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Coup d'œil rétrospectif

Trois grands principes sont les colonnes fondamentales de l'Église protestante: 1o La Parole de Dieu, dans l'Écriture sainte, est la source unique et le fondement de la foi et de la vie chrétienne. De là le nom d'Église évangélique, car l'Église catholique admet encore à côté de l'Évangile d'autres autorités. Mais, comme le texte biblique a été interprété de diverses manières, et que les partis en ont abusé pour le faire servir à leur but, l'Église protestante posa pour 2e article fondamental de sa doctrine, la justification par la foi, comme elle se trouve principalement exprimée dans les écrits de l'apôtre saint PAUL. Mais, afin que l'explication de la Bible demeure libre, et que la doctrine de la justification par la foi ne soit pas interprétée d'une manière antibiblique, dans le sens, par exemple, d'une puissance ecclésiastique ou séculière quelconque, l'Église évangélique posa comme 3e principe fondamental, que, dans les choses de religion ou de conscience, aucune majorité et aucune autorité humaine ne doivent prévaloir; mais seulement la conviction personnelle et consciencieuse, fondée sur la sainte Écriture. A la vérité, les réformateurs ne reconnurent pas bien toute la portée d'un pareil principe; aussi fut-il d'abord dirigé seulement contre la papauté, contre l'autorité des conciles et contre les traditions humaines, en même temps que contre les funestes décisions des diètes impériales; néanmoins, il servit de base à tout le travail de la réformation; et, comme l'Église évangélique est appelée, pour ce motif même, Église protestante, il a été maintenu plus tard comme un de ses articles fondamentaux.

Mais ces trois principes doivent être placés et compris dans une étroite liaison de l'un avec l'autre, car l'un reçoit de l'autre sa détermination spéciale et son explication. Faire prévaloir l'un sur l'autre, établir uniquement la doctrine de la justification par la foi, comme le fondement de l'Église évangélique, ainsi que le font de zélés orthodoxes, ou en appeler seulement à la protestation contre toute auto · rité humaine, comme le font ceux qui mettent leur force dans la négation, c'est méconnaître ou ignorer la nature de notre Église.

Ce n'est pas seulement dans le domaine religieux, que le protestantisme a eu d'immenses conséquences, il a aussi complétement changé le point de vue sous lequel on envisageait le monde. Grâces à lui, l'on en considère l'histoire d'une manière toute différente, et son influence, sur tout ce qui se rattache aux arts et aux sciences, ne peut être méconnue. Le catholicisme, il est vrai, fournit à l'art plus de sujets et plus d'attraits; mais le protestantisme a assez de liberté pour entrer dans les idées catholiques, sous le rapport de l'art; et, quant à la poésie, elle fleurit dans toute sa beauté à la pure lumière de la connaissance et de la liberté spirituelle; aussi les poëtes du monde protestant, Shakspeare, Milton, Schiller et Goëthe soutiennent-ils fort bien la comparaison avec les poëtes catholiques de tous les temps.

Le protestantisme a surtout fourni un puissant levier à la culture des sciences et à l'éducation du peuple. L'interprétation savante de l'Écriture d'après les textes originaux, les preuves scientifiques de la doctrine, et l'étude de l'histoire, sont demeurées un des principaux objets de la civilisation protestante, soit pour fonder et justifier ses enseignements, soit pour combattre ceux qui lui sont opposés. L'esprit de recherche, favorisé par cette liberté

que réclame et qu'entretient le protestantisme, put aspirer à pénétrer les profondeurs et les hauteurs de la pensée. Aussi la philosophie fut-elle cultivée préférablement sur le terrain du protestantisme. Les ecclésiastiques durent trouver dans l'Écriture le fondement comme le contenu de leur foi et de leurs enseignements; la langue du pays fut introduite dans le service divin, et la prédication en devint la partie essentielle. On dut, en conséquence, pourvoir à la création d'écoles propres à former des savants, et veiller surtout à donner une éducation scientifique et solide aux ecclésiastiques. Le peuple dut prendre une part active au service divin et au chant de l'Église, nourrir et fortifier sa foi, et s'édifier avec la Bible même; il dut alors, avant tout, apprendre à lire, à chanter et å comprendre la Parole de Dieu. Aussi des écoles pour le peuple furent-elles nécessaires et établies dans un nombre tel, qu'il n'en avait pas encore existé auparavant, et il n'était pas seulement de première importance d'y enseigner la lecture, la religion et d'initier à la vie de l'Église, mais on dut même s'y occuper de ces objets presque exclusivement. Luther reconnut bientôt la nécessité d'une éducation chrétienne pour l'enfance, et le besoin qu'on avait d'écoles. En 1524, il publia son écrit adressé aux conseillers de toutes les villes d'Allemagne, afin qu'ils établissent et entretiennent des écoles chrétiennes, et dans un grand nombre de ses prédications, de ses lettres et de ses explications de la Bible, il s'adresse aux parents, aux autorités et aux instituteurs, et leur fait sentir l'importance de l'éducation et de l'instruction de la jeunesse. Il insiste pour que les particuliers soient forcés, quelle que soit leur fortune, d'entretenir les écoles, et, de plus, pour qu'on emploie les biens des couvents à ce but. Tandis que Luther s'occupait ainsi du soin des âmes parmi son peuple, et

c'est, en effet, sous ce point de vue qu'il faut envisager son activité pour les écoles, Mélanchthon, de son côté, était le savant instituteur du peuple allemand, surtout de la jeunesse studieuse; et, par l'établissement de maintes écoles, par ses manuels pour diverses branches d'enseignement, par le soin qu'il mit à former pour l'avenir de bons instituteurs, il mérita d'être lui-même appelé le premier instituteur de l'Allemagne. Les autres réformateurs aussi s'occupèrent de l'instruction de la jeunesse; des gouvernements protestants et des particuliers suivirent les inspirations de l'Église et leurs propres convictions, en établissant des écoles de tous genres; et, quoique cela ait eu pour effet d'éveiller même une honorable émulation dans les pays catholiques, néanmoins la marche de l'instruction primaire chez les protestants est encore maintenant plus développée que chez les catholiques, et les sciences qui se rapportent immédiatement à la pensée et à la vie spirituelle, sont principalement redevables de leurs progrès à l'esprit de recherche du protestantisme.

Le mariage même, accordé librement aux ecclésiastiques, eut aussi une très-heureuse influence sur l'éducation des peuples protestants; car les enfants appartenant aux ecclésiastiques répandirent ailleurs l'instruction, et les fils de pasteurs se vouèrent principalement à la prédication, à l'enseignement et aux emplois civils.

Quant à l'influence puissante et variée de la réformation sur les différents États, disons seulement qu'elle a changé les rapports de l'Église à leur égard, et a essentiellement contribué à donner une autre position à l'Église catholique vis-à-vis des États qui lui sont demeurés fidèles. Si le principe de l'équilibre des États prit la place de cette politique du moyen âge, dont la papauté était le centre et le sommet, on peut dire à juste titre que ce fut la consé

quence de la réformation. Ses adversaires, néanmoins, ne se sont point lassés de lui adresser des reproches. Avant tout, on l'accuse d'avoir divisé la chrétienté, et d'avoir détruit l'unité de l'empire d'Allemagne et des différentes nations. La division existe, à la vérité, et bien des contrées ont encore à en supporter les funestes conséquences'; mais ceux qu'il faut accuser, ce ne sont pas ceux qui ont creusé au progrès des idées, au développement des esprits, un lit où ils peuvent couler d'une manière paisible; ce sont ceux qui se sont abusés au point de penser arrêter le cours naturel des choses, la marche progressive de l'esprit humain, ou de vouloir le faire rétrograder. Pourquoi laissa-t-on subsister, durant des siècles, les abus les plus criants? pourquoi les plaintes les plus vives des princes et des peuples ne furentelles point écoutées? pourquoi ne satisfit-on pas aux exigences de la science et de la civilisation, au désir ardent qu'avaient les âmes nobles et généreuses d'une foi et d'un culte conformes à l'Évangile? Dès que le principe électif fut établi pour la nomination du prince, il y eut dans l'empire d'Allemagne une source de discordes, et déjà, du temps de la réformation, la division était plus grande que l'unité. Les princes catholiques non moins que les protestants, ont ébranlé l'unité de l'empire d'Allemagne, et se sont ligués contre l'empereur et ses États, dès que leurs intérêts particuliers semblaient devoir y gagner.

On a encore reproché aux princes et aux États protestants d'avoir surtout favorisé la réformation par avidité et par désir d'augmenter leur territoire. en attirant à eux les grandes possessions des églises et des cloîtres. On ne peut

'Nous avons cru pouvoir appliquer à différents peuples ce que l'auteur dit exclusivement ici du peuple allemand. (Note du trad.)

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