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d'un village écarté dans les contrées les plus arriérées de l'Europe. Il n'y avait aucun service public de voirie pour le balayage et l'enlèvement des immondices. Ce ne fut que dans la seconde moitié du XVIIe siècle que ce progrès fut réalisé à Genève. Jusqu'à ce moment, chacun nettoyait la rue devant sa maison, « en droict soy suivant les termes du registre, et chacun la nettoyait le moins possible, presque toujours après un ordre officiel et sous la menace d'une amende. En dehors des rues principales, il y avait un fumier à côté de chaque maison. Dans les Rues Basses, on devait porter les débris aux fumiers publics de la Fusterie et du Molard. Ces emplacements étaient affermés par la Seigneurie à des entrepreneurs qui n'étaient pas pressés de prendre livraison de leur marchandise et d'en débarrasser la vue et l'odorat du public. A l'ordre de nettoyer les rues se joignait donc celui d'enlever les fumiers1. Avec les progrès de la civilisation, on prescrivit en outre de tenir les égouts privés et les puits perdus aussi propres que possible.

Les latrines publiques étaient alors très fréquentées, un grand nombre de maisons étant, jusqu'à une époque assez rapprochée de nous, dépourvues de ce local. En temps d'épidémie, on chargeait un guet de les fermer le soir pour que les infects et les cureurs ne pussent y pénétrer pen

1 10 janvier 1503. Loquantur N. Sindici R. D. Maurinensi per Sp. D. Grossi et aliis in carreriis publicis fumum habentes ut admoveant, ne horum occasione graves generentur infirmitates. R. C., vol. XV, fol. 58, vo.

20 mai 1568. Sur ce qu'a esté proposé que les médecins trouveroient bon de faire oster tous les fumiers de la ville à cause de ces bruitz de peste. D'autant qu'on ne se peut commodément accomoder à cela, Arresté qu'il suffise de faire oster ceux qui sont ès rues publiques et fréquentées et surtout qu'on défende d'y mettre ny jetter dessus autres choses. R. C., vol. LXIII, fol. 50.

16 mai 1569. Que chascun ayt à sortir les fumiez de chevaux et vaches de la ville de 15 jours en 15 jours. R. C., vol. LXIV, fol. 73.

dant les heures nocturnes où ils avaient le droit de circuler

dans la ville.

L'élève des porcs et des oies était pratiquée dans les faubourgs et même dans certains quartiers de Genève jusque vers la fin du XVIe siècle. On s'empressait en cas de danger de faire sortir de la ville ces animaux odorants qui en temps ordinaire semblent avoir joui de la liberté d'y vaguer à leur bon plaisir. Les chiens et les chats abondaient aussi et comme ils ne se gênaient guère d'entrer dans les maisons infectes, ils pouvaient servir à propager le mal. On chargeait donc le bourreau et les guets de tuer tous ceux qui couraient la ville. Ce massacre devait favoriser la multiplication des rats que l'on sait aujourd'hui être des semeurs de peste beaucoup plus actifs que leurs ennemis canins et félins. Ces rongeurs, qui devaient pulluler et trouver une nourriture abondante dans le milieu peu hygiénique décrit plus haut, ne semblent pas avoir jamais été troublés dans leur quiétude par des mesures officielles pendant les épidémies de peste à Genève. Enfin, quand l'hôpital des pestiférés était ouvert, on défendait de mener paître le bétail dans son voisinage.

D'autres arrêtés du Conseil s'appliquaient à la nourriture et au genre de vie de la population.

La consommation des fruits, surtout celle des fruits acides passait à tort ou à droit pour favoriser la contagion. La défense de vendre des bigarreaux, des « greffions »>,

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aigrets » (raisins verts), des pêches, du

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fruitage

des mal meur », du vin de fruits, revient constamment dans le registre. En fait d'autres aliments prohibés en temps d'épidémie, je n'ai guère à citer que les champignons et les boudins interdits à deux ou trois époques sous le nom de << sanchets ».

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Les exercices violents, ludi sanguinem moventes, passaient pour dangereux, ainsi que la musique et la danse. Des ordonnances multipliées les proscrivent dès les périodes les plus anciennes sur lesquelles nous ayons des détails (13 avril 1473). Ces sports n'avaient cependant d'autre inconvénient que la fatigue qu'ils pouvaient causer et la réunion d'un certain nombre de gens pour s'y livrer en commun. Les bains du lac étaient sévèrement interdits en temps de peste, sans que les raisons de cette interdiction paraissent évidentes. Les étuves, où l'on se baignait en commun dans un espace limité, étaient bien plus dangereuses, aussi les tenanciers de ces établissements recevaient-ils l'ordre de les fermer dès que le mal devenait sérieux. Il était de même logique d'interdire toute réunion nombreuse dans des locaux confinés. Des arrêtés répétés prohibent les veillées de St-Yvon, les danses, le teillage du chanvre en commun, les assemblées et banquets des confréries. Après la Réformation, les ordonnances ecclésiastiques mirent d'ailleurs définitivement fin à ces réunions, comme à la danse et à toute autre musique que celle des psaumes.

En 1543 et 1544, on interrompit le travail des fortifications, pour cause de contagion. On sait que, dans ces temps de danger permanent, chaque Genevois allait à son tour avec ses voisins sous la conduite du dizenier du quartier aux forteresses», travailler à mettre la ville à l'abri d'une surprise.

Quand le mal devenait grave, on suspendait l'exercice de la justice inférieure, c'est-à-dire la cour du Seigneur Lieutenant; mais jamais le Conseil n'a cessé de siéger et de juger les causes criminelles et les affaires civiles importantes. La peste lui donnait même un surcroît de be

XXX. Nouv. série, x.

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sogne judiciaire, à cause surtout des nombreuses contraventions aux ordonnances relatives au séquestre des malades et des suspects. Ce n'est qu'au XVIIe siècle que la Chambre de Santé jugea ces délits spéciaux.

La fermeture de l'école et, depuis 1559, celle de l'Académie se faisaient le plus tard possible et seulement dans les épidémies graves. C'est en 1503 et en 1504 que le licenciement de l'école pour cause de peste est mentionné pour la première fois. Après la Réformation, on attendait tant qu'on pouvait pour interrompre les leçons publiques et le collège. C'était seulement quand les ministres venaient dire que l'école était déjà toute débandée que le Conseil donnait vacations jusqu'à nouvel ordre. Dès que le mal cessait ou paraissait cesser, on rouvrait les cours publics et huit ou quinze jours après le collège. M. Borgeaud a magistralement raconté la crise presque mortelle que la longue épidémie de 1568 à 1572 fit subir à l'Académie naissante, en empêchant la venue des étudiants étrangers et en tarissant les ressources nécessaires pour payer le traitement des professeurs'.

Quant aux sermons, si l'on en diminuait le nombre, c'était uniquement lorsque la gravité du fléau éclaircissait par trop les rangs des fidèles. Le devoir de les fréquenter était supérieur aux préoccupations hygiéniques. A plusieurs reprises, en temps d'épidémie grave, les ministres, le Conseil lui-même recommandaient parmi les moyens de conjurer le mal: « Que chascun serve à Dieu et hante les << sermons plus que de coustume? ».

Comme mesures se rapportant spécialement à certains métiers, je n'ai rencontré que des injonctions répétées de

1 CH. BORGEAUD. L'Académie de Calvin, p. 118-122.

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tenir les boucheries propres et un arrêté du 4 septembre 1578' défendant aux boulangers et aux meuniers d'exercer leur profession lorsqu'ils ont chez eux des malades de contagion.

En résumé, parmi les précautions générales prises par nos pères en temps de peste, à côté de mesures empiriques de propreté, l'interdiction de l'entrée de la ville aux personnes et aux marchandises venant des régions contaminées, était la seule efficace. Cette interdiction était malheureusement difficile à prescrire en temps utile parce que le Conseil, au moins jusqu'à la fin du XVIe siècle, était très mal renseigné sur les conditions sanitaires des pays les plus voisins. Malheureusement aussi, une fois cette défense promulguée, sa mise à exécution était malaisée, soit à cause de l'exiguité du territoire de la République, soit à cause de l'abord constant d'étrangers de toute provenance qui arrivaient à Genève, les uns pour fuir le fléau ou la persécution, les autres pour y poursuivre leur négoce ou leurs études.

On trouvera aux pièces justificatives plusieurs règlements relatifs au régime appliqué à diverses époques aux malades et aux personnes qui s'étaient trouvées en rapports plus ou moins intimes avec eux. Le mode de vivre

R. C., vol. LXXIII, fol. 175, vo.

2 Voir P. JUST, No IV. Règlements des années 1564, 1568, 1571 et 1629.

Il m'a semblé inutile de reproduire les deux plus anciens de ces documents, déjà publiés par Chaponnière et Sordet (M. D. G., t. III, p. 451, 453). Je ne sais où ils ont trouvé le premier (il n'était pas d'usage alors d'indiquer la provenance exacte de ses sources). Il semble qu'il doit dater du 5 mai 1495, jour où le Conseil mit en vigueur une ordonnance sur l'hopital pestilentiel (mém. cité, p. 301, note). Le second de ces règlements est transcrit, on ne sait pourquoi, à la fin du registre latin des Bourgeois (Man. Hist., vol. CXXII, fol. 172), où je l'ai retrouvé par hasard. Il fut approuvé en Conseil le 13 juin 1503. (R. C., vol. XV, fol. 76.)

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