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Le Soleil, disait-il, eut dessein autrefois
De songer à l'hyménée.

Aussitôt on ouït, d'une commune voix,
Se plaindre de leur destinée

Les citoyennes des étangs.

Que ferons-nous, s'il lui vient des enfants?
Dirent-elles au Sort: un seul Soleil à peine
Se peut souffrir; une demi-douzaine
Mettra la mer à sec et tous ses habitants.
Adieu joncs et marais : notre race est détruite;
Bientôt on la verra réduite

A l'eau du Styx1. Pour un pauvre animal,
Grenouilles, à mon sens, ne raisonnaient pas mal.

FABLE XIII.

Le Villageois et le Serpent.

Ésope conte qu'un manant2,

Charitable autant que peu sage,
Un jour d'hiver se promenant
A l'entour de son héritage,

Aperçut un serpent sur la neige étendu,
Transi, gelé, perclus, immobile rendu,

N'ayant pas à vivre un quart d'heure.

Le villageois le prend, l'emporte en sa demeure ;
Et, sans considérer quel sera le loyer 3

(') Fleuve des enfers, au bord duquel erraient les ombres des

morts.

(2) Paysan, villageois. Aujourd'hui il ne signifie plus qu'un homme grossier et mal élevé.

(3) Lc salaire, la récompense. Ce mot n'est plus usité que pour exprimer le prix annuel d'une habitation.

D'une action de ce mérite,
11 l'étend le long du foyer,

Le réchauffe, le ressuscite.

L'animal engourdi sent à peine le chaud,
Que l'âme lui revient avecque la colère.
Il lève un peu la tête, et puis siffle aussitôt;
Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut
Contre son bienfaiteur, son sauveur et son père.
Ingrat, dit le manant, voilà donc mon salaire !
Tu mourras! A ces mots, plein d'un juste courroux,
Il vous prend sa cognée1, il vous tranche la bête;
Il fait trois serpents de deux coups,
Un tronçon, la queue, et la tête.
L'insecte, sautillant, cherche à se réunir;
Mais il ne put y parvenir.

Il est bon d'être charitable:

Mais envers qui? c'est là le point.
Quant aux ingrats, il n'en est point
Qui ne meure enfin misérable.

FABLE XIV.

Le Lion malade et le Renard.

De par le roi des animaux 5,
Qui dans son antre était malade,

(1) Voyez la note de la fable I du livre V.

(2) Le mot insecte ne peut s'appliquer au serpent, qui est un reptile. (3) Tous les édits ou ordonnances qui se publiaient autrefois commençaient par cette formule: De par le roi, c'est-à-dire de la part du roi, il est fait savoir, ou il est ordonné. La Fontaine transporte ces formules dans le monde des auimaux.

Fut fait savoir à ses vassaux

Que chaque espèce en ambassade
Envoyât gens le visiter;
Sous promesse de bien traiter
Les députés, eux et leur suite,
Foi de lion, très bien écrite :
Bon passe-port contre la dent,
Contre la griffe tout autant.
L'édit du prince s'exécute :
De chaque espèce on lui députe.
Les renards gardant la maison,
Un d'eux en dit cette raison :

Les pas empreints sur la poussière
Par ceux qui s'en vont faire au malade leur cour,
Tous, sans exception, regardent sa tanière;
Pas un ne marque de retour:
Cela nous met en méfiance.
Que sa majesté nous dispense :
Grand merci de son passe-port.
Je le crois bon: mais dans cet antre
Je vois fort bien comme l'on entre,
Et ne vois pas comme on en sort.

FABLE XV.

L'Oiseleur, l'Autour et l'Alouette.

Les injustices des pervers

Servent souvent d'excuse aux nôtres.

Telle est la voix de l'univers :

Si tu veux qu'on t'épargne, épargne aussi les autres.

Un manant1 au mirolr2 prenait des oisillons.
Le fantôme brillant attire une alouette:
Aussitôt un autour3, planant sur les sillons,
Descend des airs, fond et se jette

Sur celle qui chantait, quoique près du tombeau.
Elle avait évité la perfide machine,

Lorsque, se rencontrant sous la main de l'oiseau,
Elle sent son ongle maline 4.

Pendant qu'à la plumer l'autour est occupé,
Lui-même sous les rets demeure enveloppé :
Oiseleur, laisse-moi, dit-il en son langage;
Je ne t'ai jamais fait de mal.
L'oiseleur repartit: Ce petit animal
T'en avait-il fait davantage?

FABLE XVI.

Le Cheval et l'Ane.

En ce monde il se faut l'un l'autre secourir :
Si ton voisin vient à mourir,

C'est sur toi que le fardeau tombe.

(1) Paysan. Voyez la note de la fable XIII de ce livre.

(2) Au miroir, piége à prendre les oiseaux au moyen d'un miroir tournant qui les attire et les éblouit.

(3) Oiseau de proie très cruel qui dépèce et plume les oiseaux avant de les manger.

(4) On a déjà fait remarquer que du temps cù la langue n'était point encore parfaitement fixée, les poëtes admettaient à volonté certains provincialismes. Ongle est aujourd'hui masculin, et le féminin de malin fait maligne; mais le mot ongle qui est féminin en latin, est encore demeuré tel en certaines provinces, et on a déjà vu ailleurs que la prononciation des mots en gne ou gnée n'était point invariable. Aujourd'hui le peuple dit encore maline pour maligne.

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