & la plûpart renverfés par l'empreffement même qu'ils avoient d'échaper au vainqueur ils étoient écrasés fous les pieds de ces animaux ; & il en fut tué dans le camp encore plus que dans la bataille. Car ce fut-là que la fuite emporta le plus grand nombre des vaincus, & qu'ils combattirent avec le plus d'opiniâtreté fur le rempart, dans l'efperance d'être foutenus de ceux qu'on avoit laiffés pour le garder; enforte que les Romains qui s'étoient attendus à l'emporter du premier affaut, irrités d'avoir été fi long-tems arrêtés aux portes, pandirent beaucoup plus de fang qu'ils Tome 11. K ré n'auroient fait, quand une fois ils y fu rent entrés. * On dit qu'Antiochus perdit dans cette journée cinquante mille hommes de pied, & quatre mille cavaliers, & qu'on lui prit quatorze cens hommes & quinze éléphans avec leurs Gouver neurs. Il y eut plufieurs bleffés du côté des Romains; mais ils ne laifferent fur la place que trois cens hommes de pied, & vingt-quatre cavaliers. Eumenes ne perdit pas plus de vingt-cinq des fiens. Ce jour-là les vainqueurs allerent fe repofer dans leur camp, après avoir pillé celui des vaincus. Le lendemain ils dépouillerent les morts, & raffemblerent leurs prifonniers. Après un fi grand fuccès, le Conful reçût des Ambaffadeurs de Thyatire & de t Magnefie près de Sipyle, qui lui remirent ces deux Villes. Antiochus ayant pris la fuite avec quelques-uns des fiens en recueillit en chemin un 1 * Il y a bien des lecteurs à qui il ne paroîtra pas vrai-femblable qu'il ait été tué cinquantequatre mille hommes du côté d'Antiochus, & que les Romains avec leurs Alliés n'en ayent pas perdu en tout cinq cens, † Il y a dans la Theffa lie une contrée appellée Magnefie. Mais ici c'est une Ville près de Sipyle, non loin du lieu où Antiochus fut vaincu, qu'il place auffi fur le Meandre. plus grand nombre, & arriva vers le Il en vint en même-tems de Tralles, Les Villes d'Afie fe renmains. dent aux Ro paix par fes deurs. d'Elée, s'étant mis en chemin dès que fa fanté le lui avoit permis. Ce fut-là qu'un trompette d'Antiochus vint le prier d'obtenir du Conful fon frere que ce Prince pût lui envoyer des AmbasAntiochus fadeurs, à quoi il confentit. Quelques demande la jours après le Roi lui envoya Zeuxis Ambaffa- qui avoit été Gouverneur de Lydie, & Antipater fon neveu. Ils s'adrefferent d'abord à Eumenes qu'ils croyoient lé plus oppofé de tous à la paix, à cause des anciens démêlés qu'il avoit eûs avec Antiochus. Mais l'ayant trouvé plus traitable que ni eux ni le Roi ne l'avoient efperé, ils allerent trouver P. Scipion qui laefenta au Conful. Ce Général affembla tout fon Confeil pour leur donner audience; & lórfqu'on les y eût introduits, « Romains, » dit Zeuxis, fans chercher à nous juf»tifier, nous vous demandons fimple»ment ce que doit faire Antiochus, pour effacer la faute qu'il a faite » vous engager à l'oublier, & à lui » donner la paix. Vous avez toujours » pardonné avec une générofité fans exemple aux Peuples & aux Rois que ❞ vous aviez vaincus. Mais vous n'a» vez jamais dû témoigner plus de clé mence & de bonté qu'après cette 30 P. Scipion aux Ambassa deurs du Roi, avec les con victoire-ci, qui vous rend les maî- «‹ tres de l'univers. N'ayant plus rien à « démêler avec le refte des mortels, « après les avoir tous foumis, il eft « jufte qu'à l'exemple des Dieux,vous « ne leur faffiés fentir votre puiffance, «< que par le foin que vous prendrez de <<< les rendre heureux. » Avant que les Ambaffadeurs, arrivaffent, la réponse des Romains étoit déja toute prête. Pub. Scipion qui fut chargé de la faire, Réponse de leur parla en ces termes : « Nous te- « nons de la bonté des Dieux tout ce « qu'ils ont bien voulu foumettre à no- «ditions de tre puiffance. A l'égard de notre cou- « paix qu'il lui rage qui ne dépend que de nous, il « propofc. a toujours été le même, en quelque « fituation que nous nous foyons trou- « vés: & comme la mauvaise fortune « n'a jamais pû l'abattre, la profperité n'eft pas capable de l'enfler. Pour « prouver ce que je dis, fans parler de « tant d'autres Peuples ou Rois, je « vous apporterois l'exemple de votre « Annibal, fi je ne pouvois vous pro-« pofer le vôtre même. Quand nous « eûmes paffé l'Hellefpont, avant de « voir votre camp & votre armée,lorf-« que l'évenement de la Guerre étoit << encore incertain, & que nous avions « e |