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ment pour se consoler dans les persécutions qu'on leur suscitait, pour s'animer à la sainteté, pour s'exciter à la persévérance, et pour se communiquer ce qui se passait de plus édifiant dans chacune. Aussi pouvait-on dire des fidèles du Japon ce que saint Luc rapporte des premiers chrétiens, qu'ils n'avaient tous qu'un cœur et qu'une âme1.

Rien de plus touchant que les marques de charité qu'ils se donnaient, et rien de plus propre à montrer la perpétuité de l'esprit catholique. Il n'arrivait aucun chrétien d'une autre église, qu'on n'envoyât quelqu'un pour le recevoir, quand on était averti de sa venue. L'église était toujours le lieu où on le conduisait d'abord, et jamais on ne le laissait aller à l'auberge tout l'embarras de ces voyageurs était de se déterminer entre tous ceux qui voulaient les posséder 2. Comme celle des premiers chrétiens, la charité des fidèles du Japon s'étendait aux idolâtres eux-mêmes. Des hôpitaux furent fondés, l'un pour recueillir les enfants exposés, l'autre pour soigner les lépreux, dont le nombre était très-considérable, et qui étaient complètement abandonnés 3.

Mais, comme le foyer agité par le vent lance vers le ciel des flammes plus brillantes et plus

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Charlevoix, t. I, liv. 11, p. 265. 2 Ibid. p. 267.'Ibid. p. 225.

vives, ainsi les vertus héroïques, dont les Japonais étaient redevables au christianisme, ne brillèrent jamais avec plus d'éclat qu'aux jours orageux des persécutions. Arrêtons un instant nos regards sur le spectacle de tout un peuple se préparant à la mort, comme on se prépare ailleurs à un festin de noces. Contemplons ces milliers de martyrs de tout rang, de tout sexe et de tout âge, montrant, sur les croix sanglantes où ils sont cloués, la noble assurance du triomphateur assis sur son char. Peut-il être pour vous, dont la foi s'éteint dans la matière, léthargiques chrétiens d'Europe, un aiguillon plus sensible? et pour vous, qui avez cessé de croire au christianisme, est-il une preuve plus éclatante de sa divinité? A d'autres plus heureux de raconter, dans des volu-. mes entiers, des faits que notre tâche nous oblige à redire en quelques lignes.

Lors donc qu'on entendit retentir la nouvelle de la prochaine persécution, vous eussiez vu tous ces chrétiens, nés d'hier, devenir tout à coup des héros semblables à celui que l'Écriture appelle en même temps le Lion de la tribu de Juda et l'Agneau de Dieu. Quelques traits feront juger de la ressemblance.

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Un seigneur fort riche et fort puissant, baptisé depuis très-peu de temps, fit publier dans ses terres qu'il punirait sévèrement quiconque étant interrogé par ordre de l'empereur, si son maître était chrétien, dissimulerait la vérité. Un autre, appréhendant qu'on n'osât point venir chez lui pour se saisir de sa personne, alla sans suite avec son épouse, le père conduisant un petit garçon de dix ans, et la mère portant entre ses bras une petite fille, qui ne pouvait encore marcher, se présenter au gouverneur de Méaco. Un parent de Tayco-sama, à qui ce prince avait donné trois royaumes, alla s'enfermer dans la prison des missionnaires, pour ne pas perdre l'occasion de mourir avec eux. On trouva un jour la reine de Tango, si célèbre par sa conversion et ses souffrances, qui travaillait elle-même avec ses filles à se faire des habits magnifiques, pour paraître avec plus de pompe au jour de leur triomphe, ainsi qu'elles s'exprimaient.

Partout on ne rencontrait que gens de tous les ordres, uniquement attentifs à ne pas laisser

échapper le moment favorable de confesser JésusChrist devant les officiers de l'empereur. Les femmes de qualité se réunissaient dans la maison où elles croyaient pouvoir être plus aisément découvertes, et il y eut à Méaco une jeune dame qui pria ses amies, si elles la voyaient trembler ou reculer, de la traîner par force au lieu du supplice. En un mot, les moyens de se procurer le bonheur du martyre étaient la grande occupation des fidèles de tout âge, de tout sexe et de toute condition. Souvent la seule vue de la joie et de la tranquillité qu'ils faisaient paraître en se préparant à la mort, inspirait les mêmes sentiments et la même ardeur à ceux en qui la grâce n'avait pas opéré d'abord si puissamment. Nous n'en rapporterons qu'un seul exemple qui pourra faire juger dans quelle disposition se trouvait alors toute cette admirable chrétienté.

Un seigneur de Bungo, nommé André, ayant appris qu'on dressait la liste des martyrs, témoigna une joie dont il ne fut pas le maître. Il dit publiquement qu'on ne pourrait lui disputer l'honneur d'y être inscrit des premiers. On fit ce qu'il souhaitait, et il travailla ensuite à procurer le même bonheur à toute sa famille. Il avait encore son père, qui était âgé de quatre-vingts ans, et qui n'était baptisé que depuis six mois. Il craignait que ce vieillard, qui, dans un âge si avancé,

conservait toute la vigueur de la jeunesse, et qui avait passé toute sa vie pour un des plus braves guerriers du Japon, n'eût pas encore bien connu le prix et la véritable grandeur de la douceur et de l'humilité chrétienne, si on se mettait en devoir de l'arrêter. Il crut donc que le plus sûr était de l'engager à se retirer dans quelque maison à campagne, où l'on ne s'aviserait pas de l'aller chercher.

la

Il va le trouver et lui demande s'il est bien instruit et bien persuadé qu'il ne peut rien arriver de plus glorieux à un chrétien que de mourir pour son Dieu : « Oui, mon fils, je le sais, et s'il est beau de mourir pour son prince, à plus forte raison l'est-il de mourir pour son Dieu, et pour un Dieu qui, le premier, a donné tout son sang pour nous. Mais, mon père, reprit André, il y a ici une différence que vous ne connaissez peut-être pas encore: quand on meurt pour Dieu, il faut recevoir la mort sans se mettre en défense. Sans se mettre en défense! reprend le vieillard, tout en colère, et se laisser massacrer comme un lâche! Mon fils, il faut aller débiter ces maximes à d'autres. Je prétends bien me défendre et défendre les Pères qui nous ont instruits. Aussitôt il tire son sabre, et le tenant nu à la main : « Allons, dit-il, chez nos maîtres; si les soldats approchent pour leur faire la moindre in

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