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ARTICLE I

I.

Gennade

Antiquité du titre des Contestationes

Mais ce n'est pas la seule distinction qu'il y aurait à faire. J'en propose une autre, à titre de question préjudicielle, entre le texte des Contestationes et le nom même de Contestatio. C'est par celle-ci que je commencerai.

Puisqu'il s'agit de discuter le droit de préséance du Te Deum, voyons si l'antiquité supérieure des appellations ne confèrerait pas déjà des droits préférables à son concurrent, en attestant, par le fait même de l'existence des définitions de la chose, l'existence de la chose définie.

Sans doute on objectera que ce n'est pas sur Contestatio, mais sur Illatio que devrait porter l'enquête. Evidemment le mot Illatio semblerait toucher de plus près notre petit problème. Mais comme il n'en est pas question dans la littérature ecclésiastique avant S. Isidore (1), le renseignement ne nous serait, au cas présent, d'aucune ressource.

Aussi bien, et je prie que ceci ne passe pas inaperçu le Cui merito de l'Illatio mozarabe se trouvant à chaque instant dans les Contestationes gallicanes, peu importe, après tout, celui des deux termes (Illatio ou Contestatio) qui nous procurera le renseignement cherché.

Quelle est donc la date la plus ancienne à laquelle soit attesté l'usage liturgique du titre de Contestatio? Quels en sont les premiers témoins connus?

On s'attend bien à ce que Gennade soit appelé à déposer dans la cause, avec le témoignage - devenu classique qu'il rend du prêtre Musæus de Marseille, presque son contemporain :

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Composuit sacramentorum egregium et non parvum volumen per membra quidem pro opportunitate officiorum et temporum, pro lectionum textu psalmorumque serie et decantatione discretum: sed supplicandi Deo et CONTESTANDI beneficiorum ejus sodalitate sui consentaneum.

(1) De Ecclesiasticis officiis, lib. I, cap. xv. (Ed. AREV. tome VI, p. 380): « Quinta deinde infertur ILLATIO in sanctificatione oblationis, in qua etiam et ad Dei laudem terrestrium creaturarum virtutumque caelestium universitas provocatur, et Hosanna in excelsis cantatur.. » C'est dans ce même chapitre que S. Isidore affirme l'uniformité (bien relative) et l'antiquité des institutions liturgiques qu'il entreprend d'expliquer. Ordo autem Missae, dit-il, et orationum, quibus oblata Deo sacrificia consecrantur, primum a sancto Petro est institutus, cujus celebrationem uno eodemque modo universus peragit orbis. Prima earumdem orationum, etc. Le moins qu'on puisse dire après cela, c'est que l'Illatio n'était donc pas une nouveauté introduite par S. Isidore, ni par son frère S. Léandre, ni par les Wisigoths, et qu'on lui attribuait même une origine romaine, quoiqu'il en soit du nom de S. Pierre.

Ce n'est pas, il est vrai, très exactement le substantif contestatio que nous cherchons, mais il n'est pas douteux qu'en pareil endroit ce ne soit la contestatio que désigne le verbe contestari.

Mais ceci ne nous suffit pas. Avec Musæus nous ne sommes encore que dans la 2o moitié du Ve siècle. Il faudrait maintenant reculer à tout le moins d'une cinquantaine d'années et rencontrer une attestation datant de la fin du IVe siècle environ, pour nous trouver en dehors de l'influence possible de l'évêque de Remesiana. S. Paulin va peut-être nous la fournir, et cela, justement dans un Carmen dédié à S. Félix et à Nicétas. Ma citation paraîtra plus longue qu'il n'était nécessaire, mais on n'en surprendra que mieux la préoccupation liturgique qui inspire tout le passage et la portée, liturgique aussi, des expressions. Il s'agit du Carmen XXVII (Ed. Hartel, p. 262 et 264): « Item de nativitate sci felicis et de adventu nicete epi de dacia qui ad ipsius natalem occurrit. »

Sic
aeque divina feruntur munera Christi :
ut veneranda dies cunctis, qua virgine natus
45 pro cunctis hominem sumpsit deus, utque deinde,
qua puerum stella duce mystica dona ferentes
subpliciter videre magi, seu qua magis illum
Iordanis trepidans lavit tinguente Iohanne
sacrantem cunctas recreandis gentibus undas,
50 sive dies eadem magis illo sit sacra signo,

quo primum deus egit opus, cum flumine verso
permutavit aquas praedulcis nectare vini.
quid pascale epulum? nam certe iugiter omni
pascha die cunctis ecclesia praedicat oris

Noel.

Epiphanie.

Pâques.

II.

S. l'aulin

55 CONTESTANS domini mortem cruce, de cruce vitam cunctorum; tamen hoc magnae pietatis in omnes grande sacramentum praescripto mense quotannis totus ubique pari famulatu mundus adorat, aeternum celebrans redivivo corpore regem. 60 hoc sollemne dies sequitur (septem numeramus hebdomadas, et lux populis festiva recurrit), qua sanctus quondam caelo demissus ab alto spiritus ignito divisit lumine linguas... etc. Pas plus que dans Gennadius, ce n'est le mot lui-même, que nous donne le vers 55. de la liturgie Mais, du participe contestans au substantif contestatio la distance est nulle, on vient de le voir.

Pentecôte.

Si ce n'est pas le mot, ce doit donc être en tout cas la chose, étant donnés le contexte et l'emploi que fait S. Paulin d'un pareil mot, précisément dans l'énumération

III. CONTESTANS, terme archaïque

romaine

pour désigner la Preface 1o S. Paulin S. Augustin

Intérêt de la

question

des grandes solennités liturgiques (1). En pareille matière, on peut en croire Du Cange. Or Du Cange n'hésite pas à ranger cet exemple sous le nom liturgique Contestatio. Le passage suivant, qu'il emprunte à un manuscrit de la Bibliothèque De Thou, sans le désigner autrement, confirmerait formellement, si cela était nécessaire, son interprétation: « CONTESTATUR sacerdos fixam ac veram professionem populi, id est, GRATIAS referre Deo DIGNUM ESSE. » En Afrique, pays de rit romain, S. Augustin ne disait-il pas, dans le sermon 227: ... Et vos ADTESTAMINI Dignum et justum est, dicentes ut ei gratias agamus qui nos fecit sursum ad nostrum caput habere cor?

Cette constatation peut être intéressante à divers points de vue.

D'abord elle accréditerait pour sa petite part, l'opinion qui fait dépendre le système (1) Ce point acquis, S. Paulin nous aiderait encore à préciser la définition philologique du terme lui-même, en ce qu'il fournirait un trait d'union, pour ainsi dire, entre son sens classique et juri lique et l'extension que la langue ecclésiastique a fini par lui donner couramment, par exemple avec Gennadius, dans le passage cité plus haut.

Déjà, cependant, la locution, telle que S. Paulin l'adapte à la liturgie, nous éloigne assez du sens primitif et historique, pour qu'il y ait intérêt à se demander s'il s'agit d'une évolution historiquement insensible, ou bien d'une adaptation originelle, que certaines circonstances auraient, dès l'abord, comme imposée naturellement. Voici où je veux en venir. L'une des idées les plus familières aux chrétiens des trois premiers siècles avait dû être celle du témoignage qu'ils avaient à rendre de leur foi. Ils témoignaient par leur vie, comme ils témoignaient par leur mort. Ils témoignaient durant toute leur vie, dans tous leurs actes, mais, par excellence, devant les tribunaux les hommes et devant les autels de leur Dieu. Ces deux genres de témoignages éta ent toujours solennels. C était, devant les tribunaux, la déclaration solennelle, la contestatio juridique en quelque sorte, nous dirions presque encore en français, la protestation de leur foi S'en suit-il qu'au moment le plus solennel de la prière publique, ce témoignage collectif de l'assemble chrétienne réunie devant ses autels, ait pu recevoir, dès l'origine, et par assimilation, le nom de contestatio, c'est à dire le nom même qui, consacré juridiquement aux déclarations solennelles, publiques et faisant foi, lui convenait dès lors on ne peut mieux, et répondait si bien, d'ailleurs, à l'état d'àme de ces chrétiens, témoins perpétuels, témoins par définition, puisque c'est impliqué dans le nom que portent les martyrs et le monument lui-même de leur témoignage, μaptupía? Qui nous le prouvera? - Je trouve, dans une Expositio missae romanae, auctore anonymo, qui ante annos nongentos scripsisse videtur, publiée par Dom Martène, d'après un manuscrit ayant appartenu à S. Aubin d'Angers, (De Ant. Eccl Rit., lib. I, c. IV, art. XI. Ed. d'Anvers, 1736, tom. I, col. 448), une explication, timide il est vrai, du mot contestatio, mais qui, pour être moins lyrique que celle-ci, n'en est pas moins à retenir, et toutes deux, définitivement peuvent très bien se fondre en une seule: « DIGNUM ET JUSTUM EST... Post haec sacerdos jam de populi devotione securus, responsionem ejus VERISSIMA ATTESTATIONE confirmans, unde et sequens ORATIO (toujours l'ORATIO de S. Cyprien), nisi fallor, CONTESTATA in commune vocatur, mentem suam etiam ipse totam erigit sursum atque in his verbis excelso supplicat Deo: VERE dignum, etc. D'après cette explication, c'est de la réduplication impliquée dans VERE DIGNUM, et, plus précisément encore, c'est du mot VERE que dépendrait le vocable qui nous occupe, comme l'anaphore et l'Illatio dépendraient du mot sursum. La chose n'a rien d'improbable, mais ne serait-ce pas s'arrêter en chemin que de s'en tenir là? Le mot VERE lui-même n'avait-il pas un contenu qui lui était antérieur, et qui le dominait, qui le déterminait et que développait la Contestatio, et ce contenu n'était-il pas le sentiment profond du témoignage solennel à rendre à Dieu, tel que je viens d'essayer d'en dégager la signification symbolique et l'économie? Je crois, au surplus, que, pour être complète. l'explication devrait également viser non seulement le concert du prêtre et de l'assemblée, mais aussi le fait de la réunion des anges et des hommes dans le chant de l'hymne triomphal, in qua... ad Dei laudem terrestrium creaturarum virtutumque caelestium universitas provocatur comme vient de nous le dire S. Isidore.

Enfin l'explication du manuscrit d'Angers contribuerait à donner une raison d'être toute naturelle à l'emploi simultané des deux titres Praefatio et Contestatio, celui-ci réservé à désigner la prière eucharistique proprement dite, celui-là, limité à la préparation de cette prière.

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liturgique gallican d'une liturgie romaine autérieure à tout ce que nous connaissons aujourd'hui comme tel. Du moins le terme contestatio ne serait plus, si peu que ce soit une pierre d'achoppement; on ne pourrait plus y voir la caractéristique exclusive d'une tradition étrangère aux traditions romaines, puisque les Romains de la fin du IVe siècle n'auraient ignoré ni le nom ni la chose. Il va sans dire et c'est un autre aspect du même argument que du même coup nous y trouverions une nouvelle preuve de l'abandon, dans la sphère d'influence romaine la plus immédiate, d'une tradition liturgique perdue depuis si longtemps aujourd'hui qu'on ne l'y soupçonnait même pas.

Dans cette première période, le mot Contestatio, loin d'être un trait de gallicanisme, appartiendrait donc, tout d'abord, à l'usage romain, et c'est de Rome que la Gaule l'aurait reçu (1).

Concurrence

La concurrence d'un autre terme, celui de Praefatio, ne saurait faire difficulté dans Objection: l'espèce. Je ne pourrais, en ce moment, sous peine d'entraîner le lecteur dans une du mot trop longue digression, relever l'équivoque sur laquelle s'est établie la persuasion Praefatio erronée que S. Cyprien appelait, dès le IIIe siècle, Praefatio ce que nous appelons encore la Préface.

Je rejette à la fin de cet article le développement de mes observations à ce sujet. J'y établis que c'est par le mot oratio que, dans le passage si souvent allégué, S. Cyprien désigne la prière eucharistique, notre Préface, et qu'il réserve exclusivement au petit prologue dialogué le terme de Praefatio, bien mieux adapté, par le fait, à la préparation, c'est à dire au Sursum corda.

A quelle époque Praefatio a-t-il commencé d'être employé pour embrasser tout l'ensemble? Je distingue. En Afrique? On verra dans la note finale qu'au Ve siècle la terminologie de S. Augustin ne différait pas encore de celle de S. Cyprien. Peut-être même l'adtestamini de tout à l'heure laisse-t-il entrevoir Contestatio.

S'agit-il de la liturgie romaine? Voici deux hypothèses. Ou bien on s'était exprimé d'abord à Rome comme en Afrique: Praefatio, c'était le dialogue; Oratio, c'était la Préface. Puis, le premier de ces deux termes, Praefatio, finit par désigner le tout. Dès lors Contestatio ne serait donc qu'un intrus essayant de se substituer à la dénomination, devenue plus complexe, de Praefatio? La conséquence n'est pas nécessaire. Pourquoi ne dirait-on pas aussi bien et c'est l'autre hypothèse que Contestatio n'était ni plus ni moins ancien que la double dénomination africaine, et que ce mot continuait avec S. Paulin, et continua de se maintenir en face de

D

(1) Je laisse à penser, d'après cela, si j'ai pu lire sans suprise, dans un article d'ailleurs bienveillant, que c'est sur le seul indice de la différence entre les titres de Contestatio et de Praefatio qu'un ingénieux critique est parvenu à distinguer, dans le sacramentaire de Bobbio, deux couches liturgiques bien distinctes. L'aimable auteur de cette remarque, écrivant de mémoire et trahi par ses souvenirs, n'a pas pris garde que toutes les Préfaces du Bobiensis sont précisément sous la rubrique Contestatio, sauf une, qui porte le titre d'Immolatio missae. Ma distinction, sans être autrement ingénieuse, avait tout de même des fondements plus solides.

20

Praefatio, jusqu'au jour où, cédant aux envahissements successifs de cet accapareur, il en fut réduit à se dissimuler dans les rubriques de quelque Ordo papal, de quelques sacramentaires obstinément fidèles, malgré tout, aux appellations archaïques. En d'autres termes, est-il invraisemblable que la marche ait été celle-ci : D'abord, à l'origine, les deux termes sont employés concurremment, mais pour désigner respectivement deux choses différentes, savoir: celui de Praefatio, le petit prologue dialogué, Sursum corda, etc., celui de Contestatio, la prière eucharistique proprement dite, Vere dignum, etc. Plus tard, par extension, les deux termes continuèrent d'être employés concurremment, mais déjà le premier, Praefatio, devient équivoque en devenant synthétique, c'est à dire en embrassant la prière eucharistique elle-même. Et enfin le nom primitif de cette prière finit par céder entièrement le pas devant son concurrent plus heureux. Rien donc ne s'oppose à ce que nous admettions l'usage simultané des deux termes, même synonymes (par hypothèse), à Rome, au temps de S. Paulin. On pourrait citer bien des faits analogues.

Ne voyons-nous pas les documents gallicans user indifféremment des deux termes Contestatio et Immolatio missae? Est-ce que les sacramentaires et les missels romains eux-mêmes ne conservent pas, fort avant dans le moyen-âge, l'habitude d'appeler, dans un même volume, les mêmes oraisons tantôt secreta, tantôt super oblata? d'autres tantôt ad Complendum, tantôt ad Communionem, tantôt Post Communionem? Mais, y a-t-il trace d'une tradition romaine semblable en ce qui concerne Contestatio et Praefatio? Certainement, et les témoignages n'en manqueraient pas. Contestatio Je mets en première ligne celui du IX Ordre Romain de Mabillon, qui, lui du IXe siècle moins, ne saurait être pris pour un dernier écho de la liturgie gallicane. Il est difficile en effet d'être meilleur garant des traditions romaines qu'un ordo réglaut les cérémonies papales, et c'est le cas de celui-ci.

Persistance

du mot

jusqu'au

dans

la liturgie romaine

Pontifex vero ponet manum super caput ejus, et dicit unam orationem in modum collectae, alteram eo modulamine quo solet CONTESTATA canlari, et sedet pontifex in sella sua.

Il semble bien qu'au temps du pape Léon III (1) la liturgie papale conservait encore, au moins dans ses vieilles rubriques, ce vague souvenir d'une appellation, que toute une classe de sacramentaires plus ou moins gélasiens (dont je puis parler maintenant), le sacramentaire de Rheinau (2), par exemple, pour ne rien dire de celui de Gellone et d'autres bien connus, s'obstinaient à perpétuer, çà et là, sans y prendre garde.

(1) C'est la date que Mabillon suggère, à raison du passage suivant, concernant l'intronisation d'un pape Léon: Et accedunt patroni regionum uno incipiente ceteris respondentibus, in hunc modum canunt et laudem. DOMINUS LEO PAPA QUEM SANCTUS PETRUS ELEGIT IN SUA SEDE MULTIS ANNIS SEDERE.

(2) Ms. 30 de la Bibliothèque Cantonale de Zurich.

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