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sous le nom de mystique ce mode particulier d'enseignement, ou de conception, qui repousse l'intelligence et la philosophie comme moyens d'acquérir les connaissances religieuses, qui veut au contraire saisir par l'imagination et le cœur ce qui est au-dessus des sens, pour le mettre plus à la portée de l'âme, par la contemplation intérieure, et qui enfin s'efforce d'unir l'homme à la divinité, par la concentration sur lui-même, et par les vagues aspirations du sentiment. La mystique est la religion qui a pour objet presque exclusif l'élévation de l'àme et la piété ; la vie intérieure, la chaleur, la profondeur jusqu'à l'extase prophétique, caractérisent les mystiques et leurs écrits; mais, comme ils se mettent au-dessus des règles et des limites de la pensée, et qu'ils dédaignent la clarté, un vaste champ est ouvert à leur imagination, et les images qu'elle leur présente se confondent de la manière la plus variée et la plus trompeuse avec les vérités de la religion; par là, ils favorisent plusieurs genres de superstitions, et le plus souvent préconisent la vie contemplative aux dépens d'une activité vraiment utile. Mais, dans ce temps, la mystique eut ceci de bon, qu'elle s'opposa à ce qu'on rabaissât la religion au point d'en faire uniquement un objet d'intelligence et d'érudition, qu'elle fit de la théologie une science qui appartient aussi à l'intérieur de l'homme, et qu'elle communiqua à la foi la chaleur et la vie.

Bernard de ClaIRVAUX tient la première place parmi les mystiques (v. § 90). Il eut une si grande réputation parmi ses contemporains, qu'il eut la plus haute influence sur les événements politiques et ecclésiastiques de son temps, et que, déjà pendant sa vie, il fut presque vénéré comme un saint. Ses deux amis furent HUGUES et RICHARD DE SAINTVICTOR, dont le premier chercha à fondre la mystique et la scholastique. Le franciscain BONAVENTURE (1274) tra

vailla aussi au même but, en s'efforçant d'unir la force de la pensée à la profondeur du sentiment. Un digne représentant de la mystique, pendant le xive siècle, fut le dominicain JEAN TAULER, qui vécut à Cologne et à Strasbourg (mort en 1361). Ses prédications estimées et pleines de sentiment, où il insistait sur un christianisme vivant, sont aussi des preuves de ce qu'était, en Allemagne, l'ancienne éloquence de la chaire. Parmi ses autres écrits, son Imitation de la vie pauvre du Christ s'est surtout répandue au loin. Parmi les mystiques du xve siècle, il faut nommer particulièrement THOMAS DE KEMPEN OU THOMAS A KEMPIS, maître de chapelle dans un couvent d'augustins près de Zwoll (mort en 1471), remarquable surtout par le conseil qu'il donnait à ses élèves d'étudier la littérature classique en Italie, ce qui avait pour but de la répandre en Allemagne. De tous ses écrits, parmi lesquels on compte l'Entretien avec son âme, le Petit jardin des roses, et le Lys de la vallée, le livre de l'Imitation de Jésus-Christ est de beaucoup le plus célèbre et le plus répandu. Il y insiste, en opposition au culte des saints et à la sainteté des œuvres extérieures, sur la véritable imitation intérieure de Jésus, sur le renoncement à l'égoïsme, et sur l'amour qui se donne à Dieu sans restriction. Cet ouvrage est devenu le livre d'édification le plus estimé dans la plus grande partie de l'Occident. Il est encore aujourd'hui en grand honneur, et il est répandu par millions d'exemplaires dans de nombreuses traductions, parmi lesquelles on en trouve même une turque et une arabe.

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La renaissance et l'imprimerie

La renaissance des lettres, et entre autres de l'antiquité classique, commence à la vérité déjà dans le xive siècle, mais fut surtout, dans le xve, opérée et entretenue par les savants fugitifs échappés à la ruine de l'empire grec1, et elle se répandit de l'Italie dans la plupart des pays de l'Europe. Ainsi s'opéra un mouvement général dans la civilisation; dans la pensée, une lumière nouvelle, qu'on eût à peine soupçonnée d'avance, s'étendit sur tous les rapports de la vie religieuse, et la source du salut, savoir la sainte Écriture, fut de nouveau accessible dans la langue originale. L'étude de la littérature classique, c'est-à-dire des ouvrages grecs et romains, de l'ancien esprit et de l'ancienne vie des Grecs, relégua peu à peu à l'arrière-plan la civilisation claustrale du moyen àge qui s'appuyait sur l'autorité de l'Église, et les humanistes (on nomme ainsi les connaisseurs et les doctes représentants de l'antiquité classique) abordèrent et répandirent une manière plus indépendante de considérer les hommes et les choses; ils éveillèrent l'esprit de recherche, et, par la connaissance des textes originaux de la Bible, firent connaître aussi les défauts et les contradictions qui existaient dans la doctrine et dans la constitution de l'Église. Mais les sciences se réveillèrent avec plus de force, et répandirent parmi le peuple une instruction bien plus générale,

Luther dit à ce sujet : « Dieu a donné la Grèce aux Turcs, afin précisément que les Grecs, chassés et dispersés loin de leur pays, en apportassent leur langue, et, par là, fournissent aussi l'occasion d'en apprendre d'autres. »

depuis que l'invention de l'imprimerie eut fourni les moyens de confectionner et de répandre les livres vite et à bon marché par milliers d'exemplaires. L'art de l'imprimerie fut le moyen le plus puissant pour instruire et pour éclairer le peuple, et l'arme la plus active au service de l'esprit et de la vérité.

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Déjà JEAN DE SALISBURY, plus tard évêque de Chartres 1, montre dans ses écrits l'influence évidente de l'étude des auteurs grecs et romains; et NICOLAS DE LYRA, qui enseigna pendant plusieurs années la théologie à Paris, prouve, dans son grand ouvrage sur l'interprétation de la Bible, à quel point la philologie hébraïque était répandue, et combien l'érudition rabbinique lui était familière. Les Italiens DANTE ALIGHIERI, PÉTRARQUE et BOCCACE, qui firent de l'italien populaire, dégagé du latin, la langue de la civilisation et des livres, éveillèrent le sentiment et le goût pour l'antiquité classique. L'influence du nouvel esprit scientifique se montre d'une manière frappante dans LAURENT VALLA *, qui se risqua au point de faire des annotations sur la traduction latine de l'Écriture sainte; il fit voir que la donation de Constantin (voy. § 37) était une invention, et soumit à sa critique d'autres récits adoptés par l'Église. Ce qui prouve combien l'on chercha à répandre la Bible, c'est qu'après l'invention de l'imprimerie parurent déjà dans le xve siècle quatorze éditions de la version de la Bible en haut allemand; mais, à la vérité, toutes étaient faites d'après la Vulgate.

REUCHLIN et ERASME apparaissent à la fin de la шe période comme deux astres dont la lumière se projette sur l'époque de la réformation. JEAN REUCHLIN de Pforzheim, parent et maître de Mélanchthon, professeur à Ingolstadt,

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possédait une instruction scientifique distinguée, et surtout une profonde connaissance de l'hébreu et des langues classiques. Il eut le mérite de donner de l'Ancien Testament. des explications relativement sages, et blâma courageusement le manque de fond de l'ancienne prédication. DIDIER ERASME de Rotterdam, unissant une grande érudition à la clarté et à la pénétration de la pensée, se distingua par une manière fine et agréable de représenter les choses, et par la sagacité de son esprit. Il publia des classiques, les principaux Pères de l'Église, et le texte grec du Nouveau Testament; puis il se moqua dans d'autres écrits des folies et des vices qui régnaient alors, et surtout de l'état ecclésiastique. Mais si haut placé que fût Erasme, et quoique à la tête des savants de son temps, il se soumit en tout point au jugement de l'Église; aussi fut-il hautement prôné par les sectateurs zélés et aveugles du papisme, et jusqu'à sa mort' demeura dans la plus grande faveur auprès des papes et des autres grands de la terre. REUCHLIN, au contraire, encourut la haine des obscurantistes: l'inquisiteur JACQUES DE HOCHSTRATE, à la tête des dominicains de Cologne, l'accusa d'un judaïsme déguisé, parce qu'il s'était prononcé contre l'acte de brûler les écrits des rabbins, et il déclara que la langue grecque était la mère de toutes les hérésies, et que la connaissance de l'hébreu conduisait au judaïsme. REUCHLIN se servit pour les punir de la force mordante de son esprit. Le chevaleresque ULRICH DE HUTTEN (couronné comme poëte à Augsbourg par l'empereur MAXIMILIEN, et mort sur la petite île d'Ufenau dans le lac de Zurich ®) se déclara pour lui, et la discussion, qui, par le moyen de l'imprimerie s'établit devant toute l'Allemagne, finit pardonner droit à Reuchlin, et par couvrir de ridicule les moines mendiants.

En 1536.- 2 En 1523.

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