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de l'idée et le droit d'affirmer rien de général sur les choses? Essayons de mieux déterminer l'objectivité de l'universel.

309. Comment l'universel est objectif. L'universel est objectif quant à ce qu'il exprime, mais non quant à la manière dont il l'exprime. C'est là un corollaire et une explication de la proposition précédente. L'universel, étant une idée, exprime quelque chose et c'est ce qu'il y a d'objectif en lui. Mais, d'autre part, il exprime d'une manière abstraite, générale, il est formellement une idée et une abstraction. Or l'abstraction n'est que dans l'esprit ; l'abstrait, comme tel, n'a point de place ailleurs; au dehors tout est concret et individuel. L'universel n'est donc pas objectif quant à la manière dont il exprime les choses, c'est-à-dire quant à l'universalité (1).

En d'autres termes, les choses nous sont connues réellement, mais suivant le mode de notre nature et non pas suivant le leur : l'être des choses connues est au dehors, et voilà ce qu'il y a d'objectif dans notre connaissance; mais le mode de les connaître est au dedans, et voilà ce qu'il y a de subjectif; les choses existent concrètement et nous les connaissons abstraitement; ce que nous percevons existe donc dans les choses, mais non pas avec cette unité, cette indépendance qu'il y a dans notre esprit.

̄ 310. Autre formule de la même doctrine. -C'est la même doctrine que les scolastiques formulent encore, en disant que l'universel est en puissance

(1) Gonzalez formule ainsi ces deux points de doctrine : «Dantur naturæ universales, quæ respondent vocibus et conceptibus universalibus nostri intellectus. Universalitas extra mentem non existit, sed consequitur actum intellectus. »

ou matériellement dans les choses, formellement et en acte dans l'esprit. Cette dernière formule se justifie par les précédentes et les explique à son tour. Ce que l'idée universelle exprime est comme la matière de cette idée, c'est ce qui permet à cette idée de se produire et de n'être pas vide : il est donc bien vrai de dire que l'universel est en puissance ou matériellement dans les choses.

D'autre part, la forme, l'unité sous laquelle se présente cette matière, l'acte qui la rend intelligible est quelque chose d'idéal : il est donc juste d'ajouter que l'universel est formellement et en acte dans l'esprit. Les scolastiques ne disent pas autre chose quand ils soutiennent que c'est l'intelligence qui, par l'abstraction, fait l'universel; elle ne le crée pas, sans doute, pas plus qu'elle ne crée l'objet de ses connaissances, mais elle le forme en elle, elle le conçoit.

311. Objections. -1° Ce qui n'existe pas comme tel ni ne peut exister comme tel est sans réalité, et ne peut être donné que dans l'esprit; or l'universel est ainsi; donc il est un pur concept.

Rép. Il suit de là que l'universel logique, formel, est un pur concept, un être de raison; mais il ne suit pas que l'universel direct soit sans réalité; en d'autres termes, il suit que l'universel n'a son acte et sa forme que dans l'esprit, mais il ne suit pas qu'il n'ait pas son fondement dans les choses.

2o Les universaux sont nécessaires, éternels, sans limites dans l'espace et le temps; donc ils se confondent avec Dieu et les idées divines.

Rép. Les universaux sont nécessaires, etc., en tant qu'essences logiques, pouvant être conçues éternellement et réalisées partout; mais les universaux

en tant qu'essences réelles, c'est-à-dire existantes et engagées dans les individualités, ne sont pas nécessaires, éternels, etc., d'une manière absolue.

3o Il n'y a de réel et d'objectif que les individus ; donc notre connaissance des universaux est toute subjective et le conceptualisme prévaut.

Rép. Il n'y a de réel et d'objectif que les individus; mais les individus de même espèce ont une nature commune, semblable, qui nous est exprimée et connue par les universaux.

On insiste en disant que l'individu n'est pas réellement distinct de sa nature; l'esprit ne peut donc saisir cette nature sans saisir l'individu; donc il n'y a pas d'idées universelles, ou du moins ces idées n'ont rien d'objectif.

Rép. L'individu est logiquement distinct de sa nature, et cela suffit pour qu'il soit connu dans sa nature sans l'être dans son individualité.

4° Pour trouver ce qu'il y a de commun entre plusieurs individus, c'est-à-dire pour former l'universel, il faut que l'esprit ait déjà un type, un terme de comparaison, c'est-à-dire que l'universel est nécessaire pour former l'universel. Donc l'universel préexiste dans l'esprit.

Rép. Il est faux que pour former l'universel l'esprit doive toujours parcourir plusieurs individus et les comparer à un type antérieur; il suffit qu'il considère l'individu, abstraction faite de ce qui le distingue des autres. Rien n'empêche ensuite l'esprit, au cours de son exercice, de se créer des types, des idées réfléchies, des classes, des genres, auxquels il compare les individualités qu'il observe.

CHAPITRE XVI

DES JUGEMENTS SUPRÊMES OU PREMIERS PRINCIPES DE LA CONNAISSANCE

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312. Questions à résoudre. Après avoir traité des universaux ou idées principales, nous traiterons des jugements suprêmes, qui en découlent immédiatement. Que faut-il entendre par ces jugements? Peut-on les réduire tous à un jugement unique, absolument premier? Quelles sont leur certitude, leur nature, leur valeur et quel est leur emploi, etc.? Telles sont les principales questions à résoudre, et voici, en substance, quelle est la réponse.

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THESE. Il n'y a pas de premier principe ou axiome qui serve proprement à démontrer toutes les vérités, mais il y a un premier principe auquel tous les autres, avec leurs conclusions, sont subordonnés de quelque manière; c'est le principe de contradiction: Il est impossible qu'une même chose soit et ne soit pas en même temps et sous le même rapport. - Vainement on a essayé de l'affaiblir; vainement aussi on a essayé d'affaiblir et de dénaturer le principe de causalité, — celui de raison suffisante, — et les principes induits, c'est-àdire fondés sur l'expérience.

313. Le premier principe. Il n'y a pas de premier principe qui démontre toutes les vérités 1° En effet, tout principe, de même que tout juge. ment, est analytique ou synthétique, de raison pure ou d'expérience. Or les jugements analytiques, de raison pure, sont incapables de nous donner par eux seuls des conclusions expérimentales; de leur côté, les jugements synthétiques ou d'expérience ne sont pas moins incapables de nous donner une conclusion de raison pure d'où il suit que nos conclusions ne peuvent pas se ramener toutes à un seul principe.

Que l'on réunisse tous les principes absolus que l'on voudra, tous les axiomes de géométrie, de mathématique, de métaphysique, pénétrons-les à fond: ils sont incapables de nous apprendre si le soleil existe. De leur côté, tous les jugements de pure expérience, comme j'existe, je sens, je vois, etc., ne nous donneront aucune conclusion de raison pure, ni même aucune conclusion générale, à moins qu'ils ne soient éclairés par quelque principe analytique ou de raison pure. Il y a donc un abîme entre ces deux sortes de jugements, qui servent de point de départ à l'esprit humain. Si nous ne plongions tout à la fois dans l'ordre expérimental par la conscience et les sens, et dans l'ordre intelligible, rationnel, absolu, par la raison, nous serions incapables de créer une science à la fois théorique et pratique : nos connaissances ne seraient que des théories ou des expériences. C'est l'alliance de ces deux sortes de jugements qui nous donne de savoir, de juger les faits à la lumière des principes rationnels et de nous élever aux conclusions générales au moyen des faits. A l'origine de nos connaissances il y a donc des faits, avec des jugements d'expérience,

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