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de tout raisonnement et de tout exercice de logique. Celle-ci ne s'applique pas seulement à bien penser, à bien juger, à bien raisonner : elle s'applique aussi et surtout à bien conclure et à bien démontrer.

22. La logique et l'erreur. Il arrive souvent que ces divers actes sont opposés les uns aux autres : on peut mal penser, mal juger et bien raisonner, c'est-à-dire tirer de légitimes conséquences. Ainsi font certains esprits, qui méconnaissent nombre de vérités essentielles, mais qui excellent à déduire toutes les conséquences pernicieuses contenues dans de faux principes. On les voit édifier de vains systèmes, fort bien liés, très cohérents, sur des fondements ruineux et absurdes. Ils pensent mal, ils jugent mal, mais ils raisonnent juste, beaucoup mieux que ces esprits faibles et indécis qui reconnaissent tous les principes de la métaphysique, de la religion et de la morale. chrétienne, mais reculent ou hésitent devant les conséquences les plus légitimes, les plus nécessaires, faute de pénétration ou de persévérance dans l'attention et la volonté. Bref, il en est des hommes comme des systèmes les plus logiques ne sont pas toujours les meilleurs. On voit les pires d'entre les hommes disputer aux meilleurs le mérite de la logique : nul n'est plus logique, après les saints, que les grands scélérats. Tout cela s'explique par ce qui a été dit : la logique ne s'attache pas d'abord à la vérité en elle-même, mais à sa recherche et à la manière de l'obtenir.

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23. La logique et la vérité. Toutefois, nous

le sujet, c'est la démonstration; le but, c'est la science de la démonstration. » (I Analyt. c. I § I. Trad. de Barth.St-Hil.)

ne voudrions pas opposer plus que de raison la logique à la vérité. Il est évident qu'en partant de faux principes pour arriver à des conclusions fausses, le logicien, même le plus scrupuleux d'ailleurs, pèche gravement contre la logique. On ne peut nier les principes de la métaphysique ou de la morale sans offenser ceux de la logique; car ils sont impliqués les uns dans les autres, ils sont les mêmes, pour ainsi dire, sous une autre forme. Soit, par exemple, le principe de contradiction, qui, sous sa forme ontologique, peut s'exprimer ainsi : il n'y a pas de milieu entre être et n'être pas; il devient, sous sa forme logique : il n'y a pas de milieu entre affirmer et nier. Toute logique avorte donc qui n'aboutit pas à une métaphysique vraie et à une morale pure. Et puis, on ne démontre que la vérité; et puisque la logique est la science de la démonstration, elle n'est parfaite qu'avec la vérité.

24. La logique est-elle une science ou un art? Sanseverino soutient qu'elle n'est qu'une science. D'autres pensent qu'elle est un art. Mais la plupart estiment qu'elle est également une science et un art, selon l'aspect sous lequel on la considère. C'est une science, car elle démontre, elle fait connaître son objet, c'est-à-dire les éléments de la pensée et les lois du raisonnement; et c'est un art, car elle établit et fait appliquer les règles du raisonnement et de la méthode. En d'autres termes, la logique est une connaissance tour à tour spéculative et pratique; elle ressemble, sous ce rapport, à la grammaire, à la géométrie, à la médecine, etc. « On ne sait souvent quel nom donner à la plupart des connaissances où la spéculation se réunit à la pratique, dit à ce sujet un écrivain philosophe dont les doctrines d'ailleurs ne sont

pas les nôtres, et l'on dispute, par exemple, tous les jours dans les écoles, si la logique est un art ou une science : le problème serait bientôt résolu, en répondant qu'elle est à la fois l'un et l'autre » (1).

25. Logique naturelle, logique artificielle. A considérer la manière dont la logique est acquise, elle est naturelle ou artificielle. La première est le fruit de la nature, et de l'expérience que tout homme fait nécessairement de sa raison. Elle suffit au commun pour trouver une foule de vérités nécessaires, surtout de l'ordre pratique. Dès les premières années de sa vie intellectuelle, l'enfant emploie, sans les remarquer, toutes les formes du raisonnement l'induction et la déduction, les preuves par la cause, par les effets et par l'absurde. Il apprend vite à prévoir, à supposer, à vérifier, à éviter ce qu'il craint, à préparer ce qu'il espère, à soupçonner une multitude de choses qu'il ne voit pas. Or tout cela résulte de raisonnements incessants. Cette logique naturelle sert de fondement à la logique artificielle ou scientifique. Entre les deux il y a la même distinction et les mêmes rapports qu'entre le bon sens, qualité si précieuse, quoique réputée commune, et la science, qui y ajoute infiniment, mais ne le remplace pas.

Disons encore, pour employer une comparaison bien connue et fort juste, que la logique artificielle est à la naturelle ce que le télescope est à l'œil qui s'en sert. Le télescope agrandit merveilleusement la portée et le champ de la vue, mais il ne peut rien qu'avec l'organe auquel il faut l'accommoder.

26. Nécessité de la logique scientifique.

(1) D'ALEMBERT, Encyclopédie, Discours prélim.

-Cette comparaison justifie déjà la logique scientifique et en montre toute la nécessité. Ceux qui ont pu en douter n'ont songé qu'aux sophistes et aux abus de la dialectique. Il est certain que tout savoir dont on abuse se retourne contre la raison dont il procède : ainsi en est-il de la logique artificielle, qui peut se retourner contre le bon sens, cette logique de tous. Mais quoique le bon sens ou la logique naturelle doive juger en définitive de la logique scientifique, il n'en est pas moins vrai que le bon sens ne suffit pas.

Il ne suffit pas, sans un art profond du raisonnement, à découvrir ou à s'approprier ces vérités scientifiques, aujourd'hui innombrables, dont s'éclaire l'esprit humain. En philosophie, en théologie, en histoire, dans les mathématiques, dans l'étude de la nature, il faut recourir sans cesse à des moyens d'investigation et de critique, sans lesquels rien n'est approfondi.

Pour ne parler que de la philosophie et de la théologie, l'insuffisance du bon sens apparaît toutes les fois qu'il est mis aux prises avec des sophismes subtils, des raisonnements captieux. Ils ne séduiront pas un esprit sensé; mais, pour bien s'en défendre, il faut les réfuter. Il est plus facile de dédaigner les vains systèmes qui outragent le sens commun que d'en montrer l'ab-` surdité. D'ailleurs cette impuissance de donner la réplique à l'erreur offre plus d'un danger : le bon sens réduit au silence et à la négation peut, à la fin, douter de lui même (1).

(1) Il semble que l'Apôtre ait eu en vue la nécessité de la réplique savante et l'ait prisée autant que la prédication ellemême dont il ne la sépare pas : « Ut potens sit exhortari in doctrina sana, et eos qui contradicunt arguere. Sunt enim multi... quos oportet redargui » (Epist. ad Tit. 1, 9-11)

Cette même logique, ingénieuse et exercée, qui nous permet de combattre avec succès les fausses théories, nous permet aussi de construire les systèmes véritables, d'assembler les vérités particulières en corps de doctrine, de les fortifier ainsi les unes par les autres. Sans une logique profonde, il n'y a pas de science parfaite.

Enfin l'on ne saurait s'étonner de la nécessité d'une logique savante, si l'on songe que c'est une loi générale pour la nature humaine d'être perfectionnée dans toutes ses facultés par des exercices prolongés et des habitudes diverses. L'homme ne se suffit pas, comme l'animal, avec ses instincts; il ne naît pas et il ne devient pas naturellement ouvrier, savant, homme de bien; ses vertus et ses meilleures connaissances sont le fruit d'une volonté appliquée, d'une étude persévérante, d'un travail méthodique. Donc la faculté de raisonner doit être cultivée et perfectionnée comme les autres par un exercice convenable et une habitude distincte. La méthode, le raisonnement scientifique, la logique artificielle, en un mot, est un instrument nécessaire et puissant au service de la raison. Prétendre que l'homme se suffit avec le bon sens, c'est dire qu'il se suffit en face de l'univers avec ses deux mains, qui sont les premiers organes. Celles-ci doivent chercher des auxiliaires dans les machines et autres instruments. C'est grâce à eux que le génie de l'homme règne sur la nature, élève des monuments, jette les ponts sur les fleuves et les vaisseaux sur l'océan. Ainsi fait-il avec la logique, quand il crée les sciences.

27. Erreur d'A. Comte. On voit maintenant l'erreur d'A. Comte, qui ne regarde comme possible et utile qu'une certaine logique appliquée, celle qui

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