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Et quoi qu'on lise d'Hippolyte,

Ce qu'une fois il tient, jamais il ne le rend.

S'il étoit vrai que la pitié
De voir un excès d'amitié

Lui fit faire ce qu'on desire,

Qui devoit le fléchir avec plus de couleur,

Que ce fameux joueur de lyre,

Qui fut jusqu'aux enfers lui montrer sa douleur?

Cependant il eut beau chanter,

Beau prier, presser, et flatter,

Il s'en revint sans Eurydice;

Et la vaine faveur dont il fut obligé

Fut une si noire malice,

Qu'un absolu refus l'auroit moins affligé.

Mais quand tu pourrois obtenir

Que la mort laissât revenir

Celle dont tu pleures l'absence,

La voudrois-tu remettre en un siècle effronté,
Qui plein d'une extrême licence

Ne feroit

que troubler son extrême bonté?

Que voyons-nous que des Titans,
De bras et de jambes luttans
Contre les pouvoirs légitimes?

Infâmes rejetons de ces audacieux,

Qui dédaignant les petits crimes,

Pour en faire un illustre attaquèrent les cieux?

Quelle horreur de flamme et de fer

40. Couleur, apparence.

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N'est éparse comme en enfer

Aux plus beaux lieux de cet empire?

Et les moins travaillés des injures du sort,

Peuvent-ils pas justement dire

Qu'un homme dans la tombe est un navire au port?

Crois-moi, ton deuil a trop duré;

Tes plaintes ont trop murmuré;
Chasse l'ennui qui te possède;

Sans t'irriter en vain contre une adversité,
Que tu sais bien qui n'a remède

d'obéir à la nécessité.

Autre que

Rends à ton âme le repos

Qu'elle s'ôte mal à propos,

Jusqu'à te dégoûter de vivre;

Et si tu n'as l'amour que chacun a pour soi,
Aime ton prince, et le délivre

Du regret qu'il aura s'il est privé de toi.

Quelque jour ce jeune lion

Choquera la rébellion,

En sorte qu'il en sera maître;

Mais quiconque voit clair, ne connoît-il pas
Que pour l'empêcher de renaître

Il faut que ton labeur accompagne le sien ?

La Justice le glaive en main

Est un pouvoir autre qu'humain

Contre les révoltes civiles;

Elle seule fait l'ordre, et les sceptres des rois

N'ont que des pompes inutiles,

S'ils ne sont appuyés de la force des lois.

bien

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XCIX

POUR MONSEIGNEUR LE CARDINAL DE RICHELIEU.

SONNET.

Saint-Marc a joint le premier aux œuvres de Malherbe cette pièce imprimée en 1635 dans le Sacrifice des Muses (Paris, in-4o), et dont la date est donnée par le passage suivant d'une lettre écrite par le poëte à Peiresc, le 19 décembre 1626: « Monseigneur le Cardinal m'a promis toute sorte de faveurs.... Je lui donnai il y a environ un mois ou six semaines un sonnet que je vous envoie. »

Peuples, çà de l'encens; Peuples, çà des victimes,
A ce grand Cardinal, grand chef-d'œuvre des cieux,
Qui n'a but que la gloire, et n'est ambitieux
Que de faire mourir l'insolence des crimes.

A quoi sont employés tant de soins magnanimes
Où son esprit travaille, et fait veiller ses yeux,
Qu'à tromper les complots de nos séditieux,
Et soumettre leur rage aux pouvoirs légitimes?

Le mérite d'un homme, ou savant, ou guerrier,
Trouve sa récompense aux chapeaux de laurier,
Dont la vanité grecque a donné les exemples;

Le sien, je l'ose dire, est si grand et si haut,
Que si comme nos Dieux il n'a place en nos temples,
Tout ce qu'on lui peut faire est moins qu'il ne lui faut.

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C

PARAPHRASE DU PSAUME CXLV.

En 1859, parut dans le Bulletin du bibliophile un article où l'auteur, trompé par une indication erronée d'un manuscrit de la Bibliothèque impériale, voulait enlever ces vers à Malherbe et les donner à Mathurin Regnier. Il n'avait point fait attention que cette ode, qui depuis deux cent trente ans figurait sans contestation dans toutes les éditions de Malherbe, avait été publiée du vivant même du poëte et avec son nom, en 1627, dans le Recueil des plus beaux vers; et que, de plus, comme on le verra dans les notes, on connaissait par Racan différentes particularités relatives à sa composition. Ainsi, il ne peut y avoir de doute la pièce est bien de Malherbe, et le style seul suffirait, au besoin, pour démontrer qu'elle n'a jamais pu sortir de la plume du satirique.

Le psaume CXLV commence ainsi : Lauda, anima mea, Dominum. Malherbe n'en a paraphrasé, et très-librement, que les trois premiers

versets.

N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde;
Sa lumière est un verre, et sa faveur une onde
Que toujours quelque vent empêche de calmer.
Quittons ces vanités, lassons-nous de les suivre;
C'est Dieu qui nous fait vivre,
C'est Dieu qu'il faut aimer.

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3. Racan ayant objecté à Malherbe, dit Ménage, que dans ce vers rien ne se rapportait au premier hémistiche du vers précédent, le poëte se rangea à son avis, « et sur l'heure même et en sa présence, » il changea ainsi ce passage :

Son état le plus ferme est l'image de l'onde

Que toujours quelque vent empêche de calmer.

Mais, comme on le voit d'après le Recueil de 1627 et l'édition de 1630, il en revint à sa première rédaction.

MALHERBE. I

18

En vain pour satisfaire à nos lâches envies,
Nous passons près des rois tout le temps de nos vies
A souffrir des mépris et ployer les genoux.

Ce qu'ils peuvent n'est rien; ils sont comme nous sommes,
Véritablement hommes,

Et meurent comme nous.

Ont-ils rendu l'esprit, ce n'est plus que poussière
Que cette majesté si pompeuse et si fière

Dont l'éclat orgueilleux étonne l'univers;

Et dans ces grands tombeaux, où leurs âmes hautaines Font encore les vaines,

Ils sont mangés des vers.

Là se perdent ces noms de maîtres de la terre,
D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre;

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Comme ils n'ont plus de sceptre, ils n'ont plus de flatteurs; Et tombent avec eux d'une chute commune

Tous ceux que leur fortune

Faisoit leurs serviteurs.

9. Malherbe, à ce que dit Ménage, avant de s'arrêter à cette der

nière forme, avait écrit ce vers des deux manières suivantes :

A souffrir leurs mépris et baiser leurs genoux.

- Et comme des autels adorons leurs genoux.

15. VAR. (éd. de 1631): Étonnoit l'univers.

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