LA PENSÉE MODERNE (DE LUTHER A LEIBNIZ) Pour être chrétien il faut n'être pas romain. LUTHER. On doit ne rien croire de ce qui n'est fondé que DESCARTES. Le seizième et le dix-septième siècle pourraient JOSEPH DE MAISTRE. PARIS FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 1908 Tous droits de traduction et de reproduction réservés. 146 DE LUTHER A LEIBNIZ L'AVÈNEMENT DE LA PENSÉE MODERNE A partir du xvI° siècle, grand siècle plein de sève et de vie, l'intelligence européenne, émancipée du joug des autorités religieuses par la Réforme de Luther qui était grosse d'orages politiques et de révolutions intellectuelles que son auteur ne prévoyait ni ne voulait, émancipée du joug des autorités philosophiques par Ramus, l'infatigable adversaire d'Aristote, par Rabelais, le gigantesque railleur, par Montaigne, le profond douteur, par Galilée, le savant penseur, enfin par les inventeurs et par les artistes de la Renaissance, reprend les grandes traditions de l'antiquité; se retrempe aux sources vives de la liberté et de la nature; rompt avec le pédantisme ergoteur et vide, et s'affranchit du servage théologique. Il y eut alors comme une inondation de lumière, d'inspiration et de génie. L'humanité, rajeunie et radieuse, faisait éclater ses mille fanfares, et tout semblait chanter la nouvelle aurore de l'immortelle pensée. Pourtant le fanatisme, voyant se dissiper la nuit où il prétendait emprisonner les àmes, redoublait ses fureurs. Galilée dut, pour sauver sa vie, apostasier son génie et jurer à genoux que l'évidence n'était pas l'évidence, |