Obrazy na stronie
PDF
ePub

IIo ÉTUDE.

La Révélation.

Dans l'énumération de nos moyens de connaître, nous en avons distingué cinq qui peuvent être qualifiés de naturels, auxquels a été consacrée l'Etude précédente, et un surnaturel, la révélation, dont nous allons maintenant nous occuper, et dont nous prouverons successivement la nécessité et la réalité.

I. Nécessité de la révélation. Malgré l'infirmité de l'esprit humain, les lumières naturelles dont il est doué lui fournissent d'utiles enseignements sur les grandes questions qu'il est obligé de se poser et de résoudre, sur l'existence de Dieu, la spiritualité et l'immortalité de l'âme, la création, la distinction du bien et du mal, la loi morale et ses sanctions terrestres; mais la raison est muette sur d'autres points non moins essentiels; elle ne donne qu'une notion vague et peu saisissable de l'Être divin; elle n'indique pas d'une manière assez claire et assez complète nos relations avec lui; elle nous laisse ignorer si l'homme, chez qui se remarquent d'étranges contradictions, a été créé dans l'état où nous le voyons aujourd'hui; elle ne précise point les devoirs; elle ne connaît pas la nature de la récompense ou du châtiment destinés à sanctionner la loi morale: à cet égard, elle n'a que des conjectures plutôt que des dogmes propres à tracer la voie dans laquelle il faut marcher et à encourager par la certitude de ce qu'on trouvera au terme.

Cette insuffisance de nos moyens naturels de connaître fait sentir la nécessité d'une révélation, par laquelle Dieu

nous enseigne ce que nous avons besoin de savoir et ce que n'eût pu découvrir la créature. L'esprit humain n'embrasse pas toutes les réalités; le bon sens ne saurait renfermer la toute-puissance dans le cercle étroit de nos conceptions. Il comprend, au-delà des faits qui tombent sous nos observations, la possibilité d'autres faits, cachés dans les profondeurs de l'infini et soustraits absolument à notre vue, mais présents à celle de Dieu, de qui il dépend de nous les manifester. On se rappellera que les vérités premières, base de toutes nos opérations intellectuelles, ont été nécessairement données à l'homme, qui n'eût pu les conquérir, car elles sont en dehors de l'expérience et du raisonnement; il a donc fallu, dès le principe, une révélation pour les lui livrer, le mettre ainsi en pleine possession de ses facultés et en mesure de remplir sa destinée.

Ces grandes vérités elles-mêmes, que Dieu a fait rayonner dans les intelligences, les idées d'infini, d'éternité, les notions de bien et de mal, de devoir, etc., que seraientelles devenues s'il n'eût pris soin d'en préciser, suivant le besoin, les applications les plus importantes, et d'en prévenir la ruine par des révélations partielles, en attendant la révélation principale due à la venue de Jésus-Christ? N'oublions pas que Dieu a jugé convenable de doter l'homme d'une pleine liberté de détermination, impliquant pour celui-ci la possibilité d'en abuser, de souiller son âme par de coupables projets, de honteuses convoitises, de funestes habitudes, d'oblitérer ainsi les enseignements primitifs du Créateur, de produire des désordres capables de déformer l'œuvre divine et d'en compromettre la conservation, comme le prouvera l'état du monde à l'époque de l'établissement du christianisme, si la Sagesse infinie n'en cût modéré les effets par des remèdes réparateurs et une plus vive lumière.

Saint Thomas-d'Aquin, cet énergique défenseur des droits de la raison, pose la question de savoir si l'homme a besoin de cette lumière supérieure aux données de la philosophie, et il la résout affirmativement, parce que nous avons été créés par Dieu, dont l'idée excède la portée actuelle de la raison. Une révélation divine est nécessaire pour nous faire comprendre ce but. A la vérité, la raison peut arriver d'elle-même à quelques notions de Dieu; mais ces notions, privilége d'un petit nombre d'esprits, exigeraient de longs travaux et seraient altérées par un mélange d'erreurs (1).

D'autres philosophes ont prétendu qu'une révélation était inutile et serait indigne de Dieu, même pour nous manifester des vérités précédemment voilées et pour nous tracer d'une manière plus lumineuse la voie morale, presque effacée par l'abus de notre liberté. L'homme, disent-ils, connaît naturellement tous les principes de ses devoirs; une révélation ne lui apprendrait, touchant la religion et les mœurs, rien que ne lui enseigne la raison. Il serait absurde de vouloir imposer à la conscience ce que la raison ne serait pas capable de découvrir; on ne pourrait ajouter aux prescriptions de la loi naturelle aucune loi positive qui ne fût inconciliable avec l'immutabilité divine. Voilà, en résumé, la fameuse profession du Vicaire Savoyard.

Ce langage de l'orgueil s'accorde mal avec les faits. L'expérience a constaté qu'un très-petit nombre d'hommes s'occupent sérieusement des principes de la religion et des mœurs; un plus petit nombre encore pourraient, faute de lumières ou de loisir, bâtir sur ce fondement une science morale pratique; la plupart, incapables d'application, ne s'élèveraient pas au-dessus de la sphère des sens. Que dire ensuite des préjugés ? Même pour les es

(1) Summ. C. Genl. I, 3, 4.

prits cultivés, la raison seule promet plus qu'elle ne donne; elle peut concevoir de belles théories sur l'infini, sur l'être, sur l'immortalité, sur le beau ; mais elle n'y trouvera rien qui la stimule à un réglement de vie sage et ferme.

Dira-t-on que la science des devoirs est renfermée dans un petit nombre de vérités générales, susceptibles d'être universellement comprises sans effort et appliquées par une sorte d'instinct? Elle y est comme les conséquences dans les principes, sans se manifester, sinon à la condition d'un travail préalable très-difficile; elle y est comme les mathématiques, dont certaines parties exigent tant d'application, sont contenues dans quelques axiomes.

Défectueuse sous le rapport de l'instruction, la loi naturelle l'est encore plus sous celui de la sanction. Si les hommes se précipitent dans toute sorte de désordres, c'est que la raison ne leur fournit pas de motifs assez puissants sur eux pour les déterminer à résister à leurs appétits. Les sentiments de l'honnête et du bien ne les touchent guère; l'amour de la vertu ou la crainte du remords n'agissent que sur les âmes cultivées par l'éducation; les maladies ou les pénalités attachées à certains excès ne les préviennent pas; d'un autre côté, les passions qui sollicitent à l'infraction de la loi morale ont au fond du cœur des accents bien plus énergiques et plus persuasifs que les avertissements de la raison.

Quand même les intelligences d'élite trouveraient dans la loi naturelle tout ce qui est nécessaire pour les guider, en serait-il de même de la masse des hommes, si légers, si apathiques, si ennemis de la contrainte, si imbus de fausses opinions? Qu'on se rappelle l'idolâtrie et les mœurs de l'antiquité. Sans le secours d'une révélation, on n'a, pour arriver à la connaissance de Dieu et des relations qu'il lui a plu d'établir avec ses créatures, que

les forces de la raison; alors l'humanité se trouve au point où elle était avant la venue de Jésus-Christ, on retombe dans le paganisme; pour les masses, qui, à défaut de secours étranger, ne peuvent guère dépasser la sensation, la divinité est de nouveau ravalée au niveau de l'homme, comme étaient les dieux des païens.

On voit par les traités philosophiques de Cicéron que, sur les questions les plus importantes, l'existence et la nature de Dieu, l'immortalité de l'âme, la raison, abandonnée à elle-même, ne peut parvenir au-delà de la vraisemblance.

Des philosophes éminents ont montré par les plus graves écarts combien cette raison superbe est. faible. Ce même Cicéron et plusieurs autres se sont faits les apologistes d'un vice monstrueux. Socrate donnait à la courtisane Théodote des leçons pour l'exercice de son infàme métier (1). Le Ve livre de la République de Platon nous met sous les yeux un exemple encore plus triste de l'aveuglement et des honteuses conceptions de l'esprit humain, dénué d'appui. Comment se défendre d'une sorte d'indignation en voyant l'impudence d'un prétendu Sage qui propose de faire figurer des femmes nues avec des hommes dans des exercices gymnastiques; qui n'aperçoit dans les unions, destinées par le Créateur à l'harmonie de la société et à la conservation de son ouvrage, que des accouplements brutaux; qui, foulant aux pieds toute pudeur, célèbre la promiscuité comme une chose bonne et utile; qui, pour assurer la conservation de qualités morales, ne songe qu'à des procédés matériels et prétend perpétuer la race de ceux chez lesquels elles se trouvent, comme on perpétue les races de chevaux et de chiens; qui veut étouffer la tendresse paternelle et la piété filiale,

(1) Xenoph. Mem. III, 11.

« PoprzedniaDalej »