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XXVI

POUR LE PREMIER BALLET

DE MONSEIGNEUR LE DAUPHIN.

AU ROI HENRI LE GRAND.

SONNET.

Saint-Marc et, après lui, les autres éditeurs de Malherbe ont eu tort d'assigner à ce sonnet (imprimé pour la première fois, je crois, dans l'édition de 1630) la date de 1610. Le Dauphin dansa, il est vrai, un ballet à la fin de février de cette année, mais ce n'était pas le premier, car, dans une lettre écrite par Malherbe à M. de Calas, le 6 mars 1608, je trouve le passage suivant : « La mort du comte de Montpensier a empêché M. le Dauphin de danser un ballet, combien qu'il fût venu exprès ici pour cela. Le Roi en eut le plaisir à Saint-Germain le soir du premier jeudi de carême, et certainement ceux qui y étoient présents disent que de bien grandes personnes eussent été fort empêchées de s'en acquitter si dignement. Les personnages du ballet étoient M. le Dauphin, Madame, M. le chevalier de Vendôme, Mademoiselle de Vendôme, M. et Mademoiselle de Verneuil et quatre ou cinq autres petits garçons de leur âge. » — C'est donc vers le mois de mars 1608 que fut composé le sonnet ci-dessous.

Voici de ton État la plus grande merveille,

Ce fils où ta vertu reluit si vivement;

Approche-toi, mon prince, et vois le mouvement
Qu'en ce jeune Dauphin la musique réveille.

Qui témoigna jamais une si juste oreille
A remarquer des tons le divers changement;
Qui jamais à les suivre eut tant de jugement,
Ou mesura ses pas d'une grâce pareille?

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Les esprits de la cour s'attachant par les yeux

A voir en cet objet un chef-d'œuvre des cieux,
Disent tous que la France est moins qu'il ne mérite;

Mais moi que du futur Apollon avertit,
Je dis que sa grandeur n'aura point de limite,
Et que tout l'univers lui sera trop petit.

ΙΟ

XXVII

A MONSIEUR LE GRAND ÉCUYER DE FRANCE.

ODE.

Roger de Saint-Lari, seigneur de Bellegarde, grand écuyer de France, créé duc et pair par Louis XIII en 1620. C'est à lui qu'en 1605 Henri IV confia Malherbe jusqu'à ce qu'il eût pourvu au sort du poëte. « M. de Bellegarde, dit Racan, lui donna sa table, un cheval et mille livres d'appointements. » L'ode de Malherbe parut en 1609 dans le Nouveau Parnasse et dans le Nouveau Recueil des plus beaux vers de ce temps, et nous avons conservé le titre qu'elle y porte et qui est préférable à celui de l'édition de 1630: A Monseigneur le duc de Bellegarde, car Bellegarde n'était encore en 1609 que Monsieur le grand écuyer. Le texte des premières éditions diffère tellement de celui de l'édition de 1630, que nous le donnerons plus loin (p. 117) d'après le Nouveau Recueil des plus beaux vers de ce temps, édition de 1615.

A la fin c'est trop de silence
En si beau sujet de parler :
Le mérite qu'on veut celer
Souffre une injuste violence.
Bellegarde, unique support

Où mes vœux ont trouvé leur port,

Que tarde ma paresse ingrate,

Que déjà ton bruit nonpareil

Aux bords du Tage et de l'Euphrate

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1, 2. Scarron a reproduit ces vers dans une ode à la duchesse d'Aiguillon, mais il a eu soin d'ajouter :

Ces vers sont ici d'importance,

J'ai fort bien fait de les voler.

N'a vu l'un et l'autre soleil?

Les Muses hautaines et braves
Tiennent le flatter odieux,
Et comme parentes des Dieux
Ne parlent jamais en esclaves;
Mais aussi ne sont-elles pas

De ces beautés dont les

appas
Ne sont que rigueur et que glace,
Et de qui le cerveau léger,
Quelque service qu'on lui fasse,
Ne se peut jamais obliger.

La vertu, qui de leur étude
Est le fruit le plus précieux,
Sur tous les actes vicieux
Leur fait haïr l'ingratitude;
Et les agréables chansons
Par qui les doctes nourrissons
Savent charmer les destinées,
Récompensent un bon accueil
De louanges que les années

Ne mettent point dans le cercueil.

Les tiennes par moi publiées,
Je le jure sur les autels,
En la mémoire des mortels

Ne seront jamais oubliées;
Et l'éternité que promet

La montagne au double sommet,

N'est que mensonge et que fumée,
Ou je rendrai cet univers

20. Obliger, enchaîner, attacher par la reconnaissance, etc.

ΤΟ

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Comme en cueillant une guirlande,
L'homme est d'autant plus travaillé,
Que le parterre est émaillé
D'une diversité plus grande;
Tant de fleurs de tant de côtés
Faisant paroître en leurs beautés
L'artifice de la Nature,
Qu'il tient suspendu son desir,
Et ne sait en cette peinture
Ni que laisser, ni que choisir :

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41-44. Encore des vers pillés par Scarron, qui n'a point oublié d'en avertir le lecteur :

Vous serez encore pillé,

Prince de la rime normande :

Comme en cueillant une guirlande
On a l'esprit fort travaillé,
Quand d'une diversité grande

Le jardin se trouve émaillé.

Au reste, Malherbe avait imité lui-même dans cette strophe les vers suivants de l'ode de du Bellai au prince de Melfe :

Mais comme errant par une prée,
De diverses fleurs diaprée,

La vierge souvent n'a loisir,
Parmi tant de beautés nouvelles,
De reconnoître les plus belles,

Et ne sait lesquelles choisir.

Ainsi confus de merveilles,
Pour tant de vertus pareilles
Qu'en toi reluire je voi,
Je perds toute connoissance,
Et pauvre par l'abondance
Ne sais que choisir en toi.

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