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CIX

POUR LA GUÉRISON DE CHRYSANTHE.

STANCES.

Chrysanthe, c'est-à-dire Anne d'Autriche, est le nom de l'héroïne des deux pièces précédentes. Le même nom désigne-t-il ici la même personne? cela est possible, mais c'est tout ce que j'en puis dire. Ces stances ont été imprimées pour la première fois dans l'édition de 1630.

Les destins sont vaincus, et le flux de mes larmes
De leur main insolente a fait tomber les armes;
Amour en ce combat a reconnu ma foi;

Lauriers, couronnez-moi.

Quel penser agréable a soulagé mes plaintes,
Quelle heure de repos a diverti mes craintes,
Tant que du cher objet en mon âme adoré
Le péril a duré?

J'ai toujours vu ma dame avoir toutes les marques
De n'être point sujette à l'outrage des Parques;
Mais quel espoir de bien en l'excès de ma peur
N'estimois-je trompeur?

Aujourd'hui c'en est fait, elle est toute guérie,
Et les soleils d'avril peignant une prairie,

4. Ite triumphales circum mea tempora, lauri, a dit Ovide (Am., II, xi, 1).

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En leurs tapis de fleurs n'ont jamais égalé
Son teint renouvelé.

Je ne la vis jamais si fraîche, ni si belle;
Jamais de si bon cœur je ne brûlai pour elle;
Et ne pense jamais avoir tant de raison
De bénir ma prison.

Dieux, dont la providence et les mains souveraines,
Terminant sa langueur, ont mis fin à mes peines,
Vous saurois-je payer avec assez d'encens
L'aise que je ressens?

Après une faveur si visible et si grande,
Je n'ai plus à vous faire aucune autre demande;
Vous m'avez tout donné, redonnant à mes yeux
Ce chef-d'œuvre des cieux.

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Certes vous êtes bons, et combien que nos crimes
Vous donnent quelquefois des courroux légitimes,
Quand des cœurs bien touchés vous demandent secours,
Ils l'obtiennent toujours.

Continuez, grands Dieux, et ne faites pas dire,
Ou que rien ici-bas ne connoît votre empire,
Ou qu'aux occasions les plus dignes de soins,
Vous en avez le moins.

Donnez-nous tous les ans des moissons redoublées,
Soient toujours de nectar nos rivières comblées;
Si Chrysanthe ne vit, et ne se porte bien,
Nous ne vous devons rien.

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CX

A MONSIEUR COLLETET, SUR LA MORT DE SA SOEUR.

ÉPIGRAMME.

Publiée, pour la première fois, par Ménage. Guillaume Colletet, membre de l'Académie française, né en 1598, mourut en 1659. — On trouve, dans le second volume des Délices de la poésie françoise (1620), des vers adressés à Malherbe par Colletet, qui en a mis aussi quelques-uns en tête de la traduction des Épitres de Sénèque.

En vain, mon Colletet, tu conjures la Parque
De repasser ta sœur dans la fatale barque :
Elle ne rend jamais un trésor qu'elle a pris.
Ce que l'on dit d'Orphée est bien peu véritable.
Son chant n'a point forcé l'empire des Esprits,
Puisqu'on sait que l'arrêt en est irrévocable.
Certes, si les beaux vers faisoient ce bel effet,
Tu ferois mieux que lui ce qu'on dit qu'il a fait.

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3. Malherbe a dit ailleurs (voyez pièce xcví, vers 36), en parlant de Pluton :

Ce qu'une fois il tient, jamais il ne le rend.

CXI

POUR UNE MASCARADE.

STANCES.

Publiées pour la première fois dans l'édition de 1630.

Ceux-ci de qui vos yeux admirent la venue,
Pour un fameux honneur qu'ils brùlent d'acquérir,
Partis des bords lointains d'une terre inconnue,
S'en vont au gré d'amour tout le monde courir.
Ce grand Démon qui se déplaît
D'être profane comme il est,
Par eux veut repurger son temple;
Et croit qu'ils auront ce pouvoir,
Que ce qu'on ne fait par devoir,
On le fera par leur exemple.

Ce ne sont point esprits qu'une vague licence
Porte inconsidérés à leurs contentements;

L'or de cet âge vieil où régnoit l'innocence,

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N'est pas moins en leurs mœurs qu'en leurs accoutrements; La foi, l'honneur, et la raison

Gardent la clef de leur prison;

Penser au change leur est crime;

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17. Ce vers est ainsi dans une copia conservée à la Bibliothèque impériale (Papiers de Baluze, no 133), tandis qu'on lit dans les éditions de 1630 et de 1631:

Penser au change leur est un crime,

ce qui donne une syllabe de trop au vers.

Leurs paroles n'ont point de fard;
Et faire les choses sans art,

Est l'art dont ils font plus d'estime.

Composez-vous sur eux, âmes belles et hautes;
Retirez votre humeur de l'infidélité;
Lassez-vous d'abuser les jeunesses peu cautes,
Et de vous prévaloir de leur crédulité;

N'ayez jamais impression
Que d'une seule passion,

A quoi que l'espoir vous convie;
Bien aimer soit votre vrai bien;
Et, bien aimés, n'estimez rien
Si doux qu'une si douce vie.

On tient que ce plaisir est fertile de peines,
Et qu'un mauvais succès l'accompagne souvent;
Mais n'est-ce pas la loi des fortunes humaines,
Qu'elles n'ont point de havre à l'abri de tout vent?
Puis cela n'advient qu'aux amours,

Où les desirs, comme vautours,

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Se paissent de sales rapines;

Ce qui les forme les détruit;
Celles que la vertu produit

Sont roses qui n'ont point d'épines.

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