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se suffire et de se créer toutes leurs convictions: le plus souvent on les reçoit toutes faites pour ainsi dire et sur la foi d'autrui. Mais malgré cet ascendant que prennent les esprits les uns sur les autres, particulièrement les plus forts sur les plus faibles, l'autorité, la raison commune n'est pas le motif dernier, absolu, universel de notre adhésion à la vérité : c'est toujours la raison personnelle, en vertu de quelque évidence, qui justifie de quelque manière toutes nos croyances et toutes nos convictions.

268. L'idée claire et distincte de Descartes. · Ni l'idée claire et distincte de Descartes n'est le criterium suprême de la vérité, à moins qu'on ne l'assimile à l'évidence de l'objet. On peut considérer, en effet, de deux manières l'idée claire de Descartes ou bien en tant qu'elle est une simple affection du sujet et un accord de ses propres pensées; ou bien en tant qu'elle est l'effet de l'objet sur l'esprit, c'est-à-dire en tant qu'objective. Considérée de la première manière, l'idée de Descartes ne peut être le criterium universel, car elle nous donne seulement la vérité logique, elle ne nous apprend rien sur les objets. Considérée de la seconde manière, elle n'est que l'évidence de l'objet, en tant que l'esprit en est éclairé. Quelle fut maintenant l'intention de Descartes? On peut en douter: en parlant d'une manière équivoque, il a laissé une porte ouverte au scepticisme. 269. La raison éternelle des choses. Ni la raison éternelle des choses considérée dans l'esprit divin n'est le criterium suprême de vérité. Ici nous nous séparons de Malebranche, qui prétend que notre esprit voit tout en Dieu. Mais il est faux que l'homme jouisse de cette vue personne n'en a conscience et

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ne recourt si haut pour critiquer ses opinions et celles d'autrui. Et voulût-on voir quelque chose de divin dans les principes supérieurs, éternels, absolus, qui éclairent toutes nos connaissances, qu'il faudrait convenir encore qu'ils ne nous éclairent que par leur évidence.

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Ni les pre

270. Les premiers principes. miers principes de démonstration ne peuvent être le criterium suprême de la vérité. Car ils sont irréductibles entre eux, comme nous l'expliquerons par la suite chacun d'eux est évident par lui-même et ne se démontre pas. Les uns sont de l'ordre expérimental, par ex. : j'existe; les autres sont de l'ordre rationnel et absolu, par ex. : le principe de contradiction. Or on ne peut prouver les premiers par les seconds, ni ceux-ci par les premiers. Il y a donc impossibilité de ramener toute science à un premier principe de démonstration; ce n'est pas de ce côté qu'il faut chercher l'unité de la science et le criterium suprême. De plus ces premiers principes ne sont pas absolument antérieurs à toute connaissance; car ce sont des jugements, et le jugement procède de l'idée ; ainsi le principe de contradiction relève de l'idée d'être et de celle de non-être.

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271. Opinion de Vico. En terminant, nous dirons un mot de l'opinion de Vico et de celle de Rosmini. Vico prétend que la vérité ne nous apparaît définitivement comme telle que lorsqu'elle est construite ou faite par notre esprit. De même que la géométrie n'est bien comprise que lorsqu'on s'est construit le monde géométrique et qu'on a prononcé toutes les lois qui gouvernent les sphères et autres figures, ainsi en serait-il de toutes les autres connais

sances. L'esprit ne deviendrait le maître de la vérité qu'autant qu'il en serait, pour ainsi dire, la cause ou du moins le législateur (v. no 362).

Critique. Cette opinion offre quelque chose de spécieux et même de vrai. On ne possède, en effet, la vérité qu'autant qu'on la fait sienne, c'est à-dire qu'on se l'assimile par une sorte de construction et de synthèse. Mais si c'est la construction ou la synthèse qui nous donne un système scientifique, ce n'est pas elle qui nous donne chaque vérité en particulier : le système suppose donc un criterium antérieur. Après cela, nous convenons que la belle ordonnance d'un système, la concordance de toutes ses parties est à elle seule un criterium de vérité de grande valeur. 272. Opinion de Rosmini. Quant à Rosmini, il cherche le criterium suprême dans l'idée d'être. D'après lui, elle serait innée et inséparable de l'esprit, dont elle serait la lumière permanente.

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Critique. Cette opinion peut paraître conciliable avec la nôtre; car cette manifestation de l'être qui permet la vue de toute vérité, n'est-ce pas l'évidence de l'objet ou l'être évident? Toutefois nous n'accepterons pas le langage de Rosmini, pas plus que nous n'avons accepté celui de Descartes, parce qu'il est équivoque.

273. Objections. 1° On nous objecte que l'évidence de l'objet n'est autre chose que la vérité de l'objet; mais la vérité de l'objet n'est pas le criterium de la vérité: on ne peut le dire sans tautologie.

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Rép. L'évidence de l'objet est, si on le veut, la vérité de l'objet, et cette vérité objective est le criterium de la vérité qui nous est communiquée et devient subjective; l'objet éclaire et mesure notre

esprit, voilà tout: il n'y a là ni contradiction ni tautologie.

2o L'évidence peut être fausse; elle a douc besoin elle-même de criterium.

Rép. L'évidence de l'objet ne peut être fausse. Quant à l'évidence qui n'est que subjective, ce n'est qu'un semblant d'évidence et un préjugé. Et si on nous objecte qu'il faudra un nouveau criterium pour distinguer l'évidence objective et l'évidence subjective, nous répondrons que ce criterium est inutile et impossible; car l'évidence objective se justifie d'ellemême. On ne distingue pas le soleil de son apparence par un troisième soleil, mais par le soleil lui-même : ainsi en est-il de l'évidence objective. C'est ainsi encore qu'on distingue l'état de veille de l'état de rêve, non point dans un troisième état, mais dans l'état de veille, qui est le plus parfait,

CHAPITRE XIV

DES CRITERIUMS EXTRINSÈQUES OU DE L'AUTORITÉ

274. L'autorité; ses espèces. La tradition. L'autorité (auctoritas: auctor, auteur), c'est le droit d'être cru, ou celui d'être obéi, le plus souvent l'un et l'autre, et le second en vertu du premier; c'est aussi la personne physique ou morale qui a ce droit. Ici nous ne parlons de l'autorité que par rapport à la croyance. Elle implique deux éléments ou deux conditions la science et la véracité. Celui-là seul, en effet, qui ne peut pas se tromper et ne veut pas tromper mérite d'être cru.

L'autorité est divine ou humaine. Elle est doctrinale ou historique. L'autorité doctrinale est celle des maîtres, des savants; l'autorité historique est celle des historiens, des narrateurs, des témoins. Ceux-ci sont contemporains des faits qu'ils racontent ou non; ils les ont vus, entendus, ou bien ils ne les connaissent que par le témoignage d'autrui.

Une série de témoins qui ont vécu en différents temps, et dont les premiers ont transmis aux suivants un même enseignement ou de mêmes souvenirs, constitue la tradition.

275. L'histoire : monuments, documents,

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