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Rép. L'erreur provient ici de l'imagination, faculté trompeuse, et non de la conscience. En réalité le rêveur, l'halluciné ou l'homme trop préoccupé sent ce qu'il sent, et n'a pas précisément conscience de voir, d'entendre, mais d'éprouver une sensation analogue; il imagine voir, entendre, sans pouvoir toujours et sur-le champ faire la différence de l'imagination d'avec la réalité.

3o Souvent nous croyons avoir éprouvé tel sentiment, dit ou entendu telle parole, et nous sommes trompés. Rép.

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Nous sommes trompés alors par la mémoire et non par la conscience. Celle-ci n'a pour objet que les faits internes et présents. Si nous avons conscience de ce que nous avons éprouvé la veille, la mémoire s'ajoute alors à la conscience et peut ouvrir la porte à l'erreur.

4o Il arrive que des personnes privées d'un membre y ressentent cependant des douleurs. Ici il y a évidemment erreur du sens interne.

Rép. La conscience ne témoigne ici que d'une douleur vague, mal localisée, et elle ne se trompe pas; c'est en vertu d'une habitude que le patient rapporte la douleur au membre absent, tandis qu'elle est éprouvée réellement dans les parties voisines qui étaient en communication avec ce membre.

5o Il arrive que des névropathes croient changer de nom, d'état, de sexe et jouer successivement divers personnages. Cette aberration prouve bien que la conscience est faillible.

Rép. Ce n'est pas la conscience qui est ici en défaut, mais la mémoire, qui doit lier entre eux les états de conscience présents et passés. A cette rupture de

mémoire il faut joindre certaines hallucinations; mais le malade sent toujours ce qu'il sent et sa conscience ne le trompe point. Sous ces divers personnages il y a toujours son même moi réel; et la preuve en est que lorsqu'il a conservé quelque mémoire il dit Quand j'étais telle ou telle personne, comme nous disons: Quand j'étais jeune, ou : Quand j'étais malade.

6° On doute souvent de la présence et de la nature de ses propres sentiments. Cède-t-on à la crainte de déplaire ou au désir d'obliger, au désintéressement ou à un secret amour-propre? La conscience est obscure et faillible; de là ses scrupules, ses erreurs, et les licences scandaleuses qu'elle se donne.

Rép. On doute parfois de la nature et du caractère de ses propres sentiments, mais non de leur présence. Quant à la valeur morale des actes, la conscience ne suffit pas toujours à la déterminer; il y faut beaucoup de raison, de science, de bonne foi de là tant d'erreurs. Il est si difficile de bien juger en sa propre cause!

239. Le criterium de la conscience.-On voit facilement par ce qui précède que le criterium de la conscience est impliqué dans tous les autres. En effet, on ne peut rien connaître sans se connaître soimême de quelque manière; toute affirmation implique assez clairement l'existence d'un sujet qui affirme. Cependant la conscience n'est pas un criterium général et suffisant; car elle ne nous apprend rien par elle seule de Dieu, du monde, de tout ce qui est extérieur au sujet pensant. C'est pourquoi on ne peut tirer toute science de la conscience; les panthéistes allemands s'y sont trompés; on peut bien

avoir conscience de son être, mais non de l'être absolu, qui est Dieu, ni de l'être fini qui nous est étranger (1).

Mais le témoignage de la conscience est des plus importants dans les sciences logiques, psychologiques, morales, toutes les fois qu'il s'agit de connaître la nature humaine et qu'il faut s'appuyer sur l'observation intérieure.

240. Le moi réel et la conscience. - Nous remarquerons en second lieu que, par la conscience, nous connaissons non seulement le moi phénoménal, mais encore le moi réel. C'est en vain que Kant a essayé d'opposer ici le moi empirique au moi pur: on ne les perçoit pas séparément. On ne déduit pas non plus l'un de l'autre ; car on ne peut démontrer sa propre existence. Ce serait donc se tromper que de voir une véritable démonstration dans le mot de Descartes Je pense; donc je suis.

241. On se connaît soi-même par ses actes. Enfin nous voyons très clairement comment l'homme se connaît lui-même : il ne se connaît pas directement par sa substance, mais par ses actes; il se perçoit pensant, voulant, désirant, souffrant, etc., la conscience tombe directement et formellement sur l'état, indirectement et matériellement sur tout le sujet (2). Il n'en est pas de même pour les esprits purs ni surtout pour Dieu. L'homme se connaît par une

(1) M. Paul Janet s'exprimait donc d'une manière équivoque et dangereuse lorsqu'il écrivait : « L'être est inné à lui-même, dit Leibniz. N'est-ce pas dire que nous sentons l'infini dans le fini?... Sentir le libre arbitre c'est sentir Dieu en nous, etc. » (Revue des Deux Mondes, 1er juin 1885.) (2) Cf. S. Th. 1a q. 87, a. 1.

infinité d'actes distincts de sa substance et même de ses facultés c'est pourquoi la connaissance de soimême est si lente, si difficile et si imparfaite.

242. L'intelligence est infaillible. Il s'agit ici de l'intelligence en tant que distincte de la raison. Souvenons-nous, en effet, que le rôle de l'intelligence ainsi comprise est de porter des jugements d'une évidence immédiate. Or ces jugements sont de deux sortes analytiques (par ex. : Le tout est plus grand que sa partie) ou d'expérience (par ex. : J'existe). Mais l'intelligence ne peut se tromper sur les premiers, puisque l'attribut est alors de l'essence du sujet. Elle ne peut non plus se tromper sur les seconds, car ils résultent aussi d'une sorte d'analyse, non pas de l'analyse d'une idée abstraite, mais d'un fait complexe, d'un état d'esprit. S'ils sont dits synthétiques, c'est à un autre point de vue, en tant que l'attribut n'est pas de l'essence du sujet. En d'autres termes, je me saisis existant, pensant, et, distinguant ma pensée et mon existence de moi-même, je dis : Je pense, j'existe. Donc l'intelligence ne peut se tromper. Ou bien elle ne saisit rien, et alors elle ignore et ne se trompe pas; ou bien elle saisit la vérité. C'est pourquoi saint Thomas établit cette thèse : L'intelligence, n'est jamais fausse (1a q. 85, a. 6.). Aristote avait dit: L'intelligence est toujours vraie. Saint Augustin exprime la même vérité en ces termes : Si quelqu'un se trompe, il ne comprend pas ce en quoi il se trompe.

243. Objections. -1° On nous objecte que même les premiers principes sont sujets à mille négations. Hégel a nié le principe de contradiction; Stuart Mill et bien d'autres ont douté du principe de causalitė. On peut donc se tromper sur ces jugements d'une

évidence immédiate et, comme tels, objets de l'intelligence..

Rép. On ne peut nier ces principes qu'en apparence, en parole ou par écrit ; car on ne peut concevoir leur contradictoire. Lorsque Hégel, par exemple, dit que l'être c'est le néant, il entend que l'être purement possible est le néant de l'existence. Lorsque Stuart Mill dit qu'en dehors de ce monde le principe de causalité n'est peut-être plus applicable, il entend qu'il peut y avoir un être (Dieu) sans cause. Mais on ne conçoit pas l'absurde, alors même qu'on l'exprime.

2o On ne peut démontrer l'infaillibilité de l'intelligence sans la supposer, sans commettre une pétition du principe.

Rep.

Soit, mais elle s'impose et nous ne prétendons que l'expliquer.

3o Dieu seul est infaillible.

Rép. Dieu seul est infaillible absolument ; mais la créature peut être infaillible sur certains points, dans la mesure où elle possède la vérité.

244. La raison avec la mémoire, etc., est faillible. Que la raison, la mémoire, etc., l'imagination surtout soient faillibles, cela n'est que trop évident. Ces erreurs s'expliquent si l'on considère l'exercice même de ces facultés, qui n'atteignent souvent leur objet que par mille moyens termes, dont chacun peut devenir une cause de confusion. Mais, à mesure que les intermédiaires s'effacent et que la faculté s'applique mieux à son objet, les causes d'erreur disparaissent. C'est ainsi que la mémoire, dans bien des cas, est très sûre; elle ne donne prise à l'erreur qu'autant que les traits qu'elle conserve s'effacent et qu'il faut les rétablir par le raisonne

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