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Et l'autre turbulent, et plein d'inquiétude;
Il a la voix perçante et rude,

Sur la tête un morceau de chair,
Une sorte de bras dont il s'élève en l'air
Comme pour prendre sa volée,

La queue en panache étalée.

Or, c'était un cochet1 dont notre souriceau
Fit à sa mère le tableau

Comme d'un animal venu de l'Amérique.
Il se battait, dit-il, les flancs avec ses bras,
Faisant tel bruit et tel fracas,

Que moi, qui grace aux dieux de courage me pique,
En ai pris la fuite de peur,

Le maudissant de très bon cœur.
Sans lui j'aurais fait connaissance

Avec cet animal qui m'a semblé si doux:
Il est velouté comme nous,

Marqueté, longue queue, une humble contenance,
Un modeste regard, et pourtant l'œil luisant.
Je le crois fort sympathisant

Avec messieurs les rats; car il a des oreilles
En figure aux nôtres pareilles.

Je l'allais aborder, quand d'un son plein d'éclat
L'autre m'a fait prendre la fuite.

Mon fils, dit la souris, ce doucet est un chat,
Qui, sous son minois hypocrite,

Contre toute ta parenté

D'un malin vouloir est porté.

L'autre animal, tout au contraire,

Bien éloigné de nous mal faire,

Servira quelque jour peut-être à nos repas.
Quant au chat, c'est sur nous qu'il fonde sa cuisine.

(1) Un jeune coq, dont le portrait est en effet très exact

Garde-toi, tant que tu vivras,
De juger des gens sur la minc.

FABLE VI.

Le Renard, le Singe et les Animaux.

Les animaux, au décès d'un lion,
En son vivant prince de la contrée,
Pour faire un roi s'assemblèrent, dit-on,
De son étui la couronne est tirée :
Dans une chartre1 un dragon la gardait.
Il se trouva que, sur tous essayée,
A pas un d'eux elle ne convenait :
Plusieurs avaient la tête trop menue,
Aucuns 2 trop grosse, aucuns même cornue.
Le singe aussi fit l'épreuve en riant;
Et, par plaisir, la tiare essayant,
Il fit autour force grimaceries 3;
Tours de souplesse, et mille singeries,
Passa dedans ainsi qu'en un cerceau.
Aux animaux cela sembla si beau

:

Qu'il fut élu chacun lui fit hommage.
Le renard seul regretta son suffrage,
Sans toutefois montrer son sentiment.
Quand il eut fait son petit compliment,
Il dit au roi Je sais, sire, une cache".

Et ne crois pas qu'autre que moi la sache.

(1) Prison, lieu fermé. On dit encore: Tenu en chartre privée, pour

renfermé.

(2) Quelques-uns. Voyez la note de la fable I de ce livre.

(3) Mot qui ne se trouve que dans La Fontaine.

(4) Cachette.

Or tout trésor, par droit de royauté,
Appartient, sire, à votre majesté.

Le nouveau roi bâille après la finance;
Lui-même y court pour n'être pas trompé.
C'était un piége: il y fut attrapé.

Le renard dit, au nom de l'assistance:
Prétendrais-tu nous gouverner encor,
Ne sachant pas te conduire toi-même ?
Il fut démis; et l'on tomba d'accord
Qu'à peu de gens convient le diadème.

FABLE VII.

Le Mulet se vantant de sa généalogie.

Le mulet d'un prélat se piquait de noblesse,
Et ne parlait incessamment 2

Que de sa mère la jument,

Dont il contait mainte prouesse".
Elle avait fait ceci, puis avait été là.
Son fils prétendait pour cela

Qu'on le dût mettre dans l'histoire.
Il eût cru s'abaisser, servant un médecin.
Étant devenu vieux, on le mit au moulin:
Son père l'âne alors lui revint en mémoire.

Quand le malheur ne serait bon
Qu'à mettre un sot à la raison,

(1) Aspire, soupire après.

(2) Sans cesse. Voyez la note de la fable VI du livre III.

(3) Beaucoup d'actions d'éclat. Voyez la note de la fable XIV du livre III.

Toujours serait-ce à juste cause

Qu'on le dit bon à quelque chose.

FABLE VIII.

Le Vieillard et l'Ane.

Un vieillard sur son âne aperçut en passant
Un pré plein d'herbe et fleurissant:
Il y lâche sa bête, et le grison se rue
Au travers de l'herbe menue,
Se vautrant, grattant et frottant,
Gambadant, chantant et broutant,
Et faisant mainte place nette.
L'ennemi vient sur l'entrefaite.
Fuyons, dit alors le vieillard.

Pourquoi? répondit le paillard1;

Me fera-t-on porter double bât, double charge?
Non pas, dit le vieillard, qui prit d'abord le large2.
Eh! que m'importe donc, dit l'âne, à qui je sois?
Sauvez-vous, et me laissez paître.

Notre ennemi, c'est notre maître :
Je vous le dis en bon françois3.

(1) Celui qui couche sur la paille, un paysan. Ce mot n'a plus la même signification et se prend en mauvaise part.

(2) Qui s'éloigua. Celle expression est demeurée dans la langue maritime.

(3) François ne se prononce plus comme sois; mais alors, comme on l'a fait remarquer, la prononciation de la diphthongue oi était à peu près arbitraire. Ainsi, tandis que certaines provinces prononçaient François oi, d'autres disaient que je sais pour : que je sois,

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