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sépulture clandestine et ignominieuse au pied des cibles de la Coulouvrenière. Parfois même, le corps du suicidé était traîné par les rues avant d'être inhumé. Il n'y avait d'exception à cette sanction que s'il était prouvé que le défunt était hors de sens » quand il avait accompli son acte. Les médecins étaient donc assez souvent appelés à délivrer des certificats pour attester l'état d'aliénation mentale des suicidés.

«

Une autre branche de la médecine légale qui a dès lors disparu donna souvent de l'occupation aux médecins et aux chirurgiens genevois. Il s'agit de l'examen des sorciers. On sait que la constatation de la présence, sur une région quelconque du corps des inculpés, d'une tache ou d'une région insensible était pour la justice d'alors une preuve évidente qu'ils s'étaient donnés au démon. Bien des infortunés névropathes ont été brûlés ou pendus uniquement parce qu'on avait trouvé sur eux la prétendue marque diabolique. A partir du milieu du siècle, les conclusions des rapports de nos devanciers chargés d'examiner des inculpés de ce genre furent toujours négatives. M. le docteur Ladame a publié le procès de la dernière sorcière exécutée à Genève1. A cette occasion, les médecins et chirurgiens genevois n'ayant pas voulu affirmer la présence de la marque de Satan, on fit examiner l'inculpée par un chirurgien de Nyon et un chirurgien de Coppet qui donnèrent sans hésiter des conclusions favorables à l'accusation. Après cette date (6 avril 1652), tous les inculpés du crime de sorcellerie furent libérés ou laissés au jugement de Dieu. Il faut rapporter une bonne part de cette clémence à l'esprit éclairé du corps médical.

Dr P. LADAME, Procès criminel de la dernière sorcière brûlée à Genève le 6 avril 1652, Bibliothèque diabolique, Paris, 1888, in-8, XII-52 p.

Sur cette note macabre, nous voici arrivés à la fin de l'histoire médicale de Genève au XVIIe siècle. Le lecteur en déduira, nous l'espérons, les conclusions qui ont été posées comme prémices. Il dira que notre ville a eu alors un corps médical honorable et digne et qu'elle a produit dans ce domaine de la science plusieurs hommes distingués et deux grands initiateurs: Théophile Bonet et Daniel Le Clerc.

CHAPITRE VII

L'EXERCICE IRRÉGULIER ET ILLEGAL DE L'ART

DE GUÉRIR A GENÈVE JUSQU'EN 1798.

L'histoire anecdotique des nombreux praticiens irréguliers qui ont exercé l'art de guérir à Genève, en dépit de la faculté et des ordonnances sur la médecine, trouve ici une place naturelle. C'est, en effet, dans la seconde moitié du siècle dont nous venons de parler que les charlatans et opérateurs étrangers ont commencé à affluer dans notre ville. Cette invasion continua au XVIIIe siècle et ne fut sérieusement endiguée, grâce aux efforts du corps médical et au progrès des lumières, que pendant les quarante dernières années de la République.

Le chapitre qui va suivre aurait donc pu être reporté plus loin: le cours chronologique du récit n'aurait ainsi pas été interrompu: mais l'histoire de la variole et de la vaccine aurait alors été séparée du tableau général de la médecine au XVIIIe siècle, auquel elle est intimement liée. De plus, si l'ordre adopté nous oblige à faire une incursion dans une époque non encore racontée, nous rencontrons d'autre part ici une dernière occasion de remonter le cours des âges. Nous allons voir, en effet, qu'avant même qu'il y eût à Genève des lois sur l'art de guérir, on y trouvait des gens qui pratiquaient la médecine sans s'être donné la peine de l'étudier.

Avant d'entrer en matière, il faut d'abord bien établir qu'il s'agit ici d'histoire, d'histoire ancienne, d'histoire aussi strictement objective que possible. Toute allusion aux faits actuels, toute comparaison avec le présent seront soigneusement évitées. Si, aujourd'hui et demain comme autrefois, le public aime à recevoir de la poudre dans les yeux, si, au XXe siècle, le corps médical lutte encore contre les mille formes du charlatanisme, si nos autorités sont encore tiraillées, comme le fut le Magnifique Conseil, entre le public qui veut des guérisseurs merveilleux et les médecins qui défendent contre eux leurs clients, leur amourpropre et leur bourse, ce n'est plus de l'histoire, c'est de la psychologie. Il vaut mieux laisser à de plus compétents le soin de décider s'il s'agit ici de psychologie normale ou de psychologie pathologique. Si donc nous évoquons dans les pages qui vont suivre des polémiques mortes depuis des siècles, ce n'est pas pour les ressusciter, c'est simplement pour les montrer dans leur milieu, dans le recul du passé.

Il semble illogique de parler d'exercice illégal de l'art de guérir aussi longtemps que la pratique médicale n'est pas réglementée par des lois. Il serait plus juste de dire qu'il y a eu à Genève, avant la promulgation des ordonnances de 1569, des praticiens irréguliers, sans diplômes, dont l'activité professionnelle s'est montrée dangereuse pour le public.

C'est même cette considération de danger public qui amena, au XVe siècle, la première intervention des magistrats genevois dans le domaine qui nous occupe. Voici, en effet, la traduction de ce qu'on lit dans le registre du Conseil à la date du 27 avril 1473:

Il a, en outre, été rapporté dans le même Conseil qu'il

«

y a certaines gens qui prétendent savoir la médecine << et qui ne la savent pas, de telle sorte qu'il peut en

« résulter un préjudice pour la communauté. Il a été or

«

«

donné d'exposer la chose au Conseil Episcopal et de

mettre à exécution les décisions qu'il prendra sur ce point1».

Comme il arrive trop souvent pour cette époque et même pour les temps ultérieurs, cette mention reste isolée et il ne subsiste aucune trace des mesures que put prendre le Conseil Episcopal, ni des sanctions qui en résultèrent.

Deux fois encore au XVe siècle, le Conseil eut à s'occuper de praticiens irréguliers. Ici de nouveau, il s'agit de faits dont la conclusion ne nous est pas parvenue. Je traduis toujours:

8 avril 1477. Ici a été proposé que Jaques Rougoz, qui était autrefois pauvre à l'hôpital du Pont du Rhône, a appris des médecins des remèdes. Or il est venu un certain médecin voulant le troubler dans la pratique desdits remèdes. Et a été ordonné qu'il fasse selon sa coutume 2.

1er décembre 1493. Maître Jean [Heling], chirurgien (cirurgicus barbatus) s'est plaint de ce qu'un certain prêtre insuffisant dans l'art chirurgical se mêle de traiter des cas de fractures, lesquels il n'a pas complètement guéris.

Voici le texte latin:

Fuit expositum ulterius in ipso consilio quod nonnulli medici se gerunt artem medicine scire et nesciunt, quod cedit in prejudicium com⚫ munitatis.

« Ordinatur exponi in consilio episcopali et dehinc exequi quod fuerit ordinatum in eodem. »

R. C., vol. VI, fol. 12, vo.

2 Ibidem fuit propositum quod Ja. Rougoz, qui erat quondam pauper in hospitali pontis Rodani, qui scit de medicis medicinas. Et venit quidam medicus ad ipsum, ipsum volendo turbare in ipsis medicinis. Et fuit ordinatum quod faciat more solito. R. C., vol. VIII, fol. 15.

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