Comme la nuit arrive, et que par le silence, Je vois de tous côtés sur la terre et sur l'onde, S'il m'advient quelquefois de clore les paupières, Et de quelque souci qu'en veillant je me ronge, Tantôt cette beauté, dont ma flamme est le crime, On la veut égorger; Tantôt je me la vois d'un pirate ravie; En ces extrémités la pauvrette s'écrie: « Alcandre, mon Alcandre, ôte-moi, je te prie, La fureur me saisit, je mets la main aux armes; Voilà comme je vis, voilà ce que j'endure, 35 40 45 56 55 32. VAR. (Airs de cour) : Les tempêtes du jour cessant leur violence. 34. VAR. (ms.): En la terre et dans l'onde. 38. VAR. (ms. et Airs de différents auteurs): En nouvelles manières. 55. VAR. (Airs de cour et Airs de différents auteurs): Voilà comme je vis, voilà comme j'endure. Pour une affection que je veux qui me dure Tout ce qui me la blâme offense mon oreille, On me dit qu'à la fin toute chose se change, Et qu'avecque le temps les beaux yeux de mon Ange Mais voyant tous les jours ses chaînes se rétraindre, Non, non, je veux mourir; la raison m'y convie; Et le sort qui détruit tout ce que je consulte, Ainsi le grand Alcandre aux campagnes de Seine Et se fondoit en pleurs; Le fleuve en fut ému; ses Nymphes se cachèrent; 58. VAR. Tout ce qui m'en dit mal.... 76, 77. VAR. (ms. et Airs de cour): . Les astres se cachèrent, Et la rive du fleuve où ses pieds la touchèrent. 60 65 ༡༠ 75 Malherbe a bien fait de changer ce dernier vers, qui aurait pu prêter à de mauvaises plaisanteries. Voyez-en la raison dans Tallemant (Historiette de Henri IV, édit. Paulin Paris, tome I, p. 9). MALHERBE. I XLVI SUR LE MÊME SUJET. STANCES. Ces stances, achevées en février 1610, furent imprimées en 1615, dans les Délices de la poésie françoise et dans les Airs de cour (publiés par P. Ballard, liv. I, p. 55), avec un air de Guesdron. Voici ce qu'on trouve à ce sujet dans la correspondance de Malherbe. Le 12 février 1610, il écrit à Peiresc : « Vous m'avez vu, ce me semble, quelques couplets d'une méchante chanson que j'avois commencé à faire sur un air que m'avoit baillé le marquis d'Oraison. A cette heure que je l'ai achevée, je vous prie, Monsieur, de me faire ce bien, de prier M. le marquis, de votre part et de la mienne, de vous en donner l'air et de me l'envoyer par le premier, et tout aussitôt je vous enverrai les paroles; j'y ferai mettre ici un autre air, et nous retiendrons le meilleur. La chanson se commençoit : Infidèle mémoire, Pourquoi fais-tu gloire De me ramentevoir Une saison prospère Que je désespère De jamais plus revoir?..... » Six jours après Malherbe écrit encore : « J'ai baillé ce soir au Roi la chanson pour laquelle je vous avois prié de m'envoyer un certain air sur lequel j'ai pris ma mesure. Je vous fais encore la même prière : ce sera pour le comparer avec celui que Guesdron y fera; car le Roi l'a envoyé querir à l'heure même qu'il eut lu mes vers, et lui a dit qu'il vouloit qu'il y travaillât dès ce soir. » Enfin, le 24 mars, il annonce qu'il a recouvré l'air « qu'a fait M. Guesdron sur la chanson dont il est question. Je ne m'y connois pas; mais tout le monde le trouve fort beau, et surtout le Roi. » Quant à la pièce Infidèle mémoire, il n'en reste que le couplet cité plus haut et jusqu'ici non réuni aux œuvres de Malherbe. Il serait toutefois possible que, le rhythme étant le même, Malherbe en eût utilisé un certain nombre de vers pour sa seconde chanson. Que n'êtes-vous lassées, Que ne cessent mes larmes, Et que n'ôte des cieux A ma souvenance Ce qu'elle ôte à mes yeux? O beauté nonpareille, Quelles pointes de rage Ne sent mon courage, Je m'impose silence En la violence 6. VAR. (N, R et Airs de cour): Contre sa guérison. 24. VAR. (Airs de cour) : D'un sépulcre étranger. 5 ΙΟ 15 20 25 Ce vers confirme ce que j'ai dit plus haut sur la date de la pièce, car il s'applique au séjour de la princesse de Condé en Flandre. |