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toient, même dans les bras du fommeil. Il crut fe voir affis à fon théatre, environné d'un peuple innombrable, qui portoit fon nom jusqu'au ciel, & qui faifoit retentir l'air d'applaudiffemens redoublés. Il le voyoit, ce peuple (1), tel que dans ces beaux jours où il enleva fa faveur, lorfqu'à la fleur de fa jeuneffe, après avoir dompté l'Ibère & tous les peuples qu'avoit armés le rebelle Sertorius, après avoir foumis & calmé l'occident, il rentra victorieux dans Rome, & qu'auffi vénérable fous la robe blanche que s'il eût été revêtu de la pourpre, il parut, fimple chevalier, affis fur le char de triomphe, au milieu des acclamations du peuple & des applaudiffemens du Sénat. Telle étoit fon illufion foit que fon ante inquiète fur l'avenir fe rejetât fur le paffé, & cherchât dans fes jours heureux de quoi diffiper fes alarmes; foit que le fommeil, qui toujours enveloppe & déguife la vérité fous des apparences contraires, lui fît de la publitemple à Vénus victorieufe. Vénus victorieuse étoit le cri, ou le fignal de Céfar.

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que joie le préfage de la douleur; foit que, ne devant plus revoir ta patrie, ô Pompée, le fort voulût encore une fois te la montrer du moins en fonge. Vous qui veillez autour de lui, respectez fon fommeil; que la trompette ne frappe l'air d'aucun fon qui en interrompe le charme : le filence de la nuit prochaine fera cruel pour ce héros ; & le jour ne va lui offrir qu'une guerre affreuse & funeste. Hélas ! ce peuple qui le chérit, n'a pas même une nuit fi doucement trompeufe. Que ne peut-il auffi rêver qu'il le voit & qu'il le possède! ô Pompée, ce feroit pour Rome & pour toi un bienfait des Dieux qu'un feul jour, où, même affurés de votre ruine, vous puffiez vous donner l'un à l'autre un dernier gage de votre amour. Tu as quitté Rome, avec l'efpérance de venir mourir dans fon fein; & Rome, qui n'a jamais fait pour toi de vœux que le fort n'ait remplis, n'a pu penfer qu'il auroit la rigueur de lui envier jufqu'à tes cendres. Sur ton tombeau (2) les jeunes & les vieux, les enfans même auroient verfé des larmes ; les femmes ro

maines, les cheveux épars, se seroient déchiré le fein, comme aux funérailles de Brutus (a); & lors même qu'ils trembleront devant un injufte vainqueur, que ce foit Céfar en perfonne qui leur annonce ta mort, ils pleureront ; mais, hélas! en pleurant, ils porteront au capitole, & tes lauriers, & l'indigne encens qu'ils feront fumer devant lui.

L'aftre du jour (3) avoit donc effacé l'éclat des aftres de la nuit ; un murmure confus s'éleva dans le camp, & toute l'armée en tumulte, cédant à la fatalité qui entraînoit l'aveugle univers, demanda hautement le fignal du combat. Cette foule de malheureux, dont le plus grand nombre ne doit pas voir la fin du jour, environnent les tentes du Général, & enflammés d'une ardeur infenfée preffent l'heure fatale qui s'avance & qui leur apporte la mort. Une rage cruelle s'em

(a) Junius-Brutus, qui vengea Lucrèce, & chaffa les Tarquins. Les dames romaines portèrent son deuil douze mois.

pare des efprits: chacun veut voir décider fon fort & celui du monde. On accufe Pompée d'être lent & timide, & trop patient envers Céfar. On dit qu'il fe plaît à régner, qu'il aime à voir fous fes drapeaux tant de Nations raffemblées, qu'il craint la paix, & qu'il l'éloigne, comme le terme de fa puiffance (a). Les Rois, les peuples de l'Orient fe plaignent qu'on prolonge la guerre, & qu'on les retient loin de leur pays. O Dieux ! quand vous voulez nous perdre, vous difpofez tout de manière que notre malheur eft notre ouvrage, & devient notre crime: nous courons à notre ruine; nous cherchons les combats où nous devons périr. C'est dans le camp de Pompée (4) qu'on fait des voeux pour la bataille de Pharfale (b)!

(a) Et aucuns le piquoient en l'appelant Agamemnon, & le roi des rois.... Afranius alloit demandant pourquoi l'on ne combattoit pas ce marchand, que l'on difoit avoir acheté de lui la province d'Espagne. Plut. Vie de Jules-Céfar. (a) Omnes aut de honoribus fuis, aut de præ

Le plus éloquent des Romains, Tullius, qui, fous fon confulat, avoit fait trembler le fier Catilina devant la toge & les faisceaux, Tullius fut chargé de porter la parole. Plein d'averfion pour une guerre qui l'éloignoit de la Tribune, & impatient du long filence que lui impofoient les combats, il appuya de toute fon éloquence la témérité d'un mauvais deffein.

«La fortune (5), dit-il à Pompée, ne vous demande, pour prix de sa longue faveur, que de vouloir en ufer encore. Les Grands de Rome, les Rois de la terre, le Monde à vos pieds, nous vous conjurons tous de nous laiffer vaincre Céfar. Céfar eft-il fait pour tenir fi long-temps tout l'univers en alarmes ? Certes il est honteux pour les Nations, que Pompée, qui les a vaincues avec tant de rapidité, foit fi lent à vaincre avec elles. Qu'est de

miis pecuniæ, aut de perfequendis inimicis agebant; nec quibus rationibus fuperare possent, fed quemadmodum uti victoriâ deberent, cogitabant. Cæf. de bell. civ. lib. 3.

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