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Du funeste voyage où vous m'allez ôter
Pour un terme si long tant d'aimables délices,
Puisque votre présence étant mon élément,

Je pense être aux enfers, et souffrir leurs supplices,
Lorsque je m'en sépare une heure seulement!

Au moins si je voyois cette fière beauté
Préparant son départ cacher sa cruauté

Dessous quelque tristesse, ou feinte, ou véritable;
L'espoir, qui volontiers accompagne l'amour,
Soulageant ma langueur, la rendroit supportable,
Et me consoleroit jusques à son retour.

Mais quel aveuglement me le fait desirer?
Avec quelle raison me puis-je figurer
Que cette âme de roche une grâce m'octroie?
Et qu'ayant fait dessein de ruiner ma foi,
Son humeur se dispose à vouloir que je croie
Qu'elle a compassion de s'éloigner de moi?

Puis étant son mérite infini comme il est,

Dois-je pas me résoudre à tout ce qui lui plaît,

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Quelques lois qu'elle fasse, et quoi qu'il m'en advienne, Sans faire cette injure à mon affection

D'appeler sa douleur au secours de la mienne,

Et chercher mon repos en son affliction?

Non, non, qu'elle s'en aille à son contentement,
Ou dure ou pitoyable, il n'importe comment;
Je n'ai point d'autre vœu que ce qu'elle souhaite;
Et quand de mes souhaits je n'aurois jamais rien,
Le sort en est jeté, l'entreprise en est faite,

40. VAR. (H, K, N): Et quand de mes travaux....

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Je ne saurois bruler d'autre feu que du sien.

Je ne ressemble point à ces foibles esprits,
Qui bientôt délivrés, comme ils sont bientôt pris,
En leur fidélité n'ont rien que du langage;
Toute sorte d'objets les touche également;
Quant à moi, je dispute avant que je m'engage,
Mais quand je l'ai promis, j'aime éternellement.

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48. « J'ai appris de M. de Racan, dit encore Ménage, que cette stance et celle qui commence par Voilà comme je vis, voilà ce que j'endure, qui est de la plainte d'Alcandre pour la captivité de sa maîtresse (voyez p. 160), étoient les deux de toutes les poésies de Malherbe que Malherbe estimoit davantage. » On sait que, quand il s'agit de leurs œuvres, les auteurs et les artistes sont loin d'être des juges infaillibles.

XXXIII

SONNET.

Imprimé, comme les pièces précédentes, dans le recueil de 1609, et adressé à la vicomtesse d'Auchy.

Beauté, de qui la grâce étonne la nature,
Il faut donc que je cède à l'injure du sort,
Que je vous abandonne, et loin de votre port
M'en aille au gré du vent suivre mon aventure.

Il n'est ennui si grand que celui que j'endure;
Et la seule raison qui m'empêche la mort,
C'est la doute que j'ai que ce dernier effort
Ne fùt mal employé pour une âme si dure.

Caliste, où pensez-vous? qu'avez-vous entrepris?
Vous résoudrez-vous point à borner ce mépris,
Qui de ma patience indignement se joue?

Mais, o de mon erreur l'étrange nouveauté!
Je vous souhaite douce, et toutefois j'avoue
Que je dois mon salut à votre cruauté.

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XXXIV

SONNET.

Imprimé dans le même recueil de 1609, avec le titre de chanson. Il n'est guère besoin de dire qu'ici, comme dans la pièce suivante, il s'agit de Fontainebleau, dont le château et les jardins durent de nombreux embellissements à Henri IV, qui y fit travailler dès l'année 1593.

Beaux et grands bâtiments d'éternelle structure,
Superbes de matière, et d'ouvrages divers,
Où le plus digne roi qui soit en l'univers
Aux miracles de l'art fait céder la nature;

Beau parc, et beaux jardins, qui dans votre clòture
Avez toujours des fleurs, et des ombrages verts,
Non sans quelque Démon qui défend aux hivers
D'en effacer jamais l'agréable peinture;

Lieux qui donnez aux cœurs tant d'aimables desirs,
Bois, fontaines, canaux, si parmi vos plaisirs
Mon humeur est chagrine, et mon visage triste,

Ce n'est point qu'en effet vous n'ayez des appas;
Mais quoi que vous ayez, vous n'avez point Caliste,
Et moi je ne vois rien quand je ne la vois pas.

12. VAR. (K): Ce n'est pas....

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XXXV

SONNET.

Cette pièce fait pour ainsi dire suite à la précédente et a été imprimée en 1609 dans le même recueil.

Caliste, en cet exil j'ai l'âme si gênée

Qu'au tourment que je souffre il n'est rien de pareil;
Et ne saurois ouïr ni raison ni conseil,
Tant je suis dépité contre ma destinée.

J'ai beau voir commencer et finir la journée,
En quelque part des cieux que luise le soleil,

Si le plaisir me fuit, aussi fait le sommeil,
Et la douleur que j'ai n'est jamais terminée.

Toute la cour fait cas du séjour où je suis,
Et pour y prendre gout, je fais ce que je puis;
Mais j'y deviens plus sec, plus j'y vois de verdure.

En ce piteux état si j'ai du réconfort,

C'est, ò rare beauté, que vous êtes si dure,
Qu'autant près comme loin je n'attends que la mort.

9. VAR. (K): Tout le monde fait cas....

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