Obrazy na stronie
PDF
ePub

chasse, mais il n'y trouvait aucun plaisir, car le grand ouvrage qu'il avait commencé l'occupait partout. Un jour, portant une longue barbe et de longs cheveux, et revêtu d'une cuirasse de fer, de manière qu'on pouvait à peine le reconnaître, il se hasardait à aller à Wittenberg. Souvent il était assiégé par de sombres pensées; aussi souffrait-il corporellement. Mais la solitude du château le portait aussi au recueillement, et l'amenait à une connaissance plus profonde des vérités chrétiennes du salut. Bientôt Luther fit connaitre, de la Wartbourg, qu'il vivait encore, par des écrits qui convainquirent amis et ennemis. Mais son séjour à la Wartbourg est devenu surtout important parce que ce fut là qu'il conçut la grande pensée de traduire, d'après les textes originaux, la Bible en allemand. Il commença par le Nouveau Testament, dont la traduction parut dès 1522; puis suivirent quelques livres de l'Ancien Testament, et, en 1534, il put enfin faire paraître sa traduction entière de la Bible. Il eut pour cela des difficultés extraordinaires à surmonter; mais cette traduction réussit si bien, que même aujourd'hui, si elle est surpassée par d'autres en quelques passages, elle ne l'est pas dans l'ensemble, et qu'elle est encore employée utilement de diverses manières pour des traductions en d'autres langues. Le langage en est pur, plein de force, approprié à la dignité du sujet; il respire également l'esprit de l'Évangile, et a exercé la plus grande influence sur le perfectionnement de la langue allemande. La traduction de la Bible de Luther ouvrit au peuple dans leur pureté immédiate les sources du salut que l'Évangile nous présente, et contribua, plus qu'aucun autre écrit, à étendre et à affermir la réformation.

122

Retour de Luther

Mouvements à Wittenberg.

Les enseignements de Luther avaient déjà poussé de si profondes racines, que, même en son absence, ils avaient été propagés et soutenus sans sa participation immédiate. La fleur de la jeunesse allemande accourait en foule à Wittenberg pour les recueillir, et, comme les théologiens de l'université de Paris se déclarèrent contre Luther, Mélanchthon n'hésita pas à le défendre d'une manière décidée. Aussi publia-t-il, en décembre 1521, le premier manuel de théologie fondé sur les principes de la réforma tion. Les moines augustins résolurent, dans une assemblée à Wittenberg, de supprimer les cloîtres et d'abolir la messe dite basse ou privée, où il n'y a point de communiants. Déjà quelques prêtres se marièrent, et à Noël 1521, le professeur CARLSTADT1, qui avait déjà pris part à la dispute de Leipzig dans le sens de Luther, célébra la sainte Cène en langue allemande et sous les deux espèces. Luther l'approuva, et l'électeur le laissa faire en silence. Mais bientôt Carlstadt fut entraîné par son zèle à des vues exagérées et à des actes de violence. Il enseigna qu'on n'avait plus besoin de savants ni d'universités, fit enlever des églises les images et les autels, et même le service divin ne fut pas à l'abri de perturbations. Des fanatiques de Zwickau, THOMAS MUNZER, MARC STUBNER et deux fabricants de draps, NICOLAS STORCH et MARC THOMÆ, y contribuèrent pour beaucoup. Ils se regardaient comme des

'Son nom était primitivement ANDRÉ BODENSTEIN, et c'est vraisemblablement de sa ville natale, en Franconie, qu'il a pris le nom de Carlstadt.

prophètes descendus du ciel, avec lesquels Dieu lui-même s'entretenait, et ils rejetaient, entre autres choses, le baptême des enfants. Après leur arrivée à Wittenberg, ils se lièrent promptement avec Carlstadt, et trouvèrent un terrain préparé pour leur semence, dans l'agitation générale des esprits. Ainsi le mouvement s'accrut et menaça enfin non-seulement l'ordre de l'Église, mais encore l'ordre civil. Toute la réformation était mise en péril, si la fureur de la révolte se fût étendue plus loin et eût aspiré au renversement des pouvoirs établis. Luther vit le danger; aussi, rien ne put l'arrêter; ni la pensée de l'excommunication et du bannissement, ni les avertissements de son prince ne purent le retenir à la Wartbourg. Avec les sentiments les plus élevés, que lui inspirait la conscience d'une mission divine, il arriva à Wittenberg le 7 mars 1522, et, pendant huit jours, il prêcha avec une éloquence pleine de feu et en même temps de douceur chrétienne. Il épargnait le plus possible ceux qui, par leurs discours, avaient été les auteurs de ces innovations, les blâmant, non en ellesmêmes, mais parce qu'on les avait introduites avec trop d'emportement, de violence, et sans ménagements pour d'autres. Luther calma les esprits, et la tranquillité et l'ordre furent rétablis.

[blocks in formation]

Le mouvement tumultueux de Wittenberg fut apaisé par l'influence personnelle de Luther, et le soulèvement de la noblesse contre le pouvoir croissant des princes fut entretenu, à la vérité, par de nouvelles pensées, mais prit

1

bientôt fin par la défaite de FRANZ DE SICKINGEN (à Nannstuhl, près de Landstuhl, en 1523); mais ces deux faits témoignent de la fermentation générale et de l'agitation qui s'empara aussi de plusieurs villes et qui s'imposa alors aux paysans. Ces derniers vivaient sous la plus dure oppression, et avaient à supporter des charges continuelles; telles même des demandes qu'ils présentérent en 12 articles étaient justes et ont été accordées dans des temps plus récents. Luther les reconnut fondées en droit, et exhorta les paysans à une conciliation équitable; mais il condamnait la révolte. Comme alors les paysans abusaient de sa doctrine sur la liberté évangélique, et sur l'égalité devant Dieu, et l'appliquaient aux rapports civils; comme, séduits encore plus par des fanatiques, ils se précipitaient sur la route de la destruction, songeaient à bouleverser l'empire, ainsi que son organisation, et, tels que des esclaves déchaînés, marquaient leur passage par le vol, le meurtre et l'incendie, le grand homme fut saisi de crainte pour la pureté de sa cause, qu'il redoutait de voir mêlée à cette révolte et confondue avec elle, et dans son écrit contre les paysans voleurs et meurtriers, » il exhorta les magistrats à n'avoir aucune compassion et à frapper avec rigueur.

[ocr errors]

La rébellion avait d'abord éclaté en Souabe, en 1524, et,

1 Le premier article voulait que la paroisse entière eût le droit d'élire son pasteur, et même de le déposer s'il se conduisait d'une manière peu convenable; il voulait aussi que le pasteur prêchât l'Évangile d'une manière pure et intelligible, sans aucune addition humaine. Dans le second article, les paysans demandent que la dîme du petit bétail cesse complétement, que celle des blés continue, au contraire, à être payée, mais que l'on n'en solde au pasteur que ce qui est nécessaire pour fournir suffisamment à son entretien, et que le surplus aille aux nécessiteux.

comme un torrent qui s'accroît dans son cours, s'était étendue par la Franconie jusqu'en Thuringe, et, le long du Rhin, jusqu'en Lorraine. De château en château, de cloître en cloître, la destruction continuait ses ravages, et menaçait les villes, qui, en général, ne se rangeaient pas du parti des paysans; ces derniers exerçaient surtout des cruautés inouïes sur leurs anciens maîtres. Thomas Münzer, qui déjà à Wittenberg avait contribué à soulever le peuple (voy. § 122), était en Thuringe à la tête de cette horrible révolte, et, comme un prétendu prophète, prêchait l'égalité commune et introduisit la communauté des biens.

Cependant les efforts réunis des pouvoirs séculiers réussirent à dompter la révolte. En Souabe, ce fut l'armée de la confédération du pays, commandée par GEORGES TRUCHSESS, de Waldbourg, qui parvint à le faire, et, en Thuringe, ce fut le landgrave PHILIPPE de Hesse, qui d'abord protégea et tranquillisa ses sujets, et qui ensuite, en s'unissant avec les princes saxons, remporta à Frankenhausen, le 15 mai 1525, la victoire sur l'insurrection. La vengeance des vainqueurs fut terrible: rien qu'à Saverne, en Alsace, 17,000 révoltés furent massacrés au moment où ils quittaient la ville, contrairement à la capitulation qui leur avait été accordée. Münzer fut aussi mis à mort, à Mulhausen, avec 25 autres chefs. Dans les endroits qui s'étaient révoltés, et où la force, et non un accord équitable, avait prévalu, le sort des paysans fut encore plus terrible, et ce que plusieurs communautés avaient sauvé des droits que possédaient leurs pères, fut aussi perdu.

Les ennemis de la réformation profitèrent de la guerre des paysans après leur défaite, pour faire suspecter Luther et sa cause, et tel ami de l'ordre fut sans doute par lå considéré comme dangereux. Mais Luther fut encore plus

« PoprzedniaDalej »