Obrazy na stronie
PDF
ePub

Comme la nuit arrive, et que par le silence,
Qui fait des bruits du jour cesser la violence,
L'esprit est relâché,

Je vois de tous côtés sur la terre et sur l'onde,
Les pavots qu'elle sème assoupir tout le monde,
Et n'en suis point touché.

S'il m'advient quelquefois de clore les paupières,
Aussitôt ma douleur en nouvelles matières
Fait de nouveaux efforts;

Et de quelque souci qu'en veillant je me ronge,
Il ne me trouble point comme le meilleur songe
Que je fais quand je dors.

Tantôt cette beauté, dont ma flamme est le crime,
M'apparoît à l'autel, où comme une victime

On la veut égorger;

Tantôt je me la vois d'un pirate ravie;
Et tantôt la fortune abandonne sa vie
A quelque autre danger.

En ces extrémités la pauvrette s'écrie:

« Alcandre, mon Alcandre, ôte-moi, je te prie,
Du malheur où je suis. »

La fureur me saisit, je mets la main aux armes;
Mais son destin m'arrête, et lui donner des larmes,
C'est tout ce que je puis.

Voilà comme je vis, voilà ce que j'endure,

35

40

45

56

55

32. VAR. (Airs de cour) : Les tempêtes du jour cessant leur violence. 34. VAR. (ms.): En la terre et dans l'onde.

38. VAR. (ms. et Airs de différents auteurs): En nouvelles manières. 55. VAR. (Airs de cour et Airs de différents auteurs):

Voilà comme je vis, voilà comme j'endure.

Pour une affection que je veux qui me dure
Au delà du trépas;

Tout ce qui me la blâme offense mon oreille,
Et qui veut m'affliger, il faut qu'il me conseille
De ne m'affliger pas.

On me dit qu'à la fin toute chose se change,

Et qu'avecque le temps les beaux yeux de mon Ange
Reviendront m'éclairer;

Mais voyant tous les jours ses chaînes se rétraindre,
Désolé que je suis! que ne dois-je point craindre,
Ou que puis-je espérer?

Non, non, je veux mourir; la raison m'y convie;
Aussi bien le sujet qui m'en donne l'envie

[blocks in formation]

Et le sort qui détruit tout ce que je consulte,
Me fait voir assez clair que jamais ce tumulte
N'aura paix qu'au tombeau.

Ainsi le grand Alcandre aux campagnes de Seine
Faisoit, loin de témoins, le récit de sa peine,

Et se fondoit en pleurs;

Le fleuve en fut ému; ses Nymphes se cachèrent;
Et l'herbe du rivage, où ses larmes touchèrent,
Perdit toutes ses fleurs.

58. VAR. Tout ce qui m'en dit mal....

76, 77. VAR. (ms. et Airs de cour):

.

Les astres se cachèrent,

Et la rive du fleuve où ses pieds la touchèrent.

60

65

༡༠

75

Malherbe a bien fait de changer ce dernier vers, qui aurait pu prêter à de mauvaises plaisanteries. Voyez-en la raison dans Tallemant (Historiette de Henri IV, édit. Paulin Paris, tome I, p. 9).

MALHERBE. I

XLVI

SUR LE MÊME SUJET.

STANCES.

Ces stances, achevées en février 1610, furent imprimées en 1615, dans les Délices de la poésie françoise et dans les Airs de cour (publiés par P. Ballard, liv. I, p. 55), avec un air de Guesdron. Voici ce qu'on trouve à ce sujet dans la correspondance de Malherbe. Le 12 février 1610, il écrit à Peiresc : « Vous m'avez vu, ce me semble, quelques couplets d'une méchante chanson que j'avois commencé à faire sur un air que m'avoit baillé le marquis d'Oraison. A cette heure que je l'ai achevée, je vous prie, Monsieur, de me faire ce bien, de prier M. le marquis, de votre part et de la mienne, de vous en donner l'air et de me l'envoyer par le premier, et tout aussitôt je vous enverrai les paroles; j'y ferai mettre ici un autre air, et nous retiendrons le meilleur. La chanson se commençoit :

Infidèle mémoire,

Pourquoi fais-tu gloire

De me ramentevoir

Une saison prospère

Que je désespère

De jamais plus revoir?..... »

Six jours après Malherbe écrit encore : « J'ai baillé ce soir au Roi la chanson pour laquelle je vous avois prié de m'envoyer un certain air sur lequel j'ai pris ma mesure. Je vous fais encore la même prière : ce sera pour le comparer avec celui que Guesdron y fera; car le Roi l'a envoyé querir à l'heure même qu'il eut lu mes vers, et lui a dit qu'il vouloit qu'il y travaillât dès ce soir. » Enfin, le 24 mars, il annonce qu'il a recouvré l'air « qu'a fait M. Guesdron sur la chanson dont il est question. Je ne m'y connois pas; mais tout le monde le trouve fort beau, et surtout le Roi. » Quant à la pièce Infidèle mémoire, il n'en reste que le couplet cité plus haut et jusqu'ici non réuni aux œuvres de Malherbe. Il serait toutefois possible que, le rhythme étant le même, Malherbe en eût utilisé un certain nombre de vers pour sa seconde chanson.

Que n'êtes-vous lassées,
Mes tristes pensées,
De troubler ma raison?
Et faire avecque blâme
Rebeller mon âme
Contre ma guérison?

Que ne cessent mes larmes,
Inutiles armes?

Et que n'ôte des cieux
La fatale ordonnance

A ma souvenance

Ce qu'elle ôte à mes yeux?

O beauté nonpareille,
Ma chère merveille,
Que le rigoureux sort
Dont vous m'êtes ravie
Aimeroit ma vie
S'il m'envoyoit la mort!

Quelles pointes de rage

Ne sent mon courage,
De voir que le danger
En vos ans les plus tendres
Menace vos cendres
D'un cercueil étranger?

Je m'impose silence

En la violence

6. VAR. (N, R et Airs de cour): Contre sa guérison.

24. VAR. (Airs de cour) : D'un sépulcre étranger.

5

ΙΟ

15

20

25

Ce vers confirme ce que j'ai dit plus haut sur la date de la pièce, car il s'applique au séjour de la princesse de Condé en Flandre.

[blocks in formation]

27. VAR. (Airs de cour): Que me fait ce malheur.

[blocks in formation]

30

35

40

45

« PoprzedniaDalej »