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mit pas de les commencer. Et dans ses souffrances, son œuvre inachevée était une souffrance.

C'est alors, au printemps de 1885, que M. Théophile Dufour vint me demander de la part de Duval, si je voudrais entreprendre à sa place ces recherches complémentaires et me charger de la publication. - Si j'avais pu soupçonner alors que ce serait seulement vingt ans plus tard que je pourrais mettre le point final à l'œuvre commune, il est certain que j'aurais refusé d'entreprendre une besogne d'aussi longue haleine. En refusant, j'aurais probablement agi dans mon intérêt personnel et professionnel, en même temps que je me serais privé des joies simples mais toujours nouvelles de la quête et de la trouvaille dans les textes jaunis des paperasses vénérables.

Quand j'allai dire au docteur Duval que j'étais à sa disposition et que je ferais mon possible pour mener à chef l'histoire de la médecine à Genève, il me remit son manuscrit et ses notes, en me disant: « Tout ceci est à vous, faites en ce que vous voudrez, du mieux que vous pourrez ». Quelques semaines après, la maladie supprimait cette parole déjà faible et hésitante.

Au lecteur de juger si j'ai bien bâti sur les fondations posées par le premier père de cette histoire du corps médical genevois. Longtemps, j'ai eu l'intention de mettre son nom avant le mien en tête de ces pages. Ce qui m'en a empêché, c'est un scrupule de conscience que le docteur Duval aurait, je crois, éprouvé luimême.

Après vingt ans de fouilles aux Archives, de revisions, de remaniements, il ne reste pas dans ces pages une phrase entière de ce que mon prédécesseur croyait être le texte définitif. La disposition des matières, la division des chapitres ont été ellesmêmes profondément modifiées. Si le cadre et les grandes lignes posées par Duval restent la charpente de l'œuvre, tout ce qui en est la forme actuelle est mon ouvrage. Pour prendre une comparaison anatomique, le squelette est du premier auteur de ce livre, tout ce qui le recouvre est de son sucesseur.

Dans ces conditions, il pouvait paraître peu consciencieux de mettre sous le nom de Duval, dix-huit ans après sa mort, des mots et des idées dont il n'aurait peut-être pas accepté la pa

ternité. Telle est la raison pour laquelle mon nom figure seul en tête de ce volume, dont je suis seul responsable. Mais qu'il demeure acquis à l'esprit du lecteur que, sans l'initiative de Duval et ses longues études préalables, cette histoire n'aurait jamais été entreprise.

Mes premières séances de travail aux Archives remontent donc au printemps 1885. Pendant quinze ans, j'ai été un des habitués les plus réguliers de la laborieuse salle du rez-dechaussée de la tour de l'Hôtel de Ville. Il serait difficile d'énumérer les volumes de registres, les portefeuilles, les liasses et les rouleaux que j'y ai feuilletés et parcourus, transcrivant tantôt une simple indication, tantôt des pages entières. Il serait plus difficile encore de compter le nombre des marches d'escalier, des degrés d'échelle qu'a dû gravir notre excellent archiviste pour aller me chercher les documents demandés. Son inépuisable complaisance est le principal collaborateur de la recherche des matériaux de ce livre.

La série des volumes du registre du Conseil constitue la ⚫ source la plus riche de renseignements de première main sur tout ce qui s'est passé d'officiel à Genève du commencement du quinzième à la fin du dix-huitième siècle. Les petits faits de police, les affaires personnelles y ont leur alinéa comme les actes politiques ou internationaux les plus importants pour la République. Sur le conseil de M. Théophile Dufour et d'après la méthode qu'avait suivie M. E. Demole pour son Histoire Monétaire de Genève, j'ai parcouru toutes les pages de ces 311 volumes, transcrivant in extenso ou résumant tout ce qui, me tombant sous le regard, touchait à la médecine ou au corps médical '.

L'absence de connaissances paléographiques préalables a rendu ce dépouillement plus compliqué et plus ardu. Ne pouvant aborder d'emblée les textes les plus anciens, j'ai dû apprendre

Ces extraits et ces mentions ont fini par former un manuscrit de plus de 1700 pages, avec index des noms des membres du corps médical. et. pour certaines parties, index des principales matières. Ce manuscrit, qui appartiendra un jour à la collection des auteurs genevois formée par Duval dans la bibliothèque de la Société Médicale, est dès à présent à la disposition de ceux qui voudront le consulter.

à les lire en remontant le cours des siècles. J'ai commencé à la fin du dix-septième siècle, passant au volume de l'année précédente quand j'avais achevé d'en parcourir un. Mon il s'est ainsi exercé peu à peu à déchiffrer l'écriture des secrétaires du Conseil, montant lentement des contemporains de Louis XIV à ceux du Béarnais, puis à ceux des Valois. Le XVIIIe siècle a été gardé pour la fin de cette série de recherches.

Ceux-là seuls qui ont travaillé sur de vieux manuscrits peuvent se rendre compte du temps qu'exige une pareille méthode. Après des centaines de pages parcourues sans rien trouver, après des volumes entiers qui ne donnaient que quelques glanures, tout à coup le filon devenait riche et la copie abondait. Cette richesse est surtout l'apanage des périodes où la peste a régné à Genève. La moitié à peu près des pages de mes notes se rapporte à l'histoire de la peste. Et c'est à ce propos surtout, on le verra plus loin, que l'on rencontre des redites incessantes, des mesures rapportées presque aussitôt après avoir été prises, des palabres interminables avec les autorités des pays voisins.

A côté de la longueur de temps que demande la recherche, il y a lieu de compter aussi avec la patience qu'exige souvent la lecture des registres. Tous les familiers des Archives ont pesté, tantôt contre la détestable écriture de certains secrétaires du Conseil, tantôt contre la pâleur de l'encre qu'ils employaient. J'ai pesté comme les autres, et plus que les autres, en ma qualité de très novice apprenti paléographe. Bien souvent, j'aurais dû laisser un mot en blanc ou j'aurais écrit un contresens, si les yeux excercés de M. l'archiviste Dufour ne m'avaient été aussi secourables et aussi complaisants que ses jambes. Souvent aussi, c'est le directeur des Archives, M. le Conseiller d'Etat Henri Fazy, qui a trouvé la solution de l'énigme, surtout quand il s'agissait de l'écriture des secrétaires d'état du XVIe siècle qu'il connaît si bien. N'oublions pas non plus les autres fidèles des Archives. M. Du Bois-Melly, mes amis E. Rivoire, Covelle, A. Cartier, Ed. Favre, V. van Berchem, et combien d'autres qui, si souvent, m'ont aidé à lire ou m'ont fourni des renseignements utiles.

Un autre motif qui a contribué à rendre ce dépouillement

plus long, ce sont les recherches simultanées dans d'autres documents dont il a été fréquemment l'occasion. On trouve souvent dans le registre un nom, une phrase isolée qui semblent mettre sur la piste d'un fait intéressant ou d'un personnage encore inconnu, mais la mention reste incomplète et vague. Il faut alors chercher ailleurs, recourir aux actes de l'état civil, aux portefeuilles des pièces historiques, au copie de lettres du Conseil, au registre des particuliers. à celui des sentences criminelles, aux dossiers des procès, pour essayer de trouver la suite de l'histoire ou arriver à identifier le personnage cité. Et l'on revient souvent bredouille de ces longues parties de chasse.

Enfin, les heures que j'ai pu consacrer à cette besogne étaient courtes et entrecoupées, prises qu'elles étaient sur les interstices. des occupations professionnelles de chaque jour. Il y a eu bien des semaines où les maladies du présent ont pris tout le temps que je comptais donner aux maladies et aux médecins du passé. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner s'il a fallu douze ans pour la revue générale des registres du Conseil.

Ce premier travail achevé, la quête des documents n'était pas encore à son terme. Avec l'aide des précieux répertoires dressés par nos archivistes successifs, les portefeuilles des pièces historiques et les dossiers des procès criminels ont été consultés méthodiquement. Les dates de naissance et de mort des membres du corps médical depuis 1550 ont été recueillies ou vérifiées. Le registre mortuaire a encore fourni des données importantes sur la mortalité de la peste et de la variole. Le répertoire des actes des notaires de 1535 à 1800, dressé par les soins de M. H. Bordier et déposé dans la bibliothèque de la Société d'Histoire, a permis de retrouver quelques faits intéressants d'ordre général, outre un grand nombre de mentions individuelles. La grande ordonnance sur le régime des léproseries a été transcrite sur le manuscrit de la Bibliothèque Publique et collationnée sur celui des Archives. Quelques glanures proviennent encore du registre des Particuliers, des registres de la Chambre de la Santé, des premiers volumes des Livres des Comptes de la Communauté. des fragments qui subsistent du registre des Habitants. N'oublions pas le Livre des Ordonnances de la faculté de médecine

et le livre des jurés apothicaires, les deux seules sources manuscrites consultées par le docteur Duval et où j'ai encore trouvé à récolter après lui.

La moisson faite, le grain battu et moulu, l'heure est venue d'en tirer parti. Les lecteurs de ce livre vont goûter le pain que j'en ai fabriqué et pourront en discuter la qualité et la saveur.

Disons-leur d'avance qu'ils trouveront ici plus d'histoire locale que de médecine, plus de faits anecdotiques ou biographiques sur le corps médical genevois que de renseignements sur l'histoire générale de la médecine. Notre petite faculté, toujours peu nombreuse, privée de la tribune d'un enseignement universitaire, a possédé d'utiles praticiens, de laborieux polygraphes, deux ou trois hommes dont le nom a survécu dans la mémoire de leurs successeurs. Elle n'a à son actif ni systèmes de doctrines originaux, ni découvertes ayant changé la face de la science.

La tâche essentielle des anciens médecins genevois a été de servir de propagateurs, de vulgarisateurs aux faits. et aux méthodes dont la science s'enrichissait dans divers pays. Placés dans un milieu cultivé et curieux d'information, entre la France, l'Allemagne et l'Italie, les médecins genevois ont, dès le milieu du XVIIe siècle, fait connaître à leurs voisins ce que l'on avait observé ou trouvé chez leurs autres voisins. Au dix-huitième siècle, Genève devint de plus, en médecine comme dans les autres sciences, le centre d'où les idées et les méthodes anglaises se répandaient sur le continent.

A côté de ce rôle international modeste, le corps médical genevois a, dans le cours des âges, dignement accompli son devoir d'être utile au prochain, dévoué à la patrie et correct dans sa vie professionnelle. Il y a eu sans doute chez nos prédécesseurs des erreurs collectives et des tares individuelles. On les trouvera rapportées plus loin aussi bien que leurs mérites. Mais, en somme, l'impression générale qui persiste, après avoir fouillé longtemps les traces de leurs vies, est saine et réconfortante. C'est avec la mémoire de braves gens que je vis depuis vingt ans. Si leur exemple peut être utile à leurs successeurs d'aujourd'hui, si leur souvenir engage quelque Genevois de

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