Obrazy na stronie
PDF
ePub

Enfin, en reprenant l'attaque sous une nouvelle forme, nous demanderons aux sceptiques comment ils sont arrivés à formuler leur système, à renoncer à toute certitude scientifique, si ce n'est en raisonnant, en se fiant à toutes ces facultés dans lesquelles ils assurent n'avoir aucune confiance. Plus tard, nous constaterons les mêmes contradictions chez les sceptiques de toutes les écoles: c'est sans motif plausible que tantôt ils croient et tantôt ne croient pas à certaines facultés, qu'ils suspectent les unes et accordent toute confiance aux autres.

215. On ne réfute pas directement le scep ticisme. - Comme on le voit, nous n'avons réfuté le scepticisme universel et absolu que d'une manière indirecte, en le convainquant d'absurdité. On ne saurait le réfuter directement, puisqu'il nie tout principe de démonstration et se place en dehors de toute discussion.

Comme le remarque saint Thomas, ceux qui n'accordent rien tuent la dispute et l'argument (interi munt disputationem et omnem argumentativam rationem). On ne peut discuter avec un adversaire qui ne convient de rien :`on ne peut que répondre à ses raisons.

216. Absurdité du scepticisme. - On remarquera aussi à quelle absurdité se condamnent ceux qui, à l'exemple de Kant, se demandent d'abord si la connaissance est possible. En douter réellement, c'est se rendre impossible toute démonstration. C'est ce qui apparaîtra mieux, quand nous parlerons des vérités premières, indispensables à toute démonstration et qu'on ne démontre pas elles-mêmes.

[ocr errors]

217. Objections. 1o La première est tirée des contradictions perpétuelles des philosophes et des er

reurs sans nombre où ils sont tombés. Il n'y a rien de si absurde, disait déjà Cicéron, qui n'ait été enseigné. Que ne dirait-il pas aujourd'hui ?

Rép. - Les philosophes ont enseigné encore plus de vérités que d'erreurs. Pour ce qui est de leurs contradictions, elles portent souvent sur des conclusions de moindre importance, et nous avouons qu'en philosophie il y a plus de place pour le doute que pour la certitude. D'autres contradictions, qui paraissent graves, ne portent guère que sur des formules. Souvent aussi ces luttes sont dues à la vanité ou à d'autres préoccupations aussi peu honorables. Enfin, s'il y a encore beaucoup trop de contradictions sincères, elles accusent la faiblesse de l'esprit humain, mais non son impuissance radicale. Au reste, les plus grands philosophes s'accordent souvent sur les vérités les plus importantes: celles-ci réunissent les esprits beaucoup mieux que l'erreur. Car il ne faut pas considérer comme d'accord des philosophes qui nient une même vérité pour des motifs différents, mais ceux-là seulement qui se réunissent dans une affirmation et une doctrine communes.

2o Toute connaissance est relative: c'est une relation du sujet à l'objet. Donc toute vérité est relative. Or c'est précisément là le scepticisme.

[ocr errors]

Rép. Toute connaissance est relative en ce sens que l'esprit se conforme à son objet et ne connaît rien indépendamment de lui; mais il ne s'ensuit pas que l'objet change selon l'esprit de chacun, ou que ce qui est vrai pour l'un soit faux pour l'autre. Il y a donc en ce sens des vérités absolues, indépendantes de notre esprit, bien que la vérité soit une conformité de l'esprit avec l'objet. C'est l'objet qui nous donne la me

sure et il ne change point, bien que notre connaissance soit mobile et perfectible.

3o Tout ce qui est certain peut être démontré; or les premiers principes sont indémontrables; donc on ne peut pas donner la dernière raison des choses, et le doute philosophique est au fond de toutes nos convictions naturelles.

Rép. Les premiers principes ne se démontrent pas et démontrent tout le reste, parce qu'ils sont plus clairs que toute démonstration. Le soleil éclaire tout et n'est pas éclairé lui-même, sans être pour cela obscur.

4e Quoi qu'il en soit, le scepticisme est irréfutable; car on ne le combat qu'en partant d'un principe qu'il n'accorde pas.

Rép. Il n'y a que le scepticisme universel et absolu qui soit, à proprement parler, irréfutable, parce qu'il n'accorde rien; mais quelle gloire y a-t-il à se mettre ainsi, avec le rien, non pas au-dessus, mais audessous de toute démonstration?

5o Il est prudent de douter, et le sceptique n'aspire qu'à cette prudence.

Rep. Il est plus imprudent de douter de certaines choses que de les affirmer. Trop affirmer, c'est de la témérité; mais trop douter, c'est de l'injustice ou de la pusillanimité, quand ce n'est pas une affectation de science et une secrète vanité.

CHAPITRE XII

DES CRITERIUMS SUBJECTIFS OU DES FACULTÉS
DE CONNAITRE

218. Objet de ce chapitre.

Après avoir considéré la vérité elle-même, il faut traiter des moyens de l'atteindre. Les premiers sont les facultés de connaissance.

Remarquons d'abord qu'il ne peut s'agir ici que des facultés de connaître, puisqu'elles sont seules en rapport avec la vérité : les autres ne peuvent concourir à sa découverte, qu'en facilitant l'exercice des premières.

Remarquons ensuite qu'il ne s'agit point d'étudier ces facultés en elles-mêmes, dans leur nature, leurs caractères et leurs rapports; car l'étude présente n'appartient pas à la psychologie: nous les considérerons en tant qu'elles sont des moyens d'atteindre la vérité.

[ocr errors]

219. Les facultés de connaître. Or les facultés de connaître se ramènent toutes en définitive aux sens et à l'intelligence. Les sens nous découvrent le particulier, le contingent; l'intelligence nous découvre l'universel, le nécessaire. Mais les sens sont de plusieurs sortes: les uns sont externes (la vue, l'ouïe, etc.,

qui s'exercent par des organes distincts); les autres, internes (au nombre de quatre le sens commun des scolastiques, qu'il ne faut pas confondre avec le bon sens ou sens commun des modernes; l'estimative, sorte de jugement instinctif; la mémoire sensible et l'imagination). Toutes ces facultés sensibles s'exercent par des organes et nous sont communes avec les animaux supérieurs.

Il n'en est pas de même de l'intelligence. Elle prend divers noms suivant son exercice. Si elle s'applique aux premiers principes, aux vérités qui lui sont d'une évidence immédiate, elle garde le nom d'intelligence; si elle s'applique aux conclusions tirées de ces principes, si elle induit ou déduit, elle prend le nom de raison; si elle s'applique au passé, elle prend le nom de mémoire; si elle revient sur elle-même ou sur les autres facultés du sujet, elle prend le nom de conscience (conscience intellectuelle ou proprement dite). La conscience, à son tour, est psychologique ou morale.

Or il s'agit de savoir comment toutes ces facultés sont véridiques et dans quelle mesure on peut se fier à chacune d'elles. Nous le déterminerons dans la thèse suivante :

THÈSE. Les sens externes sont infaillibles sur ce qu'ils perçoivent, à certaines conditions qu'il appartient à l'esprit de déterminer. En ce qui concerne non plus telle ou telle qualité des corps ou tel corps en particulier, mais l'existence même du monde corporel, les sens sont absolument infaillibles: les sensations ne sont explicables que par cette existence. Pour ce qui est de la conscience, soit sensible, soit intellectuelle,

« PoprzedniaDalej »