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Encore la réformation en Suisse. Calvin

L'issue de la bataille de Cappel avait, il est vrai, empêché la réformation de s'étendre davantage dans la Suisse allemande (voy. § 131); mais elle fut d'autant plus heureuse dans les cantons français, où GUILLAUME FAREL († en 1565) et PIERRE VIRET († en 1571) déployèrent leur activité. En 1530, elle fut introduite à Neuchâtel; en 1535, à Genève, et, en 1536, dans le pays de Vaud. Genève, en particulier, devint la pépinière de la réforme dans les pays de langue française, car ce fut là que JEAN CALVIN déploya surtout son immense activité; et il doit, encore mieux que Zwingli, être considéré comme le fondateur de l'œuvre pour ces contrées. Il naquit en 1509, à Noyon, en Picardie, de parents pauvres; destiné de bonne heure à l'état ecclésiastique, ses dispositions et son application remarquables lui acquirent de puissants protecteurs et de généreux appuis. Des doutes le conduisirent cependant de la théologie à la jurisprudence, jusqu'à ce qu'après de sérieuses recherches dans la Bible, il fut, par les principes de la réformation, de nouveau gagné à sa cause. En effet, à Paris même, les docteurs évangéliques n'étaient pas demeurés inconnus; et, pendant le séjour qu'il y fit, Calvin s'était prononcé pour eux. Mais FRANÇOIS Ier persécuta avec rigueur les sectateurs de la nouvelle doctrine, et Calvin fut forcé de fuir pour mettre ses jours en sûreté. Dans ses voyages, il se rendit à Bâle, où il publia, en 1535, son Institution de la religion chrétienne, ouvrage profondément pensé, et où les conséquences sont déduites de la manière la plus rigoureuse des principes posés; il

embrassa dans cet ouvrage l'ensemble de la doctrine chrétienne, et se proposa de justifier ainsi la réformation aux yeux de la France. De Bâle, il partit pour l'Italie, et, à son retour à Genève, en 1536, il fut déterminé par Farel à y établir sa demeure. Dès lors, Calvin exerça l'influence la plus prononcée sur l'organisation de l'Église de Genève, et par elle aussi sur celles d'autres contrées; il travailla avec un zèle infatigable et un heureux succès, jusqu'à ce que la mort vint l'enlever, en 1564, à l'âge de 55 ans. C'était un homme d'une haute intelligence et d'une grande énergie, sévère envers lui-même et envers les autres, impérieux et dominateur, mais seulement pour le bien général, penseur profond et pénétrant, et doué d'une profonde érudition. Si MICHEL SERVET, natif d'Aragon, qui s'était réfugié à Genève, y fut, en 1553, brûlé vif pour avoir nié la doctrine de la Trinité, cela eut lieu surtout par l'influence de Calvin; et cela nous prouve qu'avec toute sa grandeur d'âme, il n'était pas exempt de la haine théologique et persécutrice de son temps.

De la doctrine d'Augustin sur le péché originel et sur l'élection de grâce (v. §45), Calvin déduisit, avec la plus étroite logique, l'entière corruption de l'homme, la suppression du libre arbitre par cette souillure héréditaire, et de là il déduisit naturellement encore une prédestination divine absolue, au salut éternel comme à la condamnation. Dans la doctrine de la Cène, il avait pris une sorte de milieu entre Luther et Zwingli; et, ce que ces réformateurs semblaient comprendre d'une manière trop matérielle, il s'efforçait de le présenter à un point de vue purement spirituel. Conformément à cela, il enseignait que le fidèle goûte, réellement, il est vrai, mais d'une manière spirituelle, le corps de Jésus-Christ élevé à la droite de Dieu, et parvient ainsi à une communion vivante et spirituelle

avec le Sauveur. D'ailleurs il introduisit une discipline sévère, soit pour l'Église, soit pour les mœurs; puis il donna à l'Église la constitution presbytérienne, où le pouvoir ecclésiastique réside dans l'ensemble de la communauté; celle-ci choisit, pour la représenter et la diriger, le conseil presbytéral, et les affaires ecclésiastiques de tout un pays sont réglées par des consistoires et par des synodes. Contemporain et successeur de Calvin, étroitement lié avec ce réformateur, par ses fonctions et par ses tendances, THÉODORE DE BÈZE, né en 1519 et mort en 1605, exerça, comme ecclésiastique et comme savant, une activité qui s'étendit fort au loin. La réformation de Genève fut accomplie par ces deux hommes, et ce furent surtout les Ordonnances établies par Calvin qui firent que Genève, pendant deux siècles, put prétendre à la gloire d'être une ville où l'on trouvait à la fois la légalité la plus sévère et la liberté la plus heureuse, un gouvernement pauvre et de riches citoyens, du superflu et de la modération, des mœurs pures et la société la plus polie. Calvin eut aussi le mérite de fonder, en 1558, une académie genevoise, qui devint la pépinière des hommes les plus distingués de l'Église réformée de France. Mais ce ne fut pas seulement à Genève, ce fut encore beaucoup plus loin que s'étendit son influence; ce qui en fut principalement la cause, c'est que Genève devint le refuge de ceux qui étaient chassés d'un grand nombre de pays, à cause de leur attachement à la réforme. La constitution presbytérienne fut introduite dans la Suisse française réformée; les Pays-Bas et l'Écosse suivirent l'exemple de l'Église de Genève, et les enseignements de Calvin sur la Cène et sur l'élection gratuite absolue, furent admis par la plupart des Églises réformées, et considérés comme des articles de foi fondamentaux.

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Progrès de l'Église réformée en Allemagne

De même que, peu de temps après la première apparition de Zwingli, ses enseignements avaient bientôt trouvé accès dans quelques contrées de l'Allemagne où l'on s'était prononcé pour la réforme, il y eut presque partout dans ce pays, durant les derniers temps du xvre siècle et au commencement du XVIIe, à côté d'un rigide luthéranisme, un parti qui penchait pour le calvinisme; et plusieurs princes, jusque-là luthériens, introduisirent les doctrines calvinistes dans leurs États. Ainsi agit dans le Palatinat l'électeur FRÉDÉRIC III', par l'ordre duquel URSIN et OLEVIAN rédigèrent le catéchisme d'Heidelberg, qui fut adopté par les réformés allemands comme confession de foi, et reçu de même dans divers pays étrangers. Son fils Louis VI rétablit, à la vérité, le lutheranisme, mais bientôt le comte palatin JEAN CASIMIR, tuteur de FRÉdéric IV, fit prévaloir le calvinisme dans le Palatinat d'une manière durable 2. La doctrine réformée s'établit aussi dans les duchés d'Anhalt, de Bernbourg, de Dessau et de Koethen, tandis que, dans celui d'Anhalt-Zerbst, l'exercice de la religion luthérienne fut rétabli dès 1644. La doctrine réformée pénétra encore, dans le xvIe siècle, à Nassau, à Isenbourg et dans une grande partie du territoire de Brême. Le landgrave de Hesse-Cassel MAURICE LE SAVANT, ayant inutilement tenté de réunir les Églises luthérienne et réformée, donna à l'Église de son pays un caractère qui se rapprochait de l'Église calviniste; il supprima plu

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sieurs usages de l'Église catholique qui avaient été conservés, fit partager les dix commandements à la manière du catéchisme d'Heidelberg, introduisit l'acte de rompre le pain dans la Cène, et choisit, pour exprimer la doctrine de Luther sur ce sacrement, un terme qui était susceptible d'une interprétation calviniste. Mais, comme il ne parvenait pas à son but sans contrainte et sans violence, il provoqua la fondation, en 1601, de l'université de Giessen, et le débat de Marbourg sur la succession qu'il disputait à la ligne de Darmstadt, qui était fermement attachée à la doctrine luthérienne. JEAN SIGISMOND, électeur de Brandebourg, se décida aussi, en 1613, pour la doctrine réformée; néanmoins il ne contraignit pas ses sujets à suivre son exemple; mais il accorda les mêmes droits aux partisans des deux confessions.

Malgré cela, l'Église luthérienne demeura de beaucoup dominante en Allemagne ; et quoique les réformés, en tant que reconnaissant la confession d'Augsbourg modifiée en 1540, revendiquassent aussi pour eux les droits de la paix religieuse, cependant ils n'obtinrent qu'à la paix de Westphalie une existence légale dans l'empire d'Allemagne.

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Luthéranisme et cryptocalvinisme. Direction
de l'Église en Allemagne

Après que l'Église évangélique eut obtenu une existence assurée par la paix religieuse d'Augsbourg, les oppositions et les divisions qui existaient déjà auparavant dans son sein, se manifestèrent d'une manière plus déterminée et plus prononcée, et elles affaiblirent même sa considéra

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