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effet, l'idée exprime son objet parfaitement ou imparfaitement, formellement ou par analogie, mais elle l'exprime toujours. Il n'en est pas de même des termes. Voilà pourquoi il y a tant de disputes qui naissent des mots et qui tomberaient immédiatement si les idées étaient fidèlement traduites. De Maistre a donc pu dire que « les mots engendrent presque toutes les erreurs ». 96. Prévenir, dissiper les équivoques : connaitre toutes les propriétés des termes. Puisque les équivoques sont si fréquentes et si fàcheuses, il faut s'appliquer à les dissiper et à les prévenir. A cet effet, on distinguera toutes les propriétés, tous les usages des termes, toutes leurs significations. Quelle est leur valeur et dans quels sens sont-ils pris par l'auteur? Ce sens est-il collectif ou distributif, etc.? Et puis quelle part faut-il faire à la métaphore, à l'exagération, à la réticence? La lettre ne doit pas trahir l'esprit.

Remarquons bien que tous les termes, même les moins ambigus par eux-mêmes, peuvent avoir, suivant les circonstances, et surtout suivant l'intention de l'auteur, des sens très différents. Que sera ce, si ces termes ont dû être traduits d'une langue dans une autre, et cela plusieurs fois, et par des interprètes peu exacts! Soit, par exemple, le terme d'homme, qui est des plus simples: il peut signifier un substantif, un être raisonnable, une substance, un abstrait, un genre. Soit, d'autre part, les propositions suivantes : L'homme est sage. Il est insensé. İl est bon. - Il n'y a pas d'être plus pervers. Tout cela est vrai de quelque manière, mais il faut distinguer entre hommes et hommes, et, dans le même homme, le moment où il cède à ses bons sentiments, et celui où il cède à ses instincts dépravés.

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97. Clarté du français. La langue française prête beaucoup moins à l'équivoque que la plupart des autres. Grâce à la construction de la phrase, à l'impossibilité de confondre le sujet avec l'attribut, grâce aux articles qui déterminent les mots, le sens est le moins douteux possible. Faisons seulement une ou deux comparaisons. Soit cette proposition latine: Homines sunt sapientes. Elle est ambigué, et nous ne pouvons la traduire en français sans l'expliquer, sans dissiper l'équivoque. Nous dirons donc, suivant l'intention de l'auteur : Des hommes sont sages, ou bien Les hommes sont sages, etc. Considérons cette autre proposition latine: Verus philosophus est vir beatus. On ferait évidemment un contresens en traduisant L'homme heureux est un vrai philosophe; mais la construction latine n'exclut point par elle-même cette traduction. Sans doute le contexte pourra d'ordinaire nous éclairer; mais chaque phrase et même chaque mot devrait toujours porter avec lui sa lumière.

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Quoi qu'on fasse cependant, le langage donnera toujours quelque prise à l'équivoque. Il faut donc, pour ne pas prendre le change, entrer dans la pensée de l'auteur et avoir l'intelligence du sujet, distinguer le sens métaphorique du sens littéral, voir si l'auteur a usé d'hyperbole ou s'il a voulu, au contraire, dire moins pour faire entendre plus, etc. On ne saurait trop s'appliquer à bien comprendre un auteur ou un texte avant de le contredire, comme aussi on ne saurait trop s'appliquer à parler soi-même clairement et sans équivoque. A cet égard, une étude méthodique et philosophique de la langue, de chacun de ses termes et de toutes les idées élémentaires qui leur correspondent est très utile, sinon même indispensable.

CHAPITRE V

DE LA DÉFINITION ET DE LA DIVISION

Ne traitez de rien sans

98. La définition. d'abord le définir, nous dit Cicéron (1). Par la définition, en effet, on précise le sens des termes, on distingue et on éclaircit ses idées, on met de l'ordre dans toutes ses pensées. Nul philosophe n'a plus insisté qu'Aristote sur les avantages d'une bonne définition lui-même a donné l'exemple, et l'on peut dire, avec J. de Maistre, que sa métaphysique n'est qu'un dictionnaire.

C'est qu'une bonne définition, à la considérer dans l'esprit, équivaut à une notion claire. En effet, définir (de fin, limite), c'est marquer les points de séparation de l'objet que l'on considère d'avec tous les autres; c'est donc le distinguer et le reconnaître entre tous.

Considérée dans les termes qui l'expriment, la définition c'est la réponse par laquelle on satisfait à cette question qui vient aux lèvres si souvent et sur toutes sortes de sujets : Qu'est-ce que cela? (Quid?). De là le mot scolastique de quiddité (quidditas), qui signifie l'essence, la nature de la chose, essence ou nature

(1) « Omnis quæ ratione suscipitur de aliqua re institutio debet a definitione proficisci. ut intelligatur quid sit id de quo disputatur. » (De off. lib. 1, c. 2.)

que l'on détermine dans la réponse que l'on fait à la question : Qu'est-ce que cela? 99. La division. La définition, du moins la définition parfaite, est donc l'expression de la claire connaissance de la chose. La division ne fait qu'ajouter à cette première connaissance et la compléter. Diviser, en effet, c'est reconnaître les éléments de la chose, c'est assigner leur nombre et leur ordre, c'est pénétrer de plus en plus dans la nature de l'objet : en un mot, c'est passer de l'idée claire à l'idée distincte et même complète. La division est donc une analyse : par elle on descend de degré en degré jusqu'aux éléments premiers, jusqu'aux idées les plus simples.

100. Définition de mot; définition de chose. Toutes les définitions n'ont pas le même caractère ni la même perfection. Il y a d'abord la définition de mot ou nominale, et la définition de chose ou réelle. La première, pour être le plus souvent accessoire au sujet, n'en est pas moins utile; elle met sur la voie de la définition réelle; il arrive même qu'elle lui équivaut. Parfois elle consiste seulement à expliquer le nom de la chose par d'autres noms plus ou moins synonymes, analogues. On dira par exemple que le temps c'est une succession, une durée; que la vertu c'est l'innocence, l'honnêteté; que le courage c'est la valeur, la vaillance; et même, en passant d'une langue à une autre, on dira que la vertu c'est le virtus des Latins, que le courage c'est l'animus, le fortitudo.

On peut dire aussi que la définition nominale consiste à marquer de tel mot tel concept, conformément à l'usage ou en vertu d'un choix personnel. La définition nominale est donc a priori, pour ainsi dire;

elle est toujours vraie, du moins subjectivement; elle ne préjuge rien et sert de point de départ.

On compte souvent parmi les nominales des définitions telles que celles-ci; L'âme est le premier principe de vie. L'instinct est le principe de l'activité propre à l'animal. Mais ces définitions sont déjà des commencements de définitions réelles; elles sont ce qu'il y a d'incontestable en ces dernières. A cause de ce caractère, elles peuvent servir de principe dans une discussion aussi bien que les définitions de mot et, sous ce rapport, se confondre avec elles.

101. L'étymologie. A la définition du mot se rattache encore la définition étymologique. Elle est fort importante. On dira, par exemple, que la vertu vient du latin virtus (vis), qui signifie force, virilité; que la théologie est la science de Dieu; que la philosophie est l'amour de la sagesse.

Autre chose, sans doute, est l'étymologie d'un nom et autre chose sa signification ou sa définition réelle; il arrive même que la définition étymologique paraît en contradiction avec celle-ci : ainsi l'âme vient de anima, primitivement souffle, et c'est un esprit; intelligence vient de inter legere, lire au travers, et c'est une faculté spirituelle. Mais l'étymologie nous met toujours sur la voie de quelque ressemblance ou analogie; souvent même, comme nous venons de le voir, elle équivaut déjà à une définition réelle. De là son importance. L'étymologie des mots est ordinairement leur premier sens: c'est peu à peu que l'usage en a tiré une foule d'autres par voie d'analogie, de transposition, d'extension ou de restriction; de là ces ramifications de sens si intéressantes à suivre, qui portent avec elles un précieux enseignement. Prenons

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