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7. Il suit dela, concluent ces deux théologiens, qu'un chanoine qui aura passé plusieurs années sans prendre les trois mois permis par le concile ne peut l'année suivante en prendre davantage, parce que les vacances ne sont point dues en rigueur, mais seulement tolérées. Et c'est sur ce pied qu'on les doit regarder en France, où la résidence est de droit étroit. Or de toutes ces maximes dictées par la sagesse et avouées par l'équité, il résulte clairement qu'on ne peut se servir des deux mois d'allée et de retour que lorsqu'ils sont nécessaires, et qu'on ne doit les regarder comme tels que dans les cas qui peuvent être réduits à ceux dont parle le concile de Trente. Cela me paraft indubitable à l'égard des Eglises dont les rois ne sont point fondateurs. Il y aurait peut-être plus de difficulté par rapport aux autres. Mais outre que ceux qui sont parties ne sont jamais bons juges, se prouveront-ils bien clairement à eux-mêmes qu'un prince sage ait prétendu sans cause légitime déroger aux justes intentions de ses prédécesseurs? Or tant qu'ils seront dans le doute et surtout dans un doute de la nature de celui-ci, qui pourra les rassurer?

En attendant qu'ils prennent leur parti, et on ne le prend jamais mieux qu'aux pieds du Fils de Dieu, nous remarquerons : 1° avec Sainte-Beuve (1), qu'un chanoine qui jouit de ses trois mois de vacances ne peut ni nc doit pendant ce temps percevoir les distributions quotidiennes qui se donnent pour l'assistance aux heures de l'office; 2° avec la congrégation du concile de Trente (2), que la remise qu'un chapitre ferait de ces mêmes distributions à ceux qui ont profité de leurs vacances serait nulle de plein droit et qu'ils ne pourraient s'en servir en conscience; 3 avec le même Sainte-Beuve (3), qu'on ne peut sans abus régler par une conclusion capitulaire que les chanoines auront chaque semaine un jour franc pour vaquer à leurs propres affaires, ou même pour prendre quelque relâche, si ce n'est en déduisant ces jours sur les deux ou trois mois d'absence qui leur sont accordés, ou plutôt qui sont tolérés par les constitutions canoniques; 4° avec MM. Lamet et Fromageau (4), qu'un chanoine qui au delà de ses trois mois s'absente, même pour prêcher l'Avent et le Carême dans le diocèse ou ailleurs, ne peut être réputé présent, à moins que l'évêque ne Pait choisi pour cette fonction. Et celui-ci, quand même le chapitre serait exempt de sa juridiction, aurait droit non-seulement de lui refuser la permission de prêcher, mais encore de l'obliger à la résidence, parce que c'est un point qui regarde la discipline et la correction des meurs, et que l'une et l'autre appartiennent à l'évêque, selon l'esprit du Concile de Trente; 5° qu'il faut raisonner de a même manière d'un théologal, qui va

(1) Sainte-Beuve, t. I, in-fe, cas 42, pag. 109, diffic. 7. (2) Voues Fagnan sur le chap. Licet, de Præbendis, n. 39; fit. Ill Decret. part. 1, et Pontas, ve Distribution ,

Cas 8.

(3) Sainte-Beuve, ibid., cas 43, question 2

precher le Careme ou l'Avent dans un autre diocèse, parce que l'évêque ou le chapitre nomment pendant ce temps un autre prédicateur pour leur Eglise. Sainte-Beuve, qui donne cette décision, la fonde sur ce que, quoiqu'un théologal ne soit pas alors obligé de prêcher dans la cathédrale, il ne laisse pas d'être toujours obligé à la résidence pour enseigner. J'aimerais mieux dire qu'il n'est pas théologal pour prêcher où bon lui semble, mais qu'il l'est, ou pour prêcher dans sa propre Eglise, quand rien he l'en empêche, ou pour y faire les fonctions de chanoine quand il ne peut y en remplir d'autres. Ce dernier est pour lui de justice, l'autre n'est pour lui, comme pour ses confrères, que de charité. Or, toutes choses égales, les delles de justice sont toujours les plus rigoureuses.

8. J'allais finir, quand je me suis aperçu qu'il me restait encore deux questions à examiner la première, si un chapitre peut dispenser de l'assistance à matines un chanoine jubilaire, c'est-à-dire un homme qui a vingt ou trente ans de service dans son Eglise ; la seconde, s'il peut au fmoins en dispenser par une loi générale les sexagénaires. La décision de ces deux difficultés nous coûtera peu, parce que d'habiles gens l'ont donnée avant nous.

Nous répondons à la première avec M. de Sainte-Beuve (5), qu'un chapitre ne peut dispenser ni de matines ni du point les chanoines jubilaires, et que l'usage où sont plusieurs Eglises de le faire hors les jours de grand double et ceux où les jubilaires sont en semaine, est un vrai et parfait abus, qui par conséquent ne peut rassurer ceux qui voudraient profiter d'une indulgence si mal entendue. La raison en est toute simple, c'est qu'un chapitre ne peut déroger ni aux décrets des conciles généraux ni aux constitutions du siége apostolique, qui font loi dans l'Eglise. Or les conciles de Bâle et de Trente (6) n'ont reconnu pour cause légitime d'absence de l'office canonial que l'infirmité, les justes besoins du corps, l'évidente utilité de l'Eglise, et il se peut très-bien faire que rien de tout cela ne se trouve dans un jubilaire. On peut l'être à quarante ans dans une collégiale où l'on aura commencé d'être chanoine à l'âge de dix. Or l'infirmité qui serait la raison la plus plausible n'est pas l'apanago ordinaire d'un homme de quarante ans. S'il se trouve dans quelqu'un des autres cas qui font exception à la loi, il usera du privilége, mais ce ne sera pas en vertu de son âge. La faiblesse des motifs dont on appuyait l'opinion contraire deviendrait une nouvelle preuve pour la nôtre. On peut lire les deux auteurs que nous avons cités.

Cette première réponse emporte la solution de la seconde difficulté. Dès qu'une loi supérieure assujettit à l'office tous ceux qui ne sont point dans le cas qu'on vient de mar

(1) Lamet, v Chanoine, cas 11, pag. 615

(5) Sainte-Beuve, t. I in-4°, cas 191, p. 563; Pontas Chanoine, cas 16.

(6) Concil. Basil., sess. 21, et ex ipso pragmatica sanctio; Trid. sess. 24, cap. 1, de Reformal.

quer, un sexagénaire ne peut s'en affranhir, et les égards que sa compagnie, dans l'espérance d'un sort pareil, aurait pour lui, ne pourraient lui servir devant Dicu, parce que la loi du supérieur ne peut être abolie, ni suspendue par l'inférieur (1). D'ailleurs, combien de chanoines à l'âge de soixante ans supportent avec courage et les offices et le jeûne du carême! Et quel meilleur usage peuvent-ils faire des forces que Dieu leur conserve, que de les employer jusqu'à la fin à son service? Le fond de cette décision est de trois docteurs de Sorbonne : on la trouvera dans le recueil de M. du Candas, page 270 de la seconde édition. Peut-être qu'elle ne sera pas du goût de ceux qui exemptent du jeûne les sexagénaires (2); mais qu'importe, pourvu qu'elle soit du goût de la vraie piété et de la religion?

V. DES PEINES D'UN CHANOINE QUI MANQUE A L'OFFICE, ET DE CEUX QUI LE FAVORI

SENT.

(Ouvrage cité, ch. 6.)

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1. Première peine d'un chanoine qui manque à son devoir, la colère de Dieu. 2. Seconde peine, la perte des fruits. 3. Et par conséquent l'obligation de restituer. 4. Cas de celui qui dit au chœur son office en particulier, en tout ou en partie. - 5. Tout le corps peut être coupable du péché de quelques particuliers. Obligation des supérieurs. 6. Besoin qu'ils ont de prudence pour corriger les abus. 7. Ceux qui sont à la tête d'un chapitre sont quelquefois obligés de restituer, pour ne s'être pas opposes au désordre. - 8. Devoirs et peines du pointeur et du trésorier. 9. A

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qui se doit faire la restitution des fruits injustement percus ? - 10. Le chapitre ne peut les remettre aux coupables qu'en certains cas. 11. Obligation d'un directeur de chanoines.

1. Les plus rigoureuses peines que puisse encourir un chanoine qui n'assiste pas exactement ou qui assiste sans piété aux divins offices, sont sans doute le trouble et l'horreur de sa conscience, s'il en a encore; la juste indignation des gens de bien, qui sont témoins et qui gémissent de sa conduite, el plus encore la colère de Dieu et le redoutable jugement qu'il prépare à ceux qui négligent son culte et ses cérémonies (3).

A ces peines, qu'un cœur qui n'est plus chrétien, ou qui ne l'est que faiblement, regarde comme des visions éloignées (4), l'Eglise ou plutôt la nature a joint les siennes. Or ces peines doivent naturellement regar

(1) Lex superioris per inferiores tolli non potest. » Clement. Ne Romani, 2, de Electionne, etc.

(2) Voyez le troisième tome du Traité des Dispenses, Lettr. 39.

(3) Cave ne quando... negligas mandata ejus ( Domini Dei tui) atque judicia et cæremonias. Deuter. VIII, 11.

(4) Visio quam hic videt, in dies multos; et in tempora longa iste prophetat. Jerem. XII, 27.

(5) Voy. la note du n. 10, ch. 7, du traité de l'office divin, à l'article OFFICE DIVIN.

(6) Non cecidit ex omnibus verbis ejus in terram. I Reg. III, 19.

der, et le coupable, et ceux qui le favorisent, tels que sont le pointeur ou même le chapitre en corps. Reprenons chacun de ces arii cles en particulier.

2. Il est sûr d'abord qu'un chanoine qui ne compte pour rien la résidence, et lors même qu'il résiderait, il est bien probable que s'il n'est présent que de corps (5) aux divins offices, y fût-il, ce qui est bien rare, aussi modeste qu'un ange, ne gagne ni les gros fruits, ni les distributions quotidien. nes, ni les distributions manuelles. L'Eglise, qui ne juge point de l'intérieur, peut avoir égard à sa présence extérieure, mais cele présence vide et même outrageante sera-telle de quelque prix devant Dieu ? Ce Maltre si jaloux estimera-t-il un culte décharné, que le siècle, tout siècle qu'il est, n'agréerait pas pas s'il en connaissait les ressorts? Ces réflexions, aussi courtes que solides, devraient frapper, saisir, pénétrer de frayeur un grand nombre de jeunes gens, peut-être même bien des vieillards. Mais, par un renversement dont on ne peut trop s'étonner, elles déconcertent l'homme de bien, pour qui elles ne sont pas faites, et ne font pas la plus légère impression sur le serviteur infidèle qui ne devrait pas en perdre une parole (6). 11 detourne les yeux du miroir qui le rend trop aa naturel; il oublie sa laideur (7), et s'imagine que celui qui lui a donné des yeux, n'en a point pour le voir (8).

3. Disons-le donc encore une fois, sauf à n'être point écoutés. Un chanoine qui n'assiste que de corps et sans attention aux heu res canoniales, pèche et est tenu de restituer au prorata du temps qu'il a donné à une évagation volontaire. C'est le sentiment de Gerson, de Navarre, de Barbosa, de Cabassul el de plusieurs autres que Pontas a suivis (9. L'opinion contraire, quoique adoptée par des théologiens d'an grand nom, n'est ni asset bien fondée ni assez sûre pour tranquilliser. glise ne peut commander des actes intérieurs. La seule raison qui l'appuie, c'est que l'E Mais quand cela serait vrai en certains cas, comme dans celui du jeûne qui a pour objet une abstinence matérielle, cela ne pourrait l'être quand il s'agit de prière et d'oraison. parce qu'il n'y a de vraie prière que celle cu l'esprit s'élève à Dieu et s'applique à lui 10)

4. Disons en second lieu qu'un chanoine ne remplit pas son devoir lorsqu'il recite en particulier son office dans le chœur, soit pen dant la messe canoniale, soit pendant qu'es chante en musique (11). Ii doit s'unir intimement à toutes les parties du service et à cel les mêmes dont 'acquit est dévoluà d'autres C'est ce qu'ont défini un grand nombre de

(7) Hic comparabitur viro consideranti vultum nava tis suæ (id est, nativam faciet suamt) in speculo; co vit enim se, et abiit, et statim oblitus est qualis he Ep. Jacobi 1, 23 et 24.

(8) Qui finxit oculum, non considerat? Psal. XCXII, 9 (9) Pontas, 10 Restitution, cas 149, p. 621. (10) Voyez Cabassut, Theor., etc., lib. VI, c. 16, (11) Ce sont les termes de Pontas, re Chamoise, col Je suis faché que sa décision paraisse trop rizu Dans les musiques qui durent longtemps, il faut fre Son mieux pour s'unir à Dieu. D'ailleurs cela n'arrivè jul ei souvent.

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conciles, et ce que la droite raison aurait défini sans eux. In choro litteras aut libros non legat, dit le concile de Narbonne de 1609: Officium privatim non recitet... sed omnes divina officia el preces devote, attente et graviter simul cantent (1). Nemo ibidem, dit le premier concile de Milan sous saint Charles cum horæ in communi cantantur, legat vel dical privatim officium. Nam non solum officium quo obnoxius est choro subtrahit, sed et alios psallentes perturbat (2). J'omets à des sein les conciles de Sens, de Bourges, de Bordeaux, parce qu'ils disent tous la même chose (3). Or à ce premier principe je puis en ajouter un autre qui n'est pas moins sûr : c'est qu'un chanoine qui ne remplit pas ses obligations n'a pas droit à l'honoraire qui doit en éire la récompense, puisqu'il n'y a que le bon et fidèle ouvrier qui en soit digne (4). Si de ces deux principes il y a quelque conséquence à tirer, j'ose prier au nom de Dieu qu'on le fasse de bonne heure: il viendra un temps où on le ferait à pure perte. Je remarquerai seulement qu'il est surprenant que l'homme soit si peu d'accord avec lui-même. J'ai vu des gens qui pensaient comme moi avant que d'être chanoines, et qui l'étant devenus ont pensé différemment. La vérité change-t-elle quand les conditions changent? Le juge que nous avions hier n'est-il pas celui que nous avons aujourd'hui et que nous aurons dans tous les siècles (5)?

Comme je parle à des personnes qui ont de l'intelligence, il serait inutile de leur répéter que la partie étant à la partie ce que le tout est au tout, on n'est exempt ni de faute ni de restitution lorsqu'on viole la loi dans un point sans toucher aux autres. Ainsi un homme qui récite tout bas les leçons et les répons de matines, et qui, pendant qu'on les lit ou qu'on les chante au chœur, permet à son imagination d'errer au gré de ses fantaisies. pèche sans doute (6), parce que dans le temps même qu'il ne doit ni lire ni chanter, il doit concourir à l'office par une juste ct sainte attention aux paroles de ceux qui chantent ou qui lisent. Sa présence n'est donc alors que machinale, et il est dans le cas de celte loi qu'a fabriquée Pontas: Is non dicilur præsens alicui rei, dum ad aliud attendit (7).

Si de cette maxime on inférait qu'un chanoine qui n'arrive au chœur que vers la fin du Kyrie eleison ou du premier psaume, c'est-à-dire quand il faut arriver pour éviter la pointe, doit donc être aussi tenu à restituer, je répondrais deux choses que j'ai déjà insinuées : l'une, qu'une si petite partie et qu'une affaire imprévue peut faire omettre, do.t naturellement ne pas tirer à conséquence: l'Eglise, qui veut de l'exactitude, ne prétend pas qu'elle soit portée à une précision

P

(1) Concil Narb. cap. 10, de Capit. et Canonicis.

(2) Concil. Mediol. 1, an. 1565, п part., tit. Quomodo versandum in choro.

(3) Concil. Senon. cap. 8; Bituric. tit. 12, de Celebrat. dicini officii, ete. Voyez Pontas, vo Chanoine, cas. 6. (1) Dignus est operarius cibo suo. Mauh. X, 10. Si quis vult operari, non manducet. Il Thessal. III, 10.

(5) Jesus Christus heri et hodie; ipse et in sæcula.

pleine de trouble et d'anxiété (8): l'autre, que si un homme était coutumier du fait, qu'il y tombât de plein gré et qu'il ne donnât à Dieu que ce que la crainte des peines le force de ne lui pas refuser, je ne douterais point que sa conduite ne dût avoir toutes les suites d'une coupable négligence. C'est peu de chose qu'un psaume, mais lorsque son omission revient tous les jours, et souvent deux ou trois fois dans un jour, je n'y vois plus qu'une faute qui ne mérite point de grâce. Je ne m'étendrai pas davantage sur cette matière. Quand les principes sont aussi clairs, il n'y a que la cupidité qui arrête le cours des conséquences.

5. Ce qu'il y a de plus fâcheux dans les maux qui affligent les communautés, c'est qu'ordinairement ils font des complices. Le respect humain, la pusillanimité, la crainte de s'attirer à dos des hommes dont la langue distille le fiel et l'emportement, la complaisance pour des gens qui semblent en mériter, l'espérance du retour, le besoin d'une voix pour une place qui s'avance, toutes ces raisons amortissent le zèle et font oublier qu'au jugement du grand Apôtre, on est digne de mort, non-seulement quand on fait le mal, mais encore quand on consent à ceux qui le font (9). Faut-il qu'ayant de notre propre fonds un compte si effrayant, nous ayons encore le malheur de l'aggraver par l'iniquité des autres ?

Cependant il peut arriver qu'un chapitre entier se rende complice du péché d'un ou de deux particuliers. Le désordre qu'une sage fermeté arrêterait dans les membres devient le mal de tout un corps qui s'y prête, et il est surtout imputé à ceux qui, étant plus ou moins à la tête du troupeau, ont sur lui le droit aussi brigué qu'onéreux d'inspection.

Les obligations de ces derniers sont, 1° de se trouver les premiers à tous les offices; 2° de veiller à ce qu'ils se célèbrent aussi dignement qu'il est possible, eu égard au nombre, au temps et aux lieux; 3° de s'élever, mais toujours selon les règles de la pradence, contre ces statuts iniques qui ruinent en partie l'intention des fondateurs, et qui diminuent le culte de Dieu; 4° de ne souffrir jamais qu'on tienne pour présents ceux qui ne sont point dans quelques-uns des cas marqués par les saints canons. Je ne parle point de la modestie et de la régularité qu'ils doivent encore plus annoncer par leur exemple que par leur parole. Quelle idée auraiton d'un nombre d'ecclésiastiques qui souvent ne sortiraient de table que quand il faut aller à vêpres, et de vêpres que pour se répandre dans les cercles les plus dissipés?

6. J'ai dit qu'il ne fallait s'élever contre certains abus que selon les règles de la prudence. En effet, quoiqu'on ne doive jamais Hebr. XIII, 8

(6) Pontas, vo Chanoine, cas. 7, p. 618.

(7) Ce docteur cite la loi Coram Tilio, 209, . de verbor, significat. lib. L, tit. 16, qui n'a aucun rapport à ce qu'il veut dire. Mais son principe u'en doit pas souffrir. (8) Id., ibid., cas 11, pag. 621.

(9) Digni sunt morte... non solum qui ea faciunt, sed etiam qui consentiunt facientibus. Rom. 1, 32.

acheter une fausse paix aux dépens de sa conscience, il est des occasions où, à l'exemple de Dieu même qui n'empêche pas toujours le désordre, il faut souffrir de certains maux pour en éviter de plus grands. C'est sur ce principe que les trois docteurs que nous avons cités sur la fin du chapitre précédent, après avoir décidé qu'un statut qui exemple de matines ou du point les chanoines sexagénaires est abusif; que le doyen doit représenter à sa compagnie qu'elle a passé ses pouvoirs en accordant celte sorte de dispense; qu'il est obligé d'employer tout ce qu'il a de crédit pour en obtenir la révocation, et que si les voies de douceur n'avaient pas le succès qu'il en peut espérer, il est en droit de porter l'affaire devant l'évêque, s'il est supérieur du chapitre (1): c'est, dis-je, sur ce principe que ces messieurs ajoutent que ce même doyen n'est pas obligé de soutenir un procès contre sa compagnie, ni de la traduire devant les séculiers (2); outre que c'est un scandale épargné au public, on obtient par la patience dans un temps ce qu'on jugeait impossible dans un autre.

7. Lorsqu'un prévôt, un grand chantre ou plusieurs membres d'un chapitre ne souffrent le mal que parce qu'ils ne peuvent l'empêcher, ils ne sont responsables ni de la cause ni des suites. C'est tout autre chose lorsqu'ils y consentent, et ils se trouvent, souvent sans y penser, dans le cas de cette ancienne maxime qui n'est jamais plus vraie qu'en matière de justice: Facientem et consentientem par pæna constringit. Ainsi ils sont obligés à restituer au défaut de ceux dont ils ont mal à propos favorisé l'injustice. Peut-être que la boune foi les en excuse de temps en temps, mais cette bonne foi n'est pas aussi commune que l'on pense. Je crois bien que la décision de deux ou trois anciens, qui ne manquent ni de capacité ni de vertu, peut quelquefois rassurer tout un corps, mais ce ne sont pas ordinairement les personnes les plus sages et les plus éclairées qui ouvrent des avis capables de porter coup à la discipline; ils ont au contraire grand soin de s'y opposer. Or dans ces conjonclures, on ne prend guère un mauvais parti que par sa faute. Ce qu'on pouvait faire de moins, c'était de suspendre son jugement et de consulter. Plusieurs chapitres l'ont fait dans la suite des temps, comme il paraît par ce grand nombre de décisions que nous avons rapportées. Dieu veuille avoir eu égard à la simplicité ou à l'ignorance de leurs prédécesseurs!

(1) L'évêque a plusieurs droits sur les chapitres, même exempts. Il peut y assister lorsqu'il s'agit des biens de J'Eglise et du service du roi. Le chapitre ne peut sans lui réduire les anciennes fondations, sous prétexte que les fonds ne suffisent plus, etc. Pourquoi ne pourrait-il s'op poser à des abus qui énervent la discipline, qui se jouent de l'intention des fondateurs, qui diminuent le culte public?

(2) Recueil des décisions, p. 277.

(3) « Punctator... pro pratternisse omissteve cuiuslibet Bola aut punctationis ratione, de suo tantumdem det, quod ad_Ecclesiae ustum convertatur. » Concil. Mediol. iv, part. "Constitut., tit. de Distribut

(4) Thesaurarius capituli, sive alius, quocumque is

8. Ni l'une ni l'autre ne peuvent servir à excuser un chanoine qui, commis par le chapitre pour piquer ceux qui viennent trop tard à l'office ou qui en sortent avant qu'il soit fini, fait grâce à un ami, à un parent, à un protecteur. Non-seulement il pèche, parce qu'il trabit dans une occasion importante, et son ministère et ceux qui le lui ont confié, mais encore il est obligé de restituer, parce qu'il donne à un serviteur infidèle ce qui n'appartient qu'à ceux qui ont fait leur devoir dans toule son étendue. C'est la décision du quatrième concile provincial de Milan, auquel présida saint Charles en 1576 (3). Et quel homme a jamais mieux saisi et plus parfaitement suivi l'esprit et les vues du concile de Trente? Ce que ce grand archevêque dit d'un chanoine qui ne pointe pas ceux qui méritent de l'être, il le dit de celui qui paye à ceux qui ont été pointés (4). Tout cela parle de soi-même. Un homme qui coopère à l'injustice est quelquefois plus coupable que celui qui la commet. Il serait inutile d'appuyer cette résolution de l'autorité de Pontas ou du P. Alexandre (5); la seconde ne souffre point de difficulté.

9. Mais à qui se doit faire cette restitution? Pour éclaircir ce point qui est intéressant, il faut se rappeler qu'un préhendé peut se rendre indigne des fruits de son bénéfice, ou parce qu'il s'absente du chœur, ou parce qu'il n'y assiste que de corps, c'est-à-dire sans chanter ou sans donner à ce qu'il chante ce degré d'attention dont un homme est capable avec les secours ordinaires de la grâce.

Dans le premier cas, c'est aux chanoines qui ont été assidus qu'il doit restituer, parce que c'est à eux qu'il a fait tort en les privat des distributions qu'ils avaient droit de partager entre eux. Ainsi ce serait en pure perie qu'il restituerait aux pauvres, à moins quil ne le fit de l'aveu de ses confrères. Cette rè gle doit avoir lieu par rapport au pointeur. parce que la raison de la règle tombe sur lui autant que sur personne.

Si le chapitre entier avait connivé à l'injustice par quelque statut semblable à ceux que nous avons combattus, il faudrait suivre pour ce premier cas la règle que nous allons établir pour le second. S'il n'y avait eu qu'une partie des chanoines qui se fût prêtée à un mauvais règlement, la restitution ne devrait tourner qu'au profit de ceux qui n'y auraient pas consenti.

Si une Eglise n'avait point adopté l'usage des distributions quotidiennes, si justement recommandé par le saint concile de Trente 6',

nomine dicatur, qui quotidianas distributiones porter curet ipsas unicuique distribuendas pro rata parte l et officii... Is distributiones eorum qui absentia vel erra causa notati fuerint ne persolvat, si id fecerit, tantum de suo det quod in Ecclesiæ usuni conferatur, et ob eri causam etiam unius mensis distribationes amittat » Coa Mediol. 1, part. n, cap. 45. Cette dernière peme, ex unius mensis, etc., n'a lieu que dans les Eglises où che s établie.

(5) Pontas, v Chanoine, cas 15. Nat. Alexand. it

pra, reg. 13.

(6) Ne qua in parte minuatur divinus cultus, sed e' d bitum omnibus in rebus obsequium præstetur, statu cla synodus in Ecclesiis tam cathedralibus quam cum ↑

comme ceux qui auraient alors été exacts n'auraient rien perdu par la présence supposée de leurs confrères, ce ne serait pas à eux qu'il faudrait restituer. Le trompeur qui s'est donné, ou qu'un prévaricateur a donné pour présent, rentrerait dans le second cas dont nous allons parler.

Or dans ce second cas, qui est celui d'un chanoine dont la présence n'a été qu'illusoire et purement mécanique, la restitution doit se faire à l'Eglise ou aux pauvres. C'est ainsi que l'a statué Léon X par sa septième bulle, qui est du 5 mai 1514. Statuimus, dit ce ponlife, ut QUI OFFICIO SUO Defuerit, fructus BENEFICIORUM lamquam injuste perceptos, in fabricam hujusmodi beneficiorum, vel pauperum eleemosynas erogare teneatur (1). Le bien qui se fait à la fabrique remplit l'intention des fondateurs, qui ont toujours compté pour beaucoup la dignité du culte. Celui qui se fait aux pauvres dédommage ces mêmes fondateurs de la perte qu'un mauvais chanoine leur a fait souffrir.

10. Mais ce dernier ne pourrait-il pas, du consentement de son chapitre, retenir les fruits qu'il a injustement perçus? Il semble qu'une remise de celle nature n'aurait rien de blamable. Cependant le concile de Trente l'a très-expressément condamnée. Distribuliones vero, ce sont les termes de cette sainte et judicieuse assemblée (2), qui statis horis interfuerint, recipiant. Reliqui, quavis collusione aut remissione exclusa, his careant. C'est que, si l'usage de ces condonations mutuelles s'était établi, on serait rentré dans tous les inconvénients que l'Eglise a voulu éviter. Comme réellement et de fait on n'aurait rien perdu, la résidence n'eût pas été plus gardée qu'elle ne l'était auparavant. On aurait remis à Pierre son absence, il aurait remis la sienne à Paul. Au moyen de cette collusion le scandale aurait subsis é.

Il y a cependant des cas où l'on peut traiter un chanoine avec plus d'indulgence. La pauvreté qui pourrait l'obliger à quelque chose d'indécent pour son état, un exil dispendieux, quoique peut-être trop mérité, et autres raisons semblables, sont des titres qui peuvent sans conséquence lui procurer la compassion de ses confrères. Quelquesuns y ajoutent la circonstance d'un service important qu'un homme aurait rendu à sa compagnie dans le temps de ses absences (3). Il est sûr que la justice ne doit pas exclure la reconnaissance. Je passerais sans peine ce dernier cas, parce qu'il est rare, qu'il est exempt de collusion, et que dès lors il ne peut avoir de suites fâcheuses.

Lis, in quibus nullæ sunt distributiones quotidianæ, vel ita tenues ut verisimiliter negligantur, tertiam partem fructuum et quorumcumque proventuum et obventionum, 1am diguitatum quam canonicatuum, etc., separari debere, et in distributiones quotidianas converti, quae inter digui tates obtinentes, et cæteros divinis interessentes, proportionabiliter, juxta divisionem ab episcopo, etiam tamquam apostolicæ sedis delegato... dividantur; salvis tamen consuetudinibus earum Ecclesiarum in quibus non residentes seu non servientes, nihil vel minus tertia parte percipiunt. Trident, sess. 21, cap. 3, de Reformal

(1) Bulla Superne dispositionis, torn I Bullari, pag.

11. Toutes ces considérations mûrement et sérieusement examinées démontrent à l'œil que pour se sauver dans l'état de chanoine l'on a besoin de vigilance, et qu'il y faut plus de ferveur que dans toute autre condition. Elles démontrent en même temps que le confesseur d'un chapitre doit joindre à beaucoup de lumières beaucoup de fermeté. Malheur à lui si pour se ménager ou pour ménager à son corps un emploi honorable et lucratif, il passe à d'autres ce qu'il n'oserait se passer à lui-même. Il faut avant tout qu'il connaisse parfaitement toutes les obligations de ceux qu'il doit diriger; qu'il soit ferme à en maintenir l'observance ; qu'il regarde comme de vains prétextes de s'en abstenir tous ceux qui ne sont pas conformes à la loi; qu'il mette de niveau une résidence muette avec la non-résidence ; que sur les statuts et sur les usages dont l'équité serait douteuse il engage ses pénitents à consulter des personnes aussi sages qu'éclairées et à s'en tenir à leur décision, et qu'enfin il soit exact à faire restituer ceux qui se trouvent dans les cas marqués par les canons ou par le jugement des meilleurs théologiens: savoir si lorsque parignorance ou par faiblesse il manque d'enjoindre celle restitution, il n'en devient point chargé en son propre el privé nom; c'est une difficulté générale, qui se doit trailer ailleurs. (L'on en trouvera la discussion dans l'ouvrage (4) où l'auteur de cet extrait a soutenu son premier sentiment contre un étranger qui en avait adopté une partie et combattu l'autre.)

CHANT.

Il s'agit ici du chant ecclésiastique. F'oy. le Dictionnaire liturgique.

L'Eglise a toujours regardé le chant comme un moyen très-puissant pour attirer les fidèles au service divin, et les porter à la dévotion. Mais si rien n'ajoute plus à la beauté el à la pompe de nos cérémonies religieuses. que l'exécution parfaite des pièces de chant qui composent l'office de quelque fête, rien aussi ne détruit plus leur effet, ne cause plus de distractions et ne détourne plus de nos temples, que d'entendre dans un chœur, au lieu de cette harmonie majestueuse qui pénètre l'âme et la remplit, un désordre, une cacophonie produite par la dissonance des voix et par l'inhabileté des chantres. De là il est facile de voir combien la science du chant est utile non-seulement aux ccclésiastiques, mais encore aux simples fidèles. C'est dans la vue de leur enlever les difficultés et de leur en faciliter la pratique, qu'on 554. J'ai remarqué dans le dernier chapitre de la première partie, n. 16, qu'il n'est point sûr que par la fabrique on doive entendre les réparations du bénéfice dont on st possesseur. Il faut dire la même chose des maisons et au. tres biens qui seraient affectés à telle dignité ou à telle prébende en particulier.

(2) Trident. sess 24, cap. 12

(3) Vide opus inscriptum: Nora declarat. cardinalium. . ex bibliot. ill. cardin. Roberti Bellarmini, in citatum mox Tridentini locum, n. 26, p. mihi 412.

(4) Continuat. prælect. Honor. Tournely, tʊmė II, part. 1, cap. 8, uum. 836, pag. 747.

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