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251. Définition de Descartes. Critique. — Ces remarques nous permettent de critiquer la définition que Descartes nous donne de l'évidence, qu'il ne rattache pas assez à l'objet, son principe essentiel. « L'évidence, dit-il, est la perception claire et distincte de la convenance ou de la répugnance des idées entre elles. >> Mais cette définition est incorrecte ou équivoque. Les idées sont dans le sujet : percevoir les idées et en juger, c'est donc connaître le sujet plutôt que l'objet. Et puis l'évidence ne s'étend pas seulement aux idées, mais aux faits, elle s'étend à tout, et c'est la définir bien étroitement que de la regarder comme une simple perception d'idées. Enfin cette définition est dangereuse, elle ouvre la porte au subjectivisme, au phénoménisme; car, si l'évidence n'est que la perception de l'accord des idées, elle ne donne que la vérité logique, le vrai ne sera plus que ce qui paraît tel à chacun.

La définition de Descartes est donc fausse ou du moins insuffisante. Si telle évidence en particulier est une perception d'idées, ce n'est qu'autant que ces idées sont prises à leur tour pour objet; mais avant cette évidence logique ou psychologique, comme on voudra l'appeler, il y a l'évidence de l'objet ou ontologique, dont nous avons parlé dans notre thèse et qui les domine toutes (V. no 268.)

252. Evidence intrinsèque, extrinsèque; médiate, etc. On distingue encore l'évidence intrinsèque et l'évidence extrinsèque. Celle-ci est l'évidence de l'autorité ou des motifs de crédibilité. On a bien marqué cette distinction en disant que l'esprit cédait toujours à l'autorité de l'évidence ou à l'évidence de l'autorité. Mais l'évidence de l'objet et

celle de l'autorité, malgré cette alliance, sont fort distinctes. A proprement parler, il n'y a pas d'évidence extrinsèque, pas plus qu'il n'y a d'autorité intrinsèque. Si les arguments d'autorité, en théologie, sont dits intrinsèques, c'est parce que cette science est fondée sur l'autorité.

Une autre distinction est celle de l'évidence en immédiate et médiate. La première est donnée sans moyen terme, par un seul coup d'œil de l'esprit; la deuxième est le fruit d'un raisonnement : ainsi l'évidence, après démonstration, d'un théorème de géométrie.

253. Preuves le criterium suprême est objectif. — Prouvons maintenant notre affirmation. 1° Qu'il y ait un criterium suprême, nous l'avons déjà montré en faisant remarquer que sans ce criterium la science humaine manquerait d'unité. Mais il faut ajouter maintenant que l'évidence objective est ce criterium nécessaire. C'est ce que nous ferons en montrant qu'il doit être cherché du côté de l'objet et qu'il ne diffère pas de la manifestation de celui-ci.

Il faut le chercher, disons nous, du côté de l'objet. Car nous savons et nous sentons bien que nous recevons la vérité sans pouvoir la créer, nous en participons sans la produire, elle vient du dehors et non du dedans. On manque souvent la vérité, alors même qu'on la recherche, et on la rencontre alors même qu'on l'évite; tantôt elle se dérobe à nos désirs, et nous n'embrassons que des illusions, et tantôt elle s'affirme malgré tout notre dépit ou notre désespoir : une mère désolée ne peut, quoi qu'elle fasse, douter de la mort de son fils. Bref, la vérité s'impose, parce que notre esprit ne la mesure pas, mais se trouve

mesuré par elle. Il faut donc que le criterium formel de la vérité, celui qui nous la donne, celui qui change le vrai en vérité pour nous, soit objectif; c'est lui qui éclaire notre esprit, comme le soleil éclaire nos yeux. Or il ne peut être que l'évidence ou la manifestation de l'objet. L'évidence nous donne le vrai, parce qu'elle le contient; comme l'unité contient l'un; la vérité, le vrai; la bonté, le bien; la beauté, le beau.

254. Conditions du criterium suprême. 2o D'ailleurs l'évidence seule réalise toutes les conditions requises dans le criterium suprême. En effet, il doit être universel, c'est-à-dire s'étendre à tous les ordres de vérités; il doit être nécessaire à tous les autres criteriums, si bien que ceux-ci n'aient de valeur que par lui: bref il doit être le dernier motif de certitude.

Or l'évidence réalise toutes ces conditions. Elle s'étend à toute vérité, sensible ou intelligible, historique ou scientifique; toutes nos facultés de connaissance ne nous imposent leur témoignage, en dernière analyse, que parce qu'il est évident; nos motifs de certitude tirent toute leur force de l'évidence; sans elle tout est douteux, insuffisant, incapable dès lors de nous donner la vérité; elle seule justifie tout, explique tout, sans être justifiée et expliquée elle-même. Elle est donc le criterium cherché, elle l'emporte sur tous les autres dont elle est pour ainsi dire la forme supérieure et générale.

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moins contestée par Sanseverino.

1° Il ne nous paraît pas, dit-il, qu'il y ait un criterium unique et commun de vérité ajouté à nos facultés

de connaissance; car, si ces facultés sont telles qu'elles puissent percevoir la vérité, elle n'ont pas besoin d'un autre criterium qu'elles-mêmes. Tel est le sentiment général et celui des meilleurs philosophes anciens. Si nous demandons à quelqu'un pourquoi il ne doute pas de son existence, il répondra : Parce que ma conscience me l'atteste. Si nous lui demandons pourquoi il ne doute pas de l'existence des corps, il répondra Parce que mes sens me les font très bien connaître.

Rép. L'évidence ne se distingue pas des facultés autant que Sanseverino nous le fait supposer; elle n'agit sur les facultés que pour les éclairer et sa force ne fait qu'un avec la leur. Il n'y a donc pas d'inconvénient à regarder ici l'évidence comme un criterium suprême : elle ne déprécie aucune faculté. Si les philosophes anciens n'en ont pas parlé expressément, ils en ont parlé d'une manière équivalente. Quant au sentiment général, il est pour nous; car tout homme interrogé sur les derniers motifs de ses convictions répondra en définitive: Je crois à mon existence et à celle des corps parce qu'elles sont évidentes; je crois à mes sens et à ma conscience parce que leur témoignage est trop clair pour souffrir le moindre doute.

2o Mais, ajoute Sanseverino, il y a des choses et des vérités très certaines qui ne sont point évidentes. Ainsi nous n'avons point l'évidence des choses que nous ne connaissons que par des analogies, ni l'évidence des choses contingentes. Donc l'évidence n'a pas le caractère d'universalité.

Rép. Toute vérité aperçue, toute connaissance parfaite est évidente, en définitive, d'une manière immédiate ou médiate, directe ou indirecte. Sanseve

rino n'admet comme évidentes que les connaissances intellectuelles dont l'objet est immuable et proportionné à l'esprit; mais l'évidence s'étend bien au delà, quoique d'une manière moins parfaite. C'est ainsi que nous avons l'évidence des attributs de Dieu, bien que nous ne les connaissions que par analogie; c'est ainsi encore que nous avons l'évidence des faits, et des faits sensibles, parce que notre intelligence critique et ratifie le témoignage des sens; c'est ainsi enfin que nous avons une certaine connaissance évidente de ce qui nous est rapporté par Dieu ou par les hommes si nous ne pouvons douter ni du fait du témoignage ni de son infaillibilité. Maintenant nous convenons que l'évidence immédiate des objets proportionnés à notre esprit (par ex., les principes de métaphysique, de mathématique et de sens commun) a cette force particulière et invincible qui entraîne l'adhésion de l'esprit. Nous trouvons même dans ces distinctions que rappelle ici Sanseverino une explication des erreurs, des doutes, du scepticisme de tant d'hommes sur les vérités les plus certaines, les plus importantes, les mieux démontrées.

Les sens

256. Les sens comme criterium. ne peuvent être le criterium suprême. Ici nous avons à combattre les sensualistes de tous les temps. Démocrite, Héraclite, Epicure, etc., aussi bien que les modernes, n'ont connu que l'âme sensible, confondant l'intelligence avec la sensation, la volonté avec le désir, les vertus avec les passions. La conséquence nécessaire de cette erreur, c'est que le sens est l'unique moyen de connaître la vérité. A ce système est opposé celui des platoniciens, qui pensent, au contraire, que l'intelligence seule est capable de nous instruire, parce

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