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VIE

DE LA FONTAINE,

PAR M. DE MONTENAULT.

LE rang et les dignités ont souvent jetté de

l'éclat sur de petits hommes qui possédoient de grands emplois. Les conseils qu'ils reçoivent, les secours étrangers qui leur viennent, le bonheur même d'une infinité de hazards, et la flatterie, s'empressent de déguiser leur juste valeur, et de lier leurs actions aux événemens de l'Histoire les plus remarquables. C'est ainsi que leur nom, soutenu des mains de la fortune et décoré d'une gloire qui leur fut absolument étrangere, parvient à s'échapper de l'oubli. Placés ailleurs, dépouillés de leurs titres et réduits à leurs propres forces, ils n'eussent peut-être rien laissé de singulier après eux que la mémoire de leur parfaite inutilité. Car ni l'importance des emplois, ni l'amas des circonstances les plus bruyantes, ne nous distinguent point parmi ceux qui pensent et qui savent juger. Pour bien connoître les hommes, c'est dans leur vie privée, dans leurs actions les plus simples et les plus naturelles, qu'il faut les prendre c'est là qu'ils n'ont d'autres titres

pour être tirés de la foule, que leurs vertus, leurs talens, et leur esprit. C'est là, c'est dans leur ame que résident les droits légitimes et personnels qu'ils ont à notre estime : tout le reste n'est point à eux ; et dans ce sens, il n'est point de légers détails qui ne soient intéressans et qui ne caractérisent une partie essentielle de ce qu'ils sont. C'est ce qu'a reconnu La Fontaine en nous donnant la vie d'Esope. Je ne saurois mieux faire, en écrivant la sienne, que de suivre son exemple. En effet soustraire les petites circonstances de la vie d'un Homme illustre, c'est, à mon avis, dérober un plaisir véritable aux Lecteurs curieux, et les priver des moyens les plus sûrs de bien démêler ce qu'il vaut.

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C'est pourquoi j'ai tâché, en rejettant toutes puérilités, toutes anecdotes vulgaires, de recueil, lir la plupart des choses que j'ai trouvées épar ses en différentes sources, et qui m'ont paru les plus propres à peindre l'esprit et le caractere de ce grand Homme, dont la vie se rencontre par tout sans être nulle part. (*)

(*) J'emploie ici l'expression dont se servit Mr. l'Abbé d'Olivet, de l'Académie Françoise, lorsque je le consultai sur le projet de donner une vie de La Fontaine, et je m'en sers avec d'autant plus de reconnoissance, qu'en ayant lui-même composé une, très-succinte à la vérité, dont je me suis aidé, son jugement justifie la hardiesse et la nécessité de mon entreprise.

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Jean de La Fontaine, nâquit le 8 Juillet 1621, à Château-Thierry, ville de la Brie, située sur la Marne, Son pere, issu d'une ancienne et honora ble famille bourgeoise, y exerçoit la charge de Maître particulier des Eaux et Forêts; et sa mere, Françoise Pidoux, étoit fille du Bailli de Coulommiers, petite ville à treize lieues de Paris.

Son éducation ne fut ni brillante ni secondée des soins et de l'habileté qui font naître les talens. Mais la nature préserva la force des siens de l'affoiblissement, et peut-être de l'extinction, ou ils auroient pu tomber par l'incapacité des maîtres de campagne, qui ne lui apprirent qu'un peu de latin. C'est tout ce qu'il dût aux premieres instructions de sa jeunesse.

A l'âge de dix-neuf ans, il voulut entrer dans l'Oratoire, on ne sait trop par quelle inspiration. Mais il n'avoit point consulté son caractere, qui commençoit à se décider, et qui l'éloignoit de tout assujettissement. Les regles et les exercices, en usage dans cette Congrégation, lui devinrent bientôt un pesant fardeau : son humeur indépendante ne put s'y plier; il en sortit dix-huit mois après.

Rentré dans le monde, sans choix d'occupa tions et sans aucune vue particuliere, ses parens songerent à le produire. Son pere le revêtit de sa charge; on le maria avec Marie Hericart, fille

d'un Lieutenant au Bailliage royal de la FertéMilon, qui joignoit à la beauté beaucoup d'es prit. Il n'eut, pour ainsi dire, point de part à ces deux engagemens: on les exigea de lui, et il s'y soumit plutôt par indolence que par goût. Aussi n'exerça-t-il sa charge pendant plus de vingt ans, qu'avec indifférence : et quant à sa femme, qui étoit d'une humeur impérieuse et fâcheuse, il s'en écarta le plus qu'il put, quoi qu'il fit cas d'ailleurs de son esprit, et qu'il la consultât sur tous les ouvrages qui lui donnerent d'abord quelque réputation. C'est elle qu'il a voulu dépeindre, dans sa nouvelle de Belfégor, sous le nom de Madame Honesta.

Belle et bienfaite.

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mais d'un orgueil extrême ;

Et d'autant plus que de quelque vertu

Un tel orgueil paroissoit revêtu.

Souvent les talens se développent par les inspirations que l'on reçoit dans la jeunesse. Le perc de La Fontaine aimoit passionnément les vers, quoiqu'il fut d'ailleurs incapable d'en juger, et plus encore d'en faire. Cette inclination lui étoit chere; il vouloit la voir renaître dans son fils qu'il ne cessoit d'exciter à l'étude de la Poësie. Mais ses instances redoublées n'avoient encore eu rien de séduisant pour le jeune La Fontaine.

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